Alain Serres
Alain Serres

Un appel au secours d'Alain Serres, patron de la petite maison d'édition Rue du Monde, à soutenir ....

APRÈS CE PRINTEMPS DE CONFINEMENT,
S'ANNONCE UN ÉTÉ DE DÉCONFITURE…
5 questions-clés et 5 bulles d'air urgentes pour réanimer l'édition jeunesse indépendante en danger.

La situation est violente pour le maillon fragile de la chaîne du livre que

nous sommes. Les chiffres laissent à penser que Rue du monde s'achemine vers une baisse de 30 à 40 %des ventes de livres sur 2020, comme la plupart de nos confrères. Les libraires et les éditeurs indépendants des grands groupes ne tenaient déjà qu'à un fil !
Pour les auteurs et les illustrateurs, travailleurs solitaires qui ne vivent souvent que grâce à des animations dans les

classes, annulées, des salons, déprogrammés, et bien des projets éditoriaux, désormais repoussés… c'est quasiment le désert.
Période très rude enfin pour les imprimeurs que nous faisons travailler (pour ne pas fabriquer à 10 000 kilomètres de chez nous) ; leurs machines, elles aussi, ont dû se taire.
Pourtant, ces frêles maillons de la chaîne du livre indépendant

constituent bien la force de l'édition française, tout particulièrement en littérature jeunesse. Elle offre une fabuleuse vitrine de talents. Un fourmillement d'audaces et de diversités qui fait rêver les créateurs du monde entier même si notre pays la méconnaît gravement.
Comment allons-nous sauver cette source d'inventions en mots et en images ? Sous l'impact de la lourde boule

de virus que nos petites maisons prennent en pleine façade, les interrogations se bousculent pour éviter la démolition.

1 • Les recettes d'avril sont à zéro et le chômage partiel ne nous a toujours pas été payé pour le mois de mars. Sans recette durant deux mois, probablement plus, comment va-t-on financer les prochains projets pourtant indispensables au retour des yeux

curieux dans les librairies ?

2 • Avec tous les doutes sur un redémarrage des ventes « comme avant », comment les petits éditeurs vont-ils réussir à ne pas supprimer d'emploi dans leurs équipes de 3 ou 4 salariés ?

3 • Comment poursuivre nos efforts pour maintenir, dans nos stocks et notre catalogue, les titres du fonds à faibles ventes annuelles (qui ne sont

pas forcément les moins bons…), malgré les surcoûts que cela entraîne chaque année ?

4 • Comment les petits éditeurs vont-ils avoir assez de trésorerie pour régler les droits d'auteur 2019, parvenir à payer chacune de leurs factures, ne pas cesser de communiquer pour faire connaître leurs productions, ne pas se replier sur eux-mêmes ?

5 • Comment le réseau

des libraires va-t-il non seulement sortir indemne mais parvenir à se densifier ? Nous avons besoin qu'il s'étoffe dans bien des territoires, pour se rapprocher des lecteurs potentiels…

Je pourrais en écrire des pages… Ce sont nos angoisses de chaque jour et de chaque nuit. Mais je veux surtout resserrer mes pensées autour de quelques espoirs.
Voici donc des propositions.

Elles visent à réanimer d'urgence l'édition jeunesse indépendante en grandes difficultés, bien au-delà des aides de circonstances ou des aimables propositions de crédits des banques. Et si nous saisissions la vague pour rêver plus haut les années à venir ?

Cinq propositions de bulles d'air :
1 • Nous avons besoin d'un vaste plan public d'acquisition de livres. Des

enveloppes exceptionnelles allouées par les régions aux lycées pour acheter des livres récents ; et par les Conseils départementaux, aux CDI des collèges et aux Bibliothèques départementales qui irriguent les territoires.

2 • Au plus près des enfants, les maires ont les clés des bibliothèques municipales et des écoles. Il faut notamment que cesse cette érosion

régulière qui ronge chaque année les budgets d'acquisitions et d'animation dans de plus en plus de médiathèques. Les élus locaux ont un rôle décisif à jouer pour que, dans leur commune, la lecture soit une fête qui n'exclut personne. C'est une des missions majeures du service public parce qu'elle fonde la démocratie.

3 • Parallèlement, les ministères de la culture et de

l'éducation doivent décider de dotations exceptionnelles pour que les écoles du pays deviennent véritablement des écoles du livre et de la lecture. C'est l'occasion de redonner des moyens aux BCD ( bibliothèques d’écoles) qui s'essoufflent dans trop d'écoles maternelles et élémentaires.
Les listes conseils ne suffisent plus ! Il faut des livres, en nombre, des formations et des

moyens humains pour les faire vivre. Ce serait une action-ricochet qui contribuerait aussi à relancer toute la chaîne du livre, des auteurs aux libraires, des imprimeurs aux petits éditeurs.

