Hector Berlioz
Hector Berlioz

Ce fut en rentrant chez moi, à la suite d’une de ces excursions où j’avais l’air d’être à la recherche de mon âme, que, trouvant ouvert sur ma table le volume des Mélodies irlandaises de Th. Moore, mes yeux tombèrent sur celle qui commence par ces mots : «Quand celui qui t’adore» (When he who adores thee). Je pris la plume, et tout d’un trait j’écrivis la musique de ce

déchirant adieu, qu’on trouve sous le titre d’Élégie, à la fin de mon recueil intitulé Irlande. C’est la seule fois qu’il me soit arrivé de pouvoir peindre un sentiment pareil, en étant encore sous son influence active et immédiate. Mais je crois que j’ai rarement pu atteindre à une aussi poignante vérité d’accents mélodiques, plongés dans un tel orage de sinistres

harmonies.

Ce morceau est immensément difficile à chanter et à accompagner ; il faut, pour le rendre dans son vrai sens, c’est-à-dire, pour faire renaître, plus ou moins affaibli, le désespoir sombre, fier et tendre, que Moore dut ressentir en écrivant ses vers, et que j’éprouvais en les inondant de ma musique, il faut deux habiles artistes[32], un chanteur surtout, doué

d’une voix sympathique et d’une excessive sensibilité. L’entendre médiocrement interpréter serait pour moi une douleur inexprimable.

Pour ne pas m’y exposer, depuis vingt ans qu’il existe, je n’ai proposé à personne de me le chanter. Une seule fois, Alizard, l’ayant aperçu chez moi, l’essaya sans accompagnement en le transposant (en si) pour sa voix de basse, et

me bouleversa tellement, qu’au milieu je l’interrompis en le priant de cesser. Il le comprenait ; je vis qu’il le chanterait tout à fait bien ; cela me donna l’idée d’instrumenter pour l’orchestre l’accompagnement de piano. Puis réfléchissant que de semblables compositions ne sont pas faites pour le gros public des concerts, et que ce serait une profanation de les exposer à son

indifférence, je suspendis mon travail et brûlai ce que j’avais déjà mis en partition.

Le bonheur veut que cette traduction en prose française soit si fidèle que j’aie pu adapter plus tard sous ma musique les vers anglais de Moore.

Si jamais cette élégie est connue en Angleterre et en Allemagne, elle y trouvera peut-être quelques rares sympathies ; les cœurs

déchirés s’y reconnaîtront. Un tel morceau est incompréhensible pour la plupart des Français, et absurde et insensé pour des Italiens.

En sortant de la représentation d’Hamlet, épouvanté de ce que j’avais ressenti, je m’étais promis formellement de ne pas m’exposer de nouveau à la flamme shakespearienne.

Le lendemain on afficha Romeo and Juliet...

J’avais mes entrées à l’orchestre de l’Odéon ; eh bien, dans la crainte que de nouveaux ordres donnés au concierge du théâtre ne vinssent m’empêcher de m’y introduire comme à l’ordinaire, aussitôt après avoir vu l’annonce du redoutable drame, je courus au bureau de location acheter une stalle, pour m’assurer ainsi doublement de mon entrée. Il n’en fallait pas tant pour

m’achever. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Hector Berlioz
Hector Berlioz

Pour ne pas m’y exposer, depuis vingt ans qu’il existe, je n’ai proposé à personne de me le chanter. Une seule fois, Alizard, l’ayant aperçu chez moi, l’essaya sans accompagnement en le transposant (en si) pour sa voix de basse, et me bouleversa tellement, qu’au milieu je l’interrompis en le priant de cesser. Il le comprenait ; je vis qu’il le chanterait tout à fait bien ; cela

me donna l’idée d’instrumenter pour l’orchestre l’accompagnement de piano. Puis réfléchissant que de semblables compositions ne sont pas faites pour le gros public des concerts, et que ce serait une profanation de les exposer à son indifférence, je suspendis mon travail et brûlai ce que j’avais déjà mis en partition.

Le bonheur veut que cette traduction en prose

française soit si fidèle que j’aie pu adapter plus tard sous ma musique les vers anglais de Moore.

Si jamais cette élégie est connue en Angleterre et en Allemagne, elle y trouvera peut-être quelques rares sympathies ; les cœurs déchirés s’y reconnaîtront. Un tel morceau est incompréhensible pour la plupart des Français, et absurde et insensé pour des Italiens.

En sortant de la représentation d’Hamlet, épouvanté de ce que j’avais ressenti, je m’étais promis formellement de ne pas m’exposer de nouveau à la flamme shakespearienne.

Le lendemain on afficha Romeo and Juliet... J’avais mes entrées à l’orchestre de l’Odéon ; eh bien, dans la crainte que de nouveaux ordres donnés au concierge du théâtre ne vinssent

m’empêcher de m’y introduire comme à l’ordinaire, aussitôt après avoir vu l’annonce du redoutable drame, je courus au bureau de location acheter une stalle, pour m’assurer ainsi doublement de mon entrée. Il n’en fallait pas tant pour m’achever.

Après la mélancolie, les navrantes douleurs, l’amour éploré, les ironies cruelles, les noires méditations, les

brisements de cœur, la folie, les larmes, les deuils, les catastrophes, les sinistres hasards d’Hamlet, après les sombres nuages, les vents glacés du Danemarck, m’exposer à l’ardent soleil, aux nuits embaumées de l’Italie, assister au spectacle de cet amour prompt comme la pensée, brûlant comme la lave, impérieux, irrésistible, immense, et pur et beau comme le sourire des anges,

à ces scènes furieuses de vengeance, à ces étreintes éperdues, à ces luttes désespérées de l’amour et de la mort, c’était trop. Aussi, dès le troisième acte, respirant à peine, et souffrant comme si une main de fer m’eût étreint le cœur, je me dis avec une entière conviction : Ah ! je suis perdu. — Il faut ajouter que je ne savais pas alors un seul mot d’anglais, que je

n’entrevoyais Shakespeare qu’à travers les brouillards de la traduction de Letourneur, et que je n’apercevais point, en conséquence, la trame poétique qui enveloppe comme un réseau d’or ses merveilleuses, créations. J’ai le malheur qu’il en soit encore à peu près de même aujourd’hui. Il est bien plus difficile à un Français de sonder les profondeurs du style de Shakespeare,

qu’à un Anglais de sentir les finesses et l’originalité de celui de La Fontaine et de Molière. Nos deux poëtes sont de riches continents, Shakespeare est un monde. Mais le jeu des acteurs, celui de l’actrice surtout, la succession des scènes, la pantomime et l’accent des voix, signifiaient pour moi davantage et m’imprégnaient des idées et des passions shakespeariennes mille fois

plus que les mots de ma pâle et infidèle traduction. Un critique anglais disait l’hiver dernier dans les Illustrated London News, qu’après avoir vu jouer Juliette par miss Smithson, je m’étais écrié : «Cette femme je l’épouserai ! et sur ce drame j’écrirai ma plus vaste symphonie !» Je l’ai fait, mais n’ai rien dit de pareil. Mon biographe m’a attribué une ambition plus

grande que nature. On verra dans la suite de ce récit comment, et dans quelles circonstances exceptionnelles, ce que mon âme bouleversée n’avait pas même admis en rêve, est devenu une réalité. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Marilyse Trécourt
Marilyse Trécourt

un albatros la survole et, d'un cri strident, la sort de sa torpeur. Elle le regarde planer et se fondre dans l'horizon en priant silencieusement pour qu'il revienne la chercher, qu'il l'emmène sur ses ailes, vers une vie plus belle, plus libre ou la souffrance n'existerait plus

Marguerite de Navarre
Marguerite de Navarre

A l'heure, toute la compaignye se tourna vers elle, la priant vouloir commencer; ce qu'elle accepta et, en riant, commencea à dire : «Il me semble, mes dames, que celluy qui m'a donné sa voix, a tant dict de mal des femmes par une histoire veritable d'une malheureuse, que je doibtz rememorer tous mes vielz ans pour en trouver une dont la vertu puisse desmentir sa mauvaise opinion; et, pour ce

qu'il m'en est venu une au devant digne de n'estre mise en obly, je la vous vois compter.»

