Gaston Bachelard
Gaston Bachelard

Devant l'eau profonde, tu choisis ta vision; tu peux voir à ton gré le fond immobile ou le courant, la rive ou l'infini; tu as le droit ambigu de voir et de ne pas voir; tu as le droit de vivre avec le batelier ou de vivre avec « une race nouvelle de fées laborieuses, douées d'un goût parfait, magnifiques et minutieuses ». La fée des eaux, gardienne du mirage, tient tous les oiseaux du

ciel dans sa main. Une flaque contient un univers. Un instant de rêve contient une âme entière.

Francis Cabrel
Francis Cabrel

On voit quelques oiseaux encore
Mais grosso modo, ça ne se fait plus
Tout ce chantier multicolore
Au fond, ça satisfait la rue
[…]
Ceux qui ont survécu au carnage
Ceux qui étaient les moins suspects
On les trimballe dans des cages
On les a rendus muets

Anne Calife
Anne Calife

L’appartement est immense avec du blanc partout, au sol, au plafond, sur les murs. Dans mes promenades, je rencontre peu de meubles mais beaucoup de cartons. Tout est vide. Au sol, il y a du marbre blanc, au ciel volent des mouettes blanches, qui ne ressemblent pas aux oiseaux que je connais.

Jean Cocteau
Jean Cocteau

J'exige un vrai bonheur, un vrai amour, une vraie contrée où le soleil alterne avec la lune, où les saisons se déroulent en ordre, où de vrais arbres portent de vrais fruits, où de vrais poissons habitent les rivières, et de vrais oiseaux le ciel, où la vrai neige découvre de vraies fleurs, où tout sort est vrai, vrai, véritable. J’en ai assez de cette lumière morne, de ces campagnes

stériles, sans jour, sans nuit, où ne survivent que les bêtes féroces et rapaces, où les lois de la nature ne fonctionnent pas.

Jean Cocteau
Jean Cocteau

Tu dis que tu aimes les fleurs et tu leur coupes la queue, tu dis que tu aimes les chiens et tu leur mets une laisse, tu dis que tu aimes les oiseaux et tu les mets en cage, tu dis que tu m’aimes alors moi j’ai peur.

Alfred Hitchcock
Alfred Hitchcock

James Allardice fit preuve dans la conception des saynètes d'introduction (…) d'une invention constante, renouvelée et assez délirante, d'un humour décapant et iconoclaste. C'est ainsi que l'on vit Alfred Hitchcock coiffé d'une perruque pré-Beatles jouer de la batterie avec des os de mammifère en guise de baguettes. Ou bien, déguisé en épouvantail, déclarer que son producteur a

trouvé une utilisation pratique de ses talents : puisqu'il a passé tant d'années à faire peur aux gens, pourquoi ne ferait-il pas de même avec les oiseaux ?

Tove Jansson
Tove Jansson

- Mais c'est le printemps! dit Sophie. Ils ne meurent pas maintenant, ils sont tout nouveaux et viennent à peine de se marier, c'est toi-même qui l'as dit.
- Certes, dit la grand-mère, mais cela n'empêche pas qu'il vient de mourir.
- Comment est-il mort alors? hurla Sophie.
Elle était très en colère.
- D'amour inconsolable, expliqua sa grand-mère. Il a chanté et

"gaglé" toute la nuit pour sa cane, mais un autre est arrivé et la lui a volée, alors il a plongé la tête sous l'eau et s'est laissé emporter par le courant.
- Ce n'est pas vrai, cria Sophie, et elle se mit à pleurer. Les hareldes ne peuvent pas se noyer. Raconte comme il faut.
Alors la grand-mère raconta qu'il s'était tout simplement heurté la tête contre un rocher, il

chantait et "gaglait" si fort qu'il ne regardait pas où il allait et cela lui était arrivé juste au moment où il était le plus heureux.
- C'est mieux, dit Sophie. On devrait peut-être l'enterrer?
- C'est inutile, répondit la grand-mère. A la marée haute, il s'enterrera lui-même. Les oiseaux de mer doivent être enterrés comme les marins. + Lire la suiteCommenter

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Tove Jansson
Tove Jansson

(…) Plus loin, sur une pierre plate dans l’eau, gisait un harelde. Il était trempé et mort et ressemblait à un sac de plastique froissé. Sophie déclara que c’était une vieille corneille, mais sa grand-mère ne la crut pas.
– Mais c’est le printemps ! dit Sophie. Ils ne meurent pas maintenant, ils sont tout nouveaux et viennent à peine de se marier, c’est toi-même qui

l’as dit.
– Certes, dit la grand-mère, mais cela n’empêche pas qu’il vient de mourir.
– Comment est-il mort alors ? hurla Sophie.
Elle était très en colère.
– D’amour inconsolable, expliqua sa grand-mère. Il a chanté et « gaglé » toute la nuit pour sa cane, mais un autre est arrivé et la lui a volée, alors il a plongé la tête sous l’eau et

s’est laissé emporter par le courant.
– Ce n’est pas vrai, cria Sophie, et elle se mit à pleurer. Les hareldes ne peuvent pas se noyer. Raconte comme il faut.
Alors la grand-mère raconta qu’il s’était tout simplement heurté la tête contre un rocher, il chantait et « gaglait » si fort qu’il ne regardait pas où il allait, et cela lui était arrivé juste au moment

où il était le plus heureux.
– C’est mieux, dit Sophie. On devrait peut-être l’enterrer ?
– C’est inutile, répondit la grand-mère. À la marée haute, il s’enterrera lui-même. Les oiseaux de mer doivent être enterrés comme les marins. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          50

Tove Jansson
Tove Jansson

La grand-mère gravit le rocher tout en réfléchissant sur les oiseaux en général. Il lui semblait qu'aucun autre animal ne possédait leur pouvoir de dramatiser et de parfaire un évènement _ les changements de temps et de saison, les multiples états d'âme qui traversent les individus. Elle pensait aux oiseaux migrateurs, au merle un soir d'été, au coucou _ oui, le coucou _, aux grands

oiseaux froids et distants qui planent et épient, et aux tout petits, ronds comme une boule, stupides et un peu craintifs qui arrivent en bandes à la fin de l'été pour une rapide visite, et aux hirondelles qui honorent seulement les maisons où les gens sont heureux. Comme il était étrange que tous ces oiseaux impersonnels aient pu devenir des symboles aussi puissants.

Hector Berlioz
Hector Berlioz

XXXVI

La vie de l’Académie. — Mes courses dans les Abruzzes. — Saint-Pierre. — Le spleen. — Excursions dans la campagne de Rome. — Le carnaval. — La place Navone.

J’étais déjà au fait des habitudes du dedans et du dehors de l’Académie. Une cloche, parcourant les divers corridors et les allées du jardin, annonce l’heure des repas. Chacun

d’accourir alors dans le costume où il se trouve ; en chapeau de paille, en blouse déchirée ou couverte de terre glaise, les pieds en pantoufles, sans cravate, enfin dans le délabrement complet d’une parure d’atelier. Après le déjeuner, nous perdions ordinairement une heure ou deux dans le jardin, à jouer au disque, à la paume, à tirer le pistolet, à fusiller les malheureux merles

qui habitent le bois de lauriers ou à dresser de jeunes chiens. Tous exercices auxquels M. Horace Vernet, dont les rapports avec nous étaient plutôt d’un excellent camarade que d’un sévère directeur, prenait part fort souvent. Le soir, c’était la visite obligée au café Greco, où les artistes français non attachés à l’Académie, que nous appelions les hommes d’en bas, fumaient

avec nous le cigare de l’amitié, en buvant le punch du patriotisme. Après quoi, tous se dispersaient... Ceux qui rentraient vertueusement à la caserne académique, se réunissaient quelquefois sous le grand vestibule qui donne sur le jardin. Quand je m’y trouvais, ma mauvaise voix et ma misérable guitare étaient mises à contribution, et assis tous ensemble autour d’un petit jet d’eau

qui, en retombant dans une coupe de marbre, rafraîchit ce portique retentissant, nous chantions au clair de lune les rêveuses mélodies du Freyschütz, d’Obéron, les chœurs énergiques d’Euryanthe, ou des actes entiers d’Iphigénie en Tauride, de la Vestale ou de Don Juan ; car je dois dire, à la louange de mes commensaux de l’Académie, que leur goût musical était des moins

vulgaires.

Nous avions, en revanche, un genre de concerts que nous appelions concerts anglais, et qui ne manquait pas d’agrément, après les dîners un peu échevelés. Les buveurs, plus ou moins chanteurs, mais possédant tant bien que mal quelque air favori, s’arrangeaient de manière à en avoir tous un différent ; pour obtenir la plus grande variété possible, chacun

d’ailleurs chantait dans un autre ton que son voisin. Duc, le spirituel et savant architecte, chantait sa chanson de la Colonne, Dantan celle du Sultan Saladin, Montfort triomphait dans la marche de la Vestale, Signol était plein de charmes dans la romance Fleuve du Tage, et j’avais quelque succès dans l’air si tendre et si naïf Il pleut bergère. À un signal donné, les concertants

partaient les uns après les autres, et ce vaste morceau d’ensemble à vingt-quatre parties s’exécutait en crescendo, accompagné, sur la promenade du Pincio, par les hurlements douloureux des chiens épouvantés, pendant que les barbiers de la place d’Espagne, souriant d’un air narquois sur le seuil de leur boutique, se renvoyaient l’un à l’autre cette naïve exclamation : Musica

francese !

Le jeudi était le jour de grande réception chez le directeur. La plus brillante société de Rome se réunissait alors aux soirées fashionables que madame et mademoiselle Vernet présidaient avec tant de goût. On pense bien que les pensionnaires n’avaient garde d’y manquer. La journée du dimanche, au contraire, était presque toujours consacrée à des courses plus

ou moins longues dans les environs de Rome. C’étaient Ponte Molle, où l’on va boire une sorte de drogue douceâtre et huileuse, liqueur favorite des Romains, qu’on appelle vin d’Orvieto ; la villa Pamphili ; Saint-Laurent hors les murs ; et surtout le magnifique tombeau de Cecilia Metella, dont il est de rigueur d’interroger longuement le curieux écho, pour s’enrouer et avoir le

prétexte d’aller se rafraîchir dans une osteria qu’on trouve à quelques pas de la, avec un gros vin noir rempli de moucherons.

Avec la permission du directeur, les pensionnaires peuvent entreprendre de plus longs voyages, d’une durée indéterminée, à la condition seulement de ne pas sortir des États romains, jusqu’au moment où le règlement les autorise à visiter

toutes les parties de l’Italie. Voilà pourquoi le nombre des pensionnaires de l’Académie n’est que fort rarement complet. Il y en a presque toujours au moins deux en tournée à Naples, à Venise, à Florence, à Palerme ou à Milan. Les peintres et les sculpteurs trouvant Raphaël et Michel-Ange à Rome, sont ordinairement les moins pressés d’en sortir ; les temples de Pestum, Pompéi,

la Sicile, excitent vivement, au contraire, la curiosité des architectes ; les paysagistes passent la plus grande partie de leur temps dans les montagnes. Pour les musiciens, comme les différentes capitales de l’Italie leur offrent toutes a peu près le même degré d’intérêt, ils n’ont pour quitter Rome d’autres motifs que le désir de voir et l’humeur inquiète, et rien que leurs

sympathies personnelles ne peut influer sur la direction ou la durée de leurs voyages. Usant de la liberté qui nous était accordée, je cédais a mon penchant pour les explorations aventureuses, et me sauvais aux Abruzzes quand l’ennui de Rome me desséchait le sang. Sans cela, je ne sais trop comment j’aurais pu résister à la monotonie d’une pareille existence. On conçoit, en effet,

que la gaieté de nos réunions d’artistes, les bals élégants de l’Académie et de l’Ambassade, le laisser-aller de l’estaminet, n’aient guère pu me faire oublier que j’arrivais de Paris, du centre de la civilisation, et que je me trouvais tous d’un coup sevré de musique, de théâtre[47], de littérature[48], d’agitations, de tout enfin ce qui composait ma vie.

Il

ne faut pas s’étonner que la grande ombre de la Rome antique, qui, seule, poétise la nouvelle, n’ait pas suffi pour me dédommager de ce qui me manquait. On se familiarise bien vite avec les objets qu’on a sans cesse sous les yeux, et ils finissent par ne plus éveiller dans l’âme que des impressions et des idées ordinaires. Je dois pourtant en excepter le Colysée ; le jour ou la

nuit, je ne le voyais jamais de sang-froid. Saint-Pierre me faisait aussi toujours éprouver un frisson d’admiration. C’est si grand ! si noble ! si beau ! si majestueusement calme ! ! ! J’aimais à y passer la journée pendant les intolérables chaleurs de l’été. Je portais avec moi un volume de Byron, et m’établissant commodément dans un confessionnal, jouissant d’une fraîche

atmosphère, d’un silence religieux, interrompu seulement à longs intervalles par l’harmonieux murmure des deux fontaines de la grande place de Saint-Pierre, que des bouffées de vent apportaient jusqu’à mon oreille, je dévorais à loisir cette ardente poésie ; je suivais sur les ondes les courses audacieuses du Corsaire ; j’adorais profondément ce caractère à la fois inexorable et

tendre, impitoyable et généreux, composé bizarre de deux sentiments opposés en apparence, la haine de l’espèce et l’amour d’une femme.

Parfois, quittant mon livre pour réfléchir, je promenais mes regards autour de moi ; mes yeux, attirés par la lumière, se levaient vers la sublime coupole de Michel-Ange. Quelle brusque transition d’idées ! ! ! Des cris de rage des

pirates, de leurs orgies sanglantes, je passais tout à coup aux concerts des Séraphins, à la paix de la vertu, à la quiétude infinie du ciel... Puis, ma pensée, abaissant son vol, se plaisait à chercher, sur le parvis du temple, la trace des pas du noble poëte...

— Il a dû venir contempler ce groupe de Canova, me disais-je ; ses pieds ont foulé ce marbre, ses mains se sont

promenées sur les contours de ce bronze ; il a respiré cet air, ces échos ont répété ses paroles... paroles de tendresse et d’amour peut-être... Eh ! oui ! ne peut-il pas être venu visiter le monument avec son amie, madame Guiccioli[49] ? femme admirