Akira Yoshimura
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Isaku avait entendu parler des terribles châtiments qu'ils encouraient. Ils risquaient d'être ligotés et promenés, puis crucifiés la tête en bas et éviscérés à coups de lance. On disait aussi qu'on était crucifié après avoir eu les membres sciés. Si on apprenait qu'ils avaient pillé la cargaison d'un navire et battu à mort des matelots, on leur ferait certainement subir le même

sort.

Akira Yoshimura
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Sur le rivage, il voyait des femmes, des vieillards et des enfants, le dos courbé. Quand le calme revenait après plusieurs jours de tempête, on trouvait beaucoup d'algues et de coquillages à ramasser. Il arrivait parfois que viennent aussi s'échouer des morceaux d'épaves, des fruits ou des fragments d'objets usuels, portés par les flots. Sa mère se dépêcha d'aller les rejoindre.
Un

petit bateau flottait sur la mer. Contrairement à la nuit précédente, il n'y avait pas de vent, et
l'étendue d'eau était paisible sous le pâle soleil. Il entreprit de mettre le bateau de son père à l'eau. Il le tira sur le sable puis, les pieds dans l'eau froide, le poussa vers le large. Quand il prenait la rame, il pensait toujours à son père. La poignée en était lisse, et à la

pensée que c'étaient les paumes de son père qui l'avaient façonnée ainsi, il avait conscience de sa présence à ses côtés.

Akira Yoshimura
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Dans cette gorge constamment ravinée par la pluie, la vitesse à laquelle germaient les bourgeons printaniers était stupéfiante. Au début c'était comme si tout se couvrait vaguement d'une fine couche de poudre vert-de-gris, mais de jour en jour la couleur devenait plus foncée, et bientôt les couleurs fraîches du feuillage printanier se répandaient dans toute la vallée.

Akira Yoshimura
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De retour à la maison, sa mère lui servit un bol de saké. Il le porta à ses lèvres et fut surpris par l'arôme qui se développa aussitôt à l'intérieur de sa bouche.
Après en avoir bu une gorgée, sa mère dit avec émotion :
- C'est de la bonne qualité. Je n'en ai jamais bu d'aussi bon. Ce n'est pas la même chose quand il est fait avec du riz.
Le liquide était

épais, et une vague de chaleur se répandit dans son corps. Il se sentit tout ragaillardi.
- C'est au printemps de l'année prochaine que papa va revenir... J'espère qu'il sera en bonne santé, dit-il à sa mère.
Elle se tourna vers lui :
- Ne sois pas idiot, bien sûr qu'il reviendra en bonne santé. Ton père est solide, il ne risque pas de tomber malade, lui répondit-elle

d'une voix forte.
Isaku prit une gorgée de saké. Il voulait être un pêcheur accompli pour le retour de son père. Il voulait être fort, être capable de soulever facilement un sac de riz.
L'ivresse le gagnait et tout se mit à tanguer devant ses yeux. Il termina son saké d'un seul coup et, titubant, alla s'affaler sur sa natte. Il plongea aussitôt dans un profond sommeil.

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Akira Yoshimura
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Cependant, même si elle savait qu'il était en liberté conditionnelle, le crime qu'il avait perpétré dans le passé resterait entre eux, et finirait certainement par devenir pesant. La femme supporterait-elle qu'il la caresse de ses mains tachées du sang d'Emiko.

Akira Yoshimura
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On dit que le projet de budget du plan des travaux intègre les indemnités des victimes en fonction de la puissance maximale en kilowatts du barrage. En somme, la mort est une réalité prise en compte dès le début. Ceux qui travaillent dans un tel contexte semblent s’efforcer de devenir insensibles à la mort d’autrui. Dans la pratique, si l’on devait s’apitoyer à chaque décès, il

n’y aurait pas de travail possible.

Akira Yoshimura
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La mort d'un homme, sur le moment, attristait la famille et le reste du village, mais on croyait au retour des âmes et on se résignait vite. La vie était un don des dieux et des bouddhas, et quand venait la mort, l'âme humaine partait aux confins de la mer, pour ensuite revenir dans le ventre d'une femme afin de revivre dans le corps d'un bébé. La mort n'était pour l'âme qu'une période de

profond repos précédant son retour, et les villageois croyaient que se lamenter trop longtemps troublait la paix de l'âme du mort. Dans le cimetière, on dressait les pierres tombales et les stûpas face à la mer pour favoriser le retour des âmes au village.

