Hermann Cohen
Hermann Cohen

Je suis détaché de tout, même de mes œuvres et je dis chaque jour à Notre-Seigneur que je suis dans une indifférence complète sur leur réussite ou leur ruine : je remet tout dans ses mains, et je m'en rapporte à son bon vouloir.

Emmanuel Le Roy Ladurie
Emmanuel Le Roy Ladurie

Chaussé, seul luxe qu'il se permette, d'une paire de bons souliers en cuir de Cordoue, qui facilitent ses longs voyages, détaché des biens de ce monde, insoucieux d'une arrestation future et presque inévitable que lui décernera l'Inquisition, menant une existence passionnante et passionnée, Pierre Maury est un berger heureux. Grâce à lui, en compulsant les vieux textes de Jacques Fournier,

j'ai rencontré en milieu populaire l'image fragile d'un certain bonheur d'Ancien Régime.

Henri Bergson
Henri Bergson

On devine alors combien il sera facile à un vêtement de devenir ridicule. On pourrait presque dire que toute mode est risible par quelque côté. Seulement, quand il s'agit de la mode actuelle, nous y sommes tellement habitués que le vêtement nous paraît faire corps avec ceux qui le portent. Notre imagination ne l'en détache pas. L'idée ne nous vient plus d'opposer la rigidité inerte de

l'enveloppe à la souplesse vivante de l'objet enveloppé. Le comique reste donc ici à l'état latent. Tout au plus réussira-t-il à percer quand l'incompatibilité naturelle sera si profonde entre l'enveloppant et l'enveloppé qu'un rapprochement même séculaire n'aura pas réussi à consolider leur union : tel est le cas du chapeau à haute forme, par exemple. Mais supposez un original qui

s'habille aujourd'hui à la mode d'autrefois : notre attention est appelée alors sur le costume, nous le distinguons absolument de la personne, nous disons que la personne se " déguise " (comme si tout vêtement ne déguisait pas), et le côté risible de la mode passe de l'ombre à la lumière.

Chapitre 1, V. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie       

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Henri Bergson
Henri Bergson

"D’où vient qu’elle ne paraît pas être en soi ce qu’elle est pour moi ? C’est que, solidaire de la totalité des autres images, elle se continue dans celles qui la suivent comme elle prolongeait celles qui la précèdent. Pour transformer son existence pure et simple en représentation, il suffirait de supprimer tout d’un coup ce qui la suit, ce qui la précède, et aussi ce qui la

remplit, de n’en plus conserver que la croûte extérieure, la pellicule superficielle. Ce qui la distingue, elle image présente, elle réalité objective, d’une image représentée, c’est la nécessité où elle est d’agir par chacun de ses points sur tous les points des autres images, de transmettre la totalité de ce qu’elle reçoit, d’opposer à chaque action une réaction égale

et contraire, de n’être enfin qu’un chemin sur lequel passent en tous sens les modifications qui se propagent dans l’immensité de l’univers. Je la convertirais en représentation si je pouvais l’isoler, si surtout je pouvais en isoler l’enveloppe. La représentation est bien là, mais toujours virtuelle, neutralisée, au moment où elle passerait à l’acte, par l’obligation de se

continuer et de se perdre en autre chose. Ce qu’il faut pour obtenir cette conversion, ce n’est pas éclairer l’objet, mais au contraire en obscurcir certains côtés, le diminuer de la plus grande partie de lui-même, de manière que le résidu, au lieu de demeurer emboîté dans l’entourage comme une chose, s’en détache comme un tableau. Or, si les êtres vivants constituent dans

l’univers des « centres d’indétermination », et si le degré de cette indétermination se mesure au nombre et à l’élévation de leurs fonctions, on conçoit que leur seule présence puisse équivaloir à la suppression de toutes les parties des objets auxquelles leurs fonctions ne sont pas intéressées." + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Henri Bergson
Henri Bergson

Peut-être la crainte entre-t-elle en effet pour quelque chose encore dans la compassion que les maux d'autrui nous inspirent; mais ce ne sont toujours là que des formes inférieures de la pitié. La pitié vraie consiste moins à craindre la souffrance qu'à la désirer. Désir léger, qu'on souhaiterait à peine de voir réalisé, et qu'on forme pourtant malgré soi, comme si la nature

commettait quelque grande injustice, et qu'il fallût écarter tout soupçon de complicité avec elle. L'essence de la pitié est donc un besoin de s'humilier, une aspiration à descendre. Cette aspiration douloureuse a d'ailleurs son charme, parce qu'elle nous grandit dans notre propre estime, et fait que nous nous sentons supérieurs à ces biens sensibles dont notre pensée se détache

momentanément.

