Hector Berlioz
Hector Berlioz

Les trois coups annonçant qu’on allait commencer, venaient nous surprendre au milieu de cet examen sévère des notabilités de l’orchestre. Nous nous taisions aussitôt en attendant avec un sourd battement de cœur le signal du bâton de mesure de Kreutzer ou de Valentino. L’ouverture commencée, il ne fallait pas qu’un de nos voisins s’avisât de parler, de fredonner ou de battre la

mesure ; nous avions adopté pour notre usage, en pareil cas, ce mot si connu d’un amateur : «Le ciel confonde ces musiciens, qui me privent du plaisir d’entendre monsieur !»

Connaissant à fond la partition qu’on exécutait, il n’était pas prudent non plus d’y rien changer ; je me serais fait tuer plutôt que de laisser passer sans réclamation la moindre familiarité de

cette nature prise avec les grands maîtres. Je n’allais pas attendre pour protester froidement par écrit contre ce crime de lèse-génie ; oh ! non, c’est en face du public, à haute et intelligible voix, que j’apostrophais les délinquants. Et je puis assurer qu’il n’y a pas de critique qui porte coup comme celle-là. Ainsi, un jour, il s’agissait d’Iphigénie en Tauride,

j’avais remarqué à la représentation précédente qu’on avait ajouté des cymbales au premier air de danse des Scythes en si mineur, où Gluck n’a employé que les instruments à cordes, et que dans le grand récitatif d’Oreste, au troisième acte, les parties de trombones, si admirablement motivées par la scène et écrites dans la partition, n’avaient pas été exécutées.

J’avais résolu, si les mêmes fautes se reproduisaient, de les signaler. Lors donc que le ballet des Scythes fut commencé, j’attendis mes cymbales au passage, elles se firent entendre comme la première fois dans l’air que j’ai indiqué. Bouillant de colère, je me contins cependant jusqu’à la fin du morceau, et profitant aussitôt du court moment de silence qui le sépare du morceau

suivant, je m’écriai de toute la force de ma voix :

«Il n’y a pas de cymbales là-dedans ; qui donc se permet de corriger Gluck[16] ?»

On juge de la rumeur ! Le public qui ne voit pas très-clair dans toutes ces questions d’art, et à qui il était fort indifférent qu’on changeât ou non l’instrumentation de l’auteur, ne concevait rien à la fureur de ce

jeune fou du parterre. Mais ce fut bien pis quand, au troisième acte, la suppression des trombones du monologue d’Oreste, ayant eu lieu comme je le craignais, la même voix fit entendre ces mots : «Les trombones ne sont pas partis ! C’est insupportable !» + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Jean Cocteau
Jean Cocteau

Mais en cinquième, la force qui s'éveille se trouve encore soumise aux instincts ténébreux de l'enfance. Instincts animaux, végétaux, dont il est difficile de surprendre l'exercice, parce que la mémoire ne les conserve pas plus que le souvenir de certaines douleurs et que les enfants se taisent à l'approche des grandes personnes. Ils taisent, ils reprennent l'allure d'un autre monde. Ces

grands comédiens savent d'un seul coup se hérisser de pointes comme une bête ou s'armer d'humble douceur comme une plante et ne divulguent jamais les rites obscurs de leur religion.

Jean Cocteau
Jean Cocteau

Dans le Sang D'un Poète, j'essaie de tourner la poésie, comme les frères Williamson tournent le fond de la mer. Il s'agissait de descendre en moi-même la cloche qu'ils descendent dans la mer, à de grandes profondeurs. Il s'agissait de surprendre l'état poétique.

Jacques Derrida
Jacques Derrida

On dessinera d’une part l’artefact : des objets techniques destinés, comme des prothèses, à suppléer la vue, et d’abord à pallier cette ruine transcendantale de l’œil qui le menace et le séduit dès l’origine, par exemple le miroir, les longues vues, les lunettes, les jumelles, le monocle. Mais comme la perte de l’intuition directe, nous l’avons vu, est la condition ou

l’hypothèse même du regard, la prothèse technique a lieu, son lieu, avant toute instrumentalisation, au plus proche de l’œil, comme une lentille de substance animale. Elle se détache immédiatement du corps propre. L’œil se détache [14], on peut le désirer, désirer l’arracher, se l’arracher même. Depuis toujours : l’histoire moderne de l’optique ne fait que représenter ou

remarquer, selon des modes nouveaux, une défaillance de la vue dite naturelle, à commencer par les spectacles en anglais, comme nous le notions à l’instant, les lunettes du dessinateur. D’où les autoportraits avec lunettes. De Chardin l’Autoportrait dit à l’abat-jour dit bien l’abat-jour, puisqu’il plonge ou protège les yeux du peintre dans l’ombre (comme cet autre fétiche

