Bertrand Blier
Bertrand Blier

« Ce qui me touche chez les acteurs ? Peut-on dire ce qui nous touche dans l’oxygène ? »

Bertrand Blier
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Un bon conseil : quand vous êtes bien malheureux, n'essayez pas de lutter contre votre tristesse. Au contraire : laissez-vous glisser, laissez-vous envahir, c'est comme un courant froid qui vous emporte vers le large. Mettez-vous, par exemple, une musique bien nostalgique, bien déprimante, pour vous enfoncer davantage, si possible, dans votre désespoir. Il faut aller jusqu'à plus soif,

jusqu'à saturation du malheur, si vous voulez vous en sortir un jour.
C'était ce que je m' apprêtais à faire. J'avais trouvé, dans ma collection, le disque le plus apte à décupler mon bourdon. Il s'agissait, vous vous en doutez, d'un vieux Bud Powell imparable : "Willow Weep for me", avec George Duvivier à la basse et Art Taylor à la batterie. Déjà la platine tournait, les

premiers sillons, pleins de poussière grésillaient, et j'attendais, confortablement installé, que le piano attaque, que la mélodie s'empare de moi, que les doigts du pauvre Bud me tricotent ce fameux cafard dont lui seul avait le secret... lorsque la sonnette a retenti.
C'était foutu. Fallait tout arrêter. On pouvait même pas crever en paix. + Lire la suiteCommenter

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Bertrand Blier
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« Qu’est-ce qu’on ferait avec une femme si y avait pas cette trouille qu’elle se fasse la valise avec un autre ? Rien. On ferait rien. On se regarderait. On serait béats. Ca serait une histoire d’amour entre légumes. On aurait la tronche en survêtement. Y aurait même plus de soutifs. Pas besoin d’armes en temps de paix. Pas besoin de bouger son cul. »
Bertrand BLIER,

Pensées et répliques, 2001, le cherche midi éditeur (p. 17).

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Appeler un garagiste pour un faux dépannage et s’emparer de son camion-grue c’est complètement débile. Vous voyez, on en arrive à imaginer n’importe quoi dans le seul but de piquer une voiture en plein jour. Donc c’est con, faut pas le faire.

Bertrand Blier
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Ses nichons, par exemple : c’était un vrai désert, une absence totale de nichons, et pourtant ça me fascinait. Pourquoi ? Moi qui aimais tant les soutiens-gorge bien remplis et malaxer des grosses ballotines… J’en revenais pas moi-même… Qu’est-ce qui pouvait bien m’attirer dans ce torse de louveteau ?… L’impression de fragilité, peut-être, et même de détresse qui se

dégageait de cette poitrine lisse… Que la peau sur les côtes elle avait !… Et deux rondelles brunes, spacieuses, mais d’une finesse extrême, presque transparentes, pour un peu on lui aurait vu le cœur au travers, avec des tétines perpétuellement dressées, courtes, mais trapues, comme des boutons de minuterie… Pas des seins, mais beaucoup plus que des seins !… Une discrétion

sans précédent, une belle leçon de pudeur féminine !… Une fille qui pour rien au monde aurait voulu nous encombrer avec d’obscènes mamelles, lourdes, blanches, molles !… On se prenait, avec Marie-Ange, à détester les gorges opulentes. Ça nous donnait envie de la protéger, cette fragilité, ou alors de la briser, on savait pas très bien. + Lire la suiteCommenter

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Bertrand Blier
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L’anxiété nous reprenait, je me demande vraiment pourquoi. On risquait rien de plus qu’avant. L’obstacle inattendu, sans doute, qui nous paniquait. La sensation de plus pouvoir avancer, d’être bloqués dans notre fuite. On avait l’impression d’étouffer bien que personne apparemment soit à nos trousses. Rien d’inquiétant dans le rétro, pas de sirène, le calme plat. On

étouffait quand même. Pourtant, on manquait ni d’air ni d’espace.

Bertrand Blier
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On était satisfaits de déranger tant de monde. Satisfaits et inquiets. On avait tué personne et pourtant ils nous cherchaient comme des fous.