Jacques Derrida
Jacques Derrida

On dessinera d’une part l’artefact : des objets techniques destinés, comme des prothèses, à suppléer la vue, et d’abord à pallier cette ruine transcendantale de l’œil qui le menace et le séduit dès l’origine, par exemple le miroir, les longues vues, les lunettes, les jumelles, le monocle. Mais comme la perte de l’intuition directe, nous l’avons vu, est la condition ou

l’hypothèse même du regard, la prothèse technique a lieu, son lieu, avant toute instrumentalisation, au plus proche de l’œil, comme une lentille de substance animale. Elle se détache immédiatement du corps propre. L’œil se détache [14], on peut le désirer, désirer l’arracher, se l’arracher même. Depuis toujours : l’histoire moderne de l’optique ne fait que représenter ou

remarquer, selon des modes nouveaux, une défaillance de la vue dite naturelle, à commencer par les spectacles en anglais, comme nous le notions à l’instant, les lunettes du dessinateur. D’où les autoportraits avec lunettes. De Chardin l’Autoportrait dit à l’abat-jour dit bien l’abat-jour, puisqu’il plonge ou protège les yeux du peintre dans l’ombre (comme cet autre fétiche

détachable, le chapeau dont les bords cachent presque les yeux de Fantin-Latour dans un autoportrait). Mais de surcroît, tout aussi jalousement, il abrite et montre à la fois les mêmes yeux derrière des lunettes dont les montants sont visibles. Le peintre semble poser de face, il vous fait face, inactif et immobile. Dans l’Autoportrait aux bésicles (lunettes sans montants, binocle de

travail peut-être), Chardin se laisse voir ou se fait observer de profil, il paraît plus actif, un instant interrompu peut-être, et détournant les yeux du tableau. Mais c’est en train de peindre ou de dessiner, la main et l’instrument visibles au bord de la toile, qu’il se représente dans un autre autoportrait. A cet égard, on peut toujours considérer cet autoportrait comme un exemple

parmi d’autres dans la série des Dessinateurs de Chardin [15]. Est-il en train de s’affairer autour de l’autoportrait ou d’autre chose, d’un autre modèle ? On ne saurait en décider. Dans les trois cas, lunettes sur les yeux, bandeau sur la tête — non pas les yeux bandés mais, cette fois la tête bandée, mot qui peut toujours faire penser, entre autres choses, à une blessure : à

même le visage auquel ils n’appartiennent pas, détachables du corps propre comme des fétiches, le bandeau et les bésicles restent les suppléments illustres et les mieux exhibés de ces autoportraits. Ils distraient autant qu’ils concentrent. Le visage ne s’y montre pas nu, surtout pas, ce qui, bien entendu, démasque la nudité même. C’est ce qu’on appelle se montrer nu, montrer la

nudité, le nu qui n’est rien sans la pudeur, l’art du voile, de la vitre ou du vêtement.
On peut aussi, d’autre part, surprendre ce qui ne se laisse pas surprendre, on peut dessiner les yeux clos : vision extatique, prière ou sommeil, masque du mort ou de l’homme blessé (voyez les yeux de l’Autoportrait dit l’homme blessé de Courbet (1854). [...] + Lire la

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Horace
Horace

La sangsue ne se détache de la peau que gorgée de sang.

Johann Gottlieb Fichte
Johann Gottlieb Fichte

L'amour est le principe de son existence ; dès qu’il lui est apparu son œil a été constamment fixé sur sa lumière. Comment cette lumière pourrait-elle s’obsurcir ? Comment son œil pourrait-il se diriger ailleurs ?

Rien de ce qui se passe autour de lui ne l’étonne ; qu’il le comprenne ou qu’il ne le comprenne pas, il sait d'une manière certaine que tout est dans le

monde de Dieu, et que tout ce qui est dans ce monde de Dieu a pour but le bien.



Il n’a aucun souci de l’avenir, car un bonheur absolu l’y conduit éternellement. Il n’a aucun regret du passé, car tant qu’il n’était pas en Dieu, il n’était rien ; mais aujourd’hui il est en Dieu, et depuis qu'il est entré dans le sein de Dieu, il est né à la vie, et tout

ce qu’il fait étant en Dieu est bon et juste.

Il n'a rien à refuser ; il n'a rien à désirer, car il possède toujours et éternellement la plénitude de tout ce qu’il peut embrasser.

Pour lui plus de travail, plus d efforts, toute son existence apparente découle naturellement de son essence intérieure, et s'en détache sans peine. + Lire la suiteCommenter

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John Galsworthy
John Galsworthy

Avec le temps, sa haine des conventions avait augmenté ; les orthodoxes qu’il affichait au cours des années 1870 arborer ses favoris, par simple bravade, il s’en était détaché depuis longtemps, ne gardant de révérence que pour trois choses seulement : la beauté, l’honorabilité, la fortune ; et maintenant, ce qui comptait le plus pour lui, c’était la beauté.

Valéry Giscard d`Estaing
Valéry Giscard d`Estaing

Il s'était détaché peu à peu de ses mandats, renonçant à son poste de conseiller général, puis ne se représentant pas à l'élection sénatoriale. Son éloignement lui était discrètement reproché par l'opinion publique, mais le tintamarre fait par ses successeurs, qui se querellaient entre eux, contribuait à le faire oublier.