4 • Parce que rien ne remplace un vrai livre que l'on possède, il faut que des chèques-lire arrivent massivement dans les familles qui en ont besoin. Ils permettraient à beaucoup de

découvrir le chemin de la librairie. Il faut que les CAF, mais aussi les comités d'entreprise, les élus territoriaux, offrent régulièrement des livres, pour marquer les événements de la vie de l'enfant. Des cadeaux symboles souvent porteurs de sens sur le vivre ensemble, les enjeux planétaires ou tout simplement du bonheur de devenir, un jour, un adulte lecteur.

5 • N'est-ce

pas enfin le moment de prendre des mesures techniques attendues depuis longtemps comme des tarifs postaux pour les livres alignés sur ceux de la presse ou comme ces encouragements financiers qui accompagneraient les éditeurs faisant le choix d'imprimer en France à un coût bien supérieur aux devis venus de Chine ou de Malaisie ?
La sortie envisagée de cette crise historique ne

pourrait-elle pas être l'occasion de mettre la barre haut pour une ambition culturelle exigeante et justement partagée ? Pour davantage de respect de la planète par le monde de l'édition ? Sur la remise en question des volumes astronomiques de production des grands groupes de l'édition ?
Pour pouvoir survivre, les petites maisons, dont le faible nombre de titres publiés est balayé

par l'ouragan croissant des parutions, doivent en effet parvenir à mieux vendre chacun de leurs titres sinon bon nombre d'entre elles disparaîtront, asphyxiées.
Chacun de ces éditeurs a pourtant une place unique dans le paysage de l'enfance de notre pays. Chez Rue du monde, nous essayons, par exemple, d'apporter du neuf sur le rapport au monde naturel, sur une citoyenneté fraternelle,

une éducation à la liberté, à l'art, au rêve et à la poésie comme autant de moyens pour mieux réussir ensemble nos vies.
Nous avons décidé de réagir à la crise en faisant ces quelques propositions. Et, pour la première fois en bientôt 25 ans, nous allons aussi lancer un appel à tous ceux qui sont attachés à l'identité originale que nous avons construite en quelque 500

livres : familles, enseignants, libraires, bibliothécaires, associations, réseaux solidaires… leur soutien va être la clé de nos prochains mois.

Alain Serres, auteur,directeur des éditions Rue du monde
Le 4 mai 2020. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          859

Alain Serres
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Je crois qu'il ne faut pas considérer les enfants comme des cibles, mais bien comme des personnes en construction qui ont besoin des mêmes vitamines que leurs aînés pour animer leur réflexion intérieure, la vision de leur place parmi les autres ou sur la planète.

Alain Serres
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L'imagination et le mélange des cultures sont désormais des épices dont on ne peut plus se passer !

Alain Serres
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C'est ainsi que naquit le "mi-kong", un mélange d'eau, de farine, de miel et d'une poignée d'épices diverses choisies au hasard des pillages de caravanes... Cuit sur des pierres chaudes, il constituait le premier pain d'épices que les hommes ont peut-être inventé pour apaiser leur envie de posséder le monde entier.

Alain Serres
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A chacun sa poudre secrète, sa touche magique.

Alain Serres
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Pour savourer des graines ou des bourgeons parfumés, des poudres de racines rares ou des morceaux d'écorce envoûtants, les hommes ont traversé les terres et les océans.

Alain Serres
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Si tes parents
pensent
que les fées
n'ont jamais existé
et n'existeront jamais...
... raconte-leur que toi, tu crois
en Mélusine Prune-de-Lune,
au Père Noël qui repeint l'arc-en-ciel...
... et aux parents
qui redeviennent des enfants
juste en lisant les six lettres
du mot E N F A N T !

Alain Serres
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Je ressens le besoin de parler aux enfants de leurs droits sans démagogie, leur dire la haine du racisme mais sans discours, leur murmurer qu'apprendre à reproduire le monde à l'identique comme on les y encourage trop souvent n'est pas digne de l'histoire des humains. Le besoin de leur parler de tous ces ailleurs que j'ai la chance de découvrir en Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie...

leur parler des mots République et Résistance, c'est à dire d'Histoire bien sûr, mais aussi de Butor ou de Michaux qui résistent, eux, à d'invisibles dictateurs qui ne seront jamais jugés à La Haye... Leur apprendre à lire activement entre les lignes de leur propre imaginaire...
[La revue des livres pour enfants n°270 - la naissance de la maison d’édition Rue du Monde]

Alain Serres
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Si tes parents
te répètent sans cesse
que tu ferais mieux
de lire des livres
utiles pour l'école...
... dis-leur qu'aimer les livres, c'est très utile à l'école !
Et que d'ailleurs ta maîtresse
en lit souvent à toute la classe,
avec de grands yeux brillants !