Calamity Jane
Calamity Jane

Je m'endors chaque nuit avec ta photo serrée contre mes lèvres. Oh si seulement je pouvais t'avoir la nuit tombée pour une heure aux côtés des feux de camp afin de briser cette solitude. Si seulement je pouvais te prendre dans mes bras. Je médite dans une couverture auprès de mon feu de camp, guettant loups et coyotes, mes chevaux veillent tout proches et je m'endors en priant Dieu de me

laisser vivre assez longtemps pour te revoir encore une fois.

Calamity Jane
Calamity Jane

Je médite dans une couverture auprès de mon feu de camp,guettant loups et coyotes,mes chevaux veillent tout proches et je m'endors en priant Dieu de me laisser vivre assez longtemps pour te revoir encore une fois.

Dominique Demers
Dominique Demers

— Le phénomène d'imprégnation a été étudié par le biologiste Carl Lorenz. Il a décrit comment des oisillons sont fortement affectés, à la naissance, par le premier être vivant qu'ils rencontrent. Dans le cas d'une espèce comme le huard, par exemple, le mâle et la femelle participant à la couvaison, l'oisillon est marqué — ou, si l'on veut, imprégné — par ses deux parents. Il

les suit tout naturellement partout. Il sent qu'il leur appartient.

— Lorenz a démontré la puissance de cette forme particulière d'attachement en étudiant le cas d'oisillons abandonnés à la naissance par leurs parents biologiques, poursuivit Joffe. Ainsi privés de la vue de leur géniteur, les oisillons s'attachent au premier être vivant qu'ils rencontrent, quelle que soit

l'espèce. Lorenz a établi que les vingt-neuf premières heures de vie sont cruciales. Un oisillon imprégné par un humain durant cette période le suivra partout comme s'il était de la même espèce, comme si c'était lui son géniteur.

Joffe tendit une photo à l'élève le plus près de lui en le priant de faire circuler l'image. La scène était pour le moins étonnante : un

vieillard qui semblait se prendre pour une cane, suivi d'une traînée d'oisillons.

— Le découverte de Lorenz est fondamentale et pas seulement pour la biologie. En psychologie et en philosophie aussi. Elle alimente le vieux débat entre l'inné et l'acquis, entre l'héritage génétique dont nous sommes porteurs à la naissance et notre capacité d'apprendre des comportements, de

changer, d'évoluer. Le phénomène d'imprégnation ne nous aide pas seulement à comprendre la vie des canards et des oies. Il jette un précieux éclairage sur les comportements humains, l'attachement d'un bébé à sa mère, par exemple. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Antoni Ferdynand Ossendowski
Antoni Ferdynand Ossendowski

La nature ne connaît que la vie. La mort n'est pour elle qu'un épisode. Elle en efface les traces sous le sable ou sous la neige, les fait disparaître sous une végétation luxuriante de verdure ou de fleurs. Qu'importe à la nature si une mère, à Tché-Fou ou sur les rives du Yang-tsé-kiang, fait offrande d'un bol de riz et de quelques bâtons d'encens au dieu du sanctuaire, en priant pour

le retour de son fils : martyr obscur, tombé sur les plaines de la Tola, ses ossements se dessèchent sous les rayons destructeurs du soleil, et les vents en éparpillent la poussière sur les sables de la prairie. Il y a de la grandeur dans cette indifférence de la nature envers la mort, dans son ardeur à ne connaître que la vie.