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Dans n’importe quelle ville qui se respecte y a le coin des voyous, des putains, des pédés crapoteux, comme un égout avec une grille pour les retenir. Si vous êtes un paumé, un cradingue, un total orphelin, de préférence avec les flics au cul, alors laissez-vous faire, pas besoin de plan Taride, même en rasant les murs vous y allez direct. Vous trouverez facilement, c’est au bout du

chemin, quand vous en avez marre, quand vous en pouvez plus. Ouvrez les yeux, vous y voilà. Vous verrez, c’est plutôt plus sympa que des tas d’autres coins soi-disant élégants, à condition de pas avoir les narines délicates.

Bertrand Blier
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La vérité c’est que toujours plein de gens vous attendent. Des gars, des filles, des pourris, des peaux de vache, mais aussi, quelquefois, la future amitié, le truc inespéré, ou bien la fille de rêve qui va vous en sortir, à moins que ce soit le magot, le blé de la dernière heure, qui vous tombe par hasard, sans effort. Un trésor, n’importe où, dans n’importe quelle poche, sac à

main, portefeuille. Un dividende qu’on porterait pas aux objets trouvés. Qu’on puisse enfin se retirer, couler des jours paisibles. Seulement tout ça, c’est de l’hypothèse. La date et l’heure vous l’ignorez. Pas la peine de foncer, de vous presser le citron, vous précipiterez pas le destin.

Bertrand Blier
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La vraie mentalité de flic amateur, le témoin en puissance qui bondit au bigo pour composer le 17. C’est pas les bons citoyens qui manquent, je vous assure. Ça court les rues les braves gens prêts à sacrifier quelques années de votre belle jeunesse pour dire la vérité, rien que la vérité, cette putain de vérité dans sa totalité ! Ils demandent qu’à foncer raconter, déballer

leur rapport, ils démarrent comme des fous, des obus, des fusées, y en a même qui démarrent aux startings pour gagner quelques secondes.

Bertrand Blier
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« La femme serait-elle à l’honnêteté ce que le pied-de-biche est à la porte blindée ? »
Bertrand BLIER, Pensées et répliques, 2001, le cherche midi éditeur (p. 15).

Bertrand Blier
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La meilleure façon de traverser un terrain miné c’est de se croire au muguet. S’en foutre. Sinon tu vas donner tout droit dans une gabardine, piégée ou tu marches sans faire exprès sur des talents de divisionnaire.

Bertrand Blier
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C’est toujours quand on s’en fout que ça marche le mieux.

Bertrand Blier
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C’est comme un mec qui se noie et qui essaye de vous emmener au fond pour lui tenir compagnie. Faut l’estourbir.

Bertrand Blier
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Moi j’aime bien toujours pouvoir me tirer. J’ai horreur de me sentir attaché, solidaire d’un corps fixe. C’est comme si j’étais en prison. Et quand je pense à la prison, j’ai la panique qui me prend. Rien qu’à l’idée, je me sens le dos très frileux, et même parfois glacé. Je suis sûr que je pourrais pas supporter. Je préfère encore que le pare-brise me décapite. Sans

compter le fait qu’en taule on risquerait de subir l’influence pernicieuse que le malfaiteur nous contamine, et nous inculque ses manières, déplorables, le bagage du parfait truand.

Bertrand Blier
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Ca doit être formidable, je me disais, d'être un mec stable, qui perd jamais son sang-froid, qui réfléchit avant d'agir et qui agit à bon escient, sans jamais faire de mal à personne. Pourquoi tous ces kilomètres ? Et comment font les autres pour vivre ?

Bertrand Blier
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Il me restait plus qu'à remonter chez moi et prendre la vie du bon côté. J'avais perdu ma femme, mon boulot, ma bagnole et une petite fille. J'avais pas un rond en poche. Coup de bol : j'étais pas malade, ni infirme ni tout à fait dingue encore.

Bertrand Blier
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Seulement le monde il est là, tout près, y a rien à foutre, il vous entoure, il vous suit à la trace, au fumet, il vous cavale au train comme s’il pouvait pas se passer de vous, à croire qu’on est indispensable, que si on disparait, crac ! tout s’écroule.