Alain Serres
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Si tes parents détestent
quand une bestiole
se promène dans un livre
avec une crotte sur la tête...
... explique-leur que tu as déjà vu pire
dans la Rue-de-la-Vérité :
un homme dormir près d'une poubelle, pour de vrai.

Alain Serres
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Tous les efforts, les doutes, les investissements et les soins apportés à la réalisation du livre doivent passer inaperçus, s'effacer derrière l'histoire et les images ! Ils sont là pour les servir discrètement.
Quand quelqu'un dira: "Ce livre est beau", il parlera sûrement de l'ensemble de l'ouvrage, de l'histoire qu'il raconte, de ses illustrations, son papier, sa couverture...

sans distinction. Il aura l'impression générale d'avoir fait une belle rencontre.

Alain Serres
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Certaines nuits,
je pense à la vie.
Je soupire en me disant
que c'est triste,
les saisons.
Alors je pleure
une larme que
personne ne voit
parce qu'elle reste en moi.
Elle m'arrose.

Alain Serres
Alain Serres

"Beaucoup de mystères demeurent encore sur l'histoire, la puissance ou la vie du ginkgo. Les humains ne sont certains que d'une chose : ils savent qu'ils ont encore besoin de lui, et pour longtemps."

Alain Serres
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PARTOUT


Je suis un enfant de partout
un enfant de Paris, de Cotonou,
un enfant de l’ombre des montagnes
des plis rouges d’un pagne.
Je suis un enfant des nids de moineaux,
de Mulhouse, de Baltimore,
des petits bateaux de la baie de Rio
et pire encore
je suis un enfant de quelque part
né de l’amour entre la chance

et le hasard.
Un enfant avec un nom,
un prénom,
mais un enfant qu’on appelle Terrien
parce que, sans moi,
cette planète n’est rien.


Je suis un enfant de partout/Rue du Monde, 2008

Alain Serres
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L'avion


Un avion a atterri
cet après-midi
sur cette page blanche
de mon livre ouvert

Il a dessiné de ses huit roues
comme une mèche de cheveux
au beau milieu de la feuille
puis lentement s'est rangé
en bas
à gauche
près du n° 36

36 passagers sont descendus
Ils m'ont parlé en 36 langues

de 36 millions d'enfants
que je ne connaissais pas.

Et mon livre traduisait,
et mon livre jubilait.

Alain Serres
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Il sait maintenant
que tous les êtres vivants
sont fragiles
comme des plumes
et que chacun d'eux
a besoin des autres.
Même quand,
à force de marcher,
par tous les froids et par tout les soleils,
on devient robuste comme la pierre.

Alain Serres
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L'histoire de la vieille aztèque
Voilà dix ans que la vieille Indienne prépare, avec infiniment de soins, la divine boisson de l'empereur Moctezuma. Le roi des Aztèques boit jusqu'à quarante tasses de chocolat par jour. Et il en faut aussi pour les invités des nombreuses fêtes. Le servir n'est pas un travail, mais un honneur qui exige beaucoup d'elle.
Et depuis l'arrivée de

l'Espagnol, elle s'applique encore plus. Le piment, les graines de rocou qui donnent une ombre rouge à la boisson, les épices juste ce qu'il faut d'eau de source, la vieille femme explique tout au visiteur espagnol qui, depuis des semaines maintenant, l'observe sous sa tente en remplissant des carnets. Elle livre toute sa science, mais elle sourit : elle est sûre qu'il ne parviendra jamais à

faire mousser le chocolat comme elle. Il a beau toucher le moulinet de bois, le dessiner, le soupeser ou l'emporter dans son pays lointain, les mains qui le font tournoyer n’appartiendront jamais qu'à elle, la vieille Indienne de Tenochtilàn. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          130

Alain Serres
Alain Serres

Un poème
s’est assis sur un banc.
Est-ce assez
Pour changer la vie
de l’homme
qui passe ses nuits ici
Et si le poème
s’assoit ainsi ?
de pays en pays,
les hommes
connaîtront-ils
enfin l’embellie. ?

Michel Lautru

Alain Serres
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(...) quand nous aurons vendu la dernière des bulles d'air pur, il ne nous restera que de l'argent, mais l'argent ne se mange pas. Il ne nous restera que de l'or, mais l'or ne se respire pas.

Alain Serres
Alain Serres

"Bien des légendes sont nées à l'ombre des branches des ginkgos."