Alain-René Lesage
Alain-René Lesage

Ce fut sur la fin d’une nuit du mois de septembre que je sortis du souterrain avec les voleurs. J’étais armé comme eux d’une carabine, de deux pistolets, d’une épée et d’une baïonnette, et je montais un assez bon cheval, qu’on avait pris au même gentilhomme dont je portais les habits. Il y avait si longtemps que je vivais dans les ténèbres, que le jour naissant ne manqua pas de

m’éblouir ; mais peu à peu mes yeux s’accoutumèrent à le souffrir.

Nous passâmes auprès de Ponferrada, et nous allâmes nous mettre en embuscade dans un petit bois qui bordait le grand chemin de Léon. Là, nous attendions que la fortune nous offrît quelque bon coup à faire, quand nous aperçûmes un religieux de l’ordre de Saint-Dominique, monté, contre l’ordinaire de

ces bons pères, sur une mauvaise mule. Dieu soit loué, s’écria le capitaine en riant, voici le chef-d’œuvre de Gil Blas. Il faut qu’il aille détrousser ce moine. Voyons comme il s’y prendra. Tous les voleurs jugèrent qu’effectivement cette commission me convenait, et ils m’exhortèrent à m’en bien acquitter. Messieurs, leur dis-je, vous serez contents. Je vais mettre ce père

nu comme la main, et vous amener ici sa mule. Non, non, dit Rolando, elle n’en vaut pas la peine. Apporte-nous seulement la bourse de Sa Révérence. C’est tout ce que nous exigeons de toi. Là-dessus je sortis du bois, et poussai vers le religieux, en priant le ciel de me pardonner l’action que j’allais faire. J’aurais bien voulu m’échapper dés ce moment-là. Mais la plupart des

voleurs étaient encore mieux montés que moi : s’ils m’eussent vu fuir, ils se seraient mis à mes trousses, et m’auraient bientôt rattrapé, ou peut-être auraient-ils fait sur moi une décharge de leurs carabines, dont je me serais fort mal trouvé. Je n’osai donc hasarder une démarche si délicate. Je joignis le père et lui demandai la bourse, en lui présentant le bout d’un

pistolet. Il s’arrêta tout court pour me considérer; et, sans paraître fort effrayé : mon enfant, me dit-il, vous êtes bien jeune. Vous faites de bonne heure un vilain métier. Mon père, lui répondis-je, tout vilain qu’il est, je voudrais l’avoir commencé plus tôt. Ah ! mon fils, répliqua le bon religieux, qui n’avait garde de comprendre le vrai sens de mes paroles, que

dites-vous ? quel aveuglement souriez que je vous représente l’état malheureux… Oh ! mon père, interrompis-je avec précipitation, trêve de morale, s’il vous plaît. Je ne viens pas sur les grands chemins pour entendre des sermons. Je veux de l’argent. De l’argent ? me dit-il d’un air étonné ; vous jugez bien mal de la charité des Espagnols, si vous croyez que les personnes de

mon caractère aient besoin d’argent pour voyager en Espagne. Détrompez-vous. On nous reçoit agréablement partout. On nous loge. On nous nourrit, et l’on ne nous demande que des prières. Enfin nous ne portons point d’argent sur la route. Nous nous abandonnons à la Providence. Eh ! non, non, lui repartis-je, vous ne vous y abandonnez pas. Vous avez toujours de bonnes pistoles pour être

plus sûrs de la Providence. Mais, mon père, ajoutai-je, finissons. Mes camarades, qui sont dans ce bois, s’impatientent. Jetez tout à l’heure votre bourse à terre, ou bien je vous tue. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          10

Guillaume Laurant
Guillaume Laurant

Le représentant de Jéhovah entreprit alors d’énumérer toutes les choses incroyables obtenues dans la vie en priant son patron.