Akira Yoshimura
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Sa décision d’en finir ainsi en entraînant les siens, alors que chacun craignait de perdre la vie dans les bombardements qui s’intensifiaient, m’avait paru singulière. Sa vision de la mort comme une solution à ses problèmes me choquait. Que sa passion pour sa maîtresse ait été si forte que la vie avec sa femme lui ait paru insupportable me semblait stupéfiant. Ce choix,

compréhensible en temps de paix, ne l’était pas quand l’existence même des familles était menacée.

Akira Yoshimura
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Un abîme s'ouvrit au fond de moi.Tandis que dans cet espace vacant,quelque chose d'énigmatique et lourd s'engouffrait brusquement avec la violence d'un torrent en crue.
Le hameau qui avait bien voulu soigner ma blessure était en train de disparaître de cette vallée.

Akira Yoshimura
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- Le travail doit être dur.
- Oui. Puisqu’on nous a achetés, on nous utilise à plein rendement. La seule chose qui soit intéressante, c’est qu’on ne nous laisse pas mourir de faim, de peur de nous perdre...

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La vie était un don des dieux et des bouddhas, et quand venait la mort, l'âme humaine partait aux confins de la mer, pour ensuite revenir dans le ventre d'une femme afin de revivre dans le corps d'un bébé.

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Isaku regardait la mer. Les crêtes de vagues se succédaient, pâles, projetant des embruns glacés à chaque déferlement. Ses yeux, s'habituant progressivement à l'obscurité, virent se découper à la lueur des étoiles les contours d'un assez gros bateau. Celui-ci, incliné, était battu par les vagues.

Akira Yoshimura
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L'idée que ces embarcations étaient véritablement remplies de soldats américains lui paraissaient quasiment incroyable. Ces soldats et leur pays qu'il haïssait de toute son âme étaient aussi peu réels que l'image floue d'un pays lointain. A présent, ces soldats américains progressaient vers le rivage de son île dans leurs petits bateaux pour le massacrer, lui et ses frères d'armes.

Il eut l'impression de découvrir soudain la réalité de la guerre.

Akira Yoshimura
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Les ossements étaient sortis des trous, posés sur la terre, et leur blancheur s'étendit aussitôt sur toute la surface du cimetière.
La montagne, enveloppée de feuillage rouge vif, présentait un contraste remarquable avec la blancheur des os.

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Un bateau de trois à quatre cents tonneaux faisait son apparition au bout du cap. Ses voiles qui pendaient lamentablement faseyaient par moments. Il apercevait une marque noire en haut des voiles, des ballots entreposés sur le pont et aussi des silhouettes humaines. Le bateau avançait lentement en direction du sud-est.
Il avait les yeux fixés sur le bateau. Bientôt, celui-ci disparut à

nouveau dans l'ombre du cap au-dessus duquel tournoyaient les corbeaux.

Akira Yoshimura
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La vie carcérale ... à laquelle me faisait toujours penser l'humidité. Les murs et le sol glacés, bien sûr même dans cette vie-là il y avait un temps et des équipements pour nous permettre de prendre le soleil. Mais pour nous qui étions enfermés, le soleil également n'était autre qu'une lumière dispensée avec restriction.

Akira Yoshimura
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Les ossements étaient sortis des trous, posés sur la terre, et leur blancheur s’étendit aussitôt sur toute la surface du cimetière.
La montagne, enveloppée de feuillage rouge et vif, présentait un contraste remarquable avec la blancheur des os.

Akira Yoshimura
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“Au fond de la vallée, deux mondes s’étaient constitués. Sans s’influencer l’un l’autre, à l’intérieur d’une frontière abstraite, ils semblaient mener chacun sa vie de manière indépendante.”

Akira Yoshimura
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"Mes cendres étaient plongées dans le silence.
Etait- ce la tranquillité de la mort?
Je sentais que j'avais enfin réussi à trouver le repos ."

Akira Yoshimura
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Le souvenir du visage de la fille empreint de honte me faisait ressentir la douloureuse solitude des femmes. Même si elle avait été violée, à partir de l'instant où elle avait cédé, le poids de l'homme s'était-il installé à demeure tout au fond de son corps ?