détachable, le chapeau dont les bords cachent presque les yeux de Fantin-Latour dans un autoportrait). Mais de surcroît, tout aussi jalousement, il abrite et montre à la fois les mêmes yeux derrière des lunettes dont les montants sont visibles. Le peintre semble poser de face, il vous fait face, inactif et immobile. Dans l’Autoportrait aux bésicles (lunettes sans montants, binocle de

travail peut-être), Chardin se laisse voir ou se fait observer de profil, il paraît plus actif, un instant interrompu peut-être, et détournant les yeux du tableau. Mais c’est en train de peindre ou de dessiner, la main et l’instrument visibles au bord de la toile, qu’il se représente dans un autre autoportrait. A cet égard, on peut toujours considérer cet autoportrait comme un exemple

parmi d’autres dans la série des Dessinateurs de Chardin [15]. Est-il en train de s’affairer autour de l’autoportrait ou d’autre chose, d’un autre modèle ? On ne saurait en décider. Dans les trois cas, lunettes sur les yeux, bandeau sur la tête — non pas les yeux bandés mais, cette fois la tête bandée, mot qui peut toujours faire penser, entre autres choses, à une blessure : à

même le visage auquel ils n’appartiennent pas, détachables du corps propre comme des fétiches, le bandeau et les bésicles restent les suppléments illustres et les mieux exhibés de ces autoportraits. Ils distraient autant qu’ils concentrent. Le visage ne s’y montre pas nu, surtout pas, ce qui, bien entendu, démasque la nudité même. C’est ce qu’on appelle se montrer nu, montrer la

nudité, le nu qui n’est rien sans la pudeur, l’art du voile, de la vitre ou du vêtement.
On peut aussi, d’autre part, surprendre ce qui ne se laisse pas surprendre, on peut dessiner les yeux clos : vision extatique, prière ou sommeil, masque du mort ou de l’homme blessé (voyez les yeux de l’Autoportrait dit l’homme blessé de Courbet (1854). [...] + Lire la

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J. L. Bourne
J. L. Bourne

Le temps leur était compté. Dans ces contrées, il valait mieux ne pas se faire surprendre de jour.

Gaston Bachelard
Gaston Bachelard

La joie d'aimer, dans sa nouveauté essentielle, peut surprendre et émerveiller. Mais en la vivant dans sa profondeur, on la vit dans sa simplicité.

Anne Brontë
Anne Brontë

Or, j'étais défendu par trois qualités: la prudence, le tact et le don de l'observation; la malveillance d'Edouard avait beau rôder et épier, elle ne put jamais surprendre en défaut les yeux de lynx de ces gardiennes naturelles. Jour après jour, sa malignité guettait mon tact, dans l'espoir de le voir s'endormir et de se glisser jusqu'à lui comme un serpent, à la faveur de son sommeil,

mais le véritable tact ne dort jamais.

Lorris Murail
Lorris Murail

La Russie est ainsi, violente, brutale. La neige s'abat, portée par des vents glacés, et chasse d'un coup les derniers beaux jours. Qui ne connaît pas ce pays se laisse surprendre en tenue légère et tombe, foudroyé, le sourire figé, la peau fendillée, le cœur broyé.

Charles Nodier
Charles Nodier

Je m'élevais comme le papillon de nuit qui a nouvellement brisé ses langes mystérieux pour déployer le luxe inutile de sa parure de pourpre, d'azur et d'or.
Près de moi, d'horribles enfants aux cheveux blancs, au front ridé, à l'oeil éteint, s'amusaient à m'enchaîner sur mon lit de plus fragiles réseaux de l'araignée qui jette son filet perfide à l'angle de deux murailles

contiguës pour y surprendre un pauvre papillon égaré. Quelques-uns recueillaient ces fils d'un blanc soyeux dont les flocons légers échappent au fuseau miraculeux des fées, et ils les laissaient tomber de tout le poids d'une chaîne de plomb sur mes membres excédés de douleur.

William Wilkie Collins
William Wilkie Collins

Ce service qui unit deux êtres humains qui ne savent rien de la nature de l'autre et qui risquent l'effrayante expérience de vivre ensemble jusqu'à ce que la mort les sépare, on y devrait dire un psaume qui commencerait par ces mots: "Faites le saut dans les ténèbres, nous sanctifions votre folie mais nous ne garantissons pas les conséquences." (...)
Jeunes couples bienheureux, jeunes

amants désormais attachés l'un à l'autre, planez au-dessus des sordides soucis de la vie!
Quel avenir doré s'ouvrait devant eux!
Mariés avec le consentement de leur famille et les bénédictions de l'Eglise, qui aurait pu supposer que le temps était proche où un terrible problème viendraient les surprendre dès les premiers temps de leurs amours: "Etes-vous mari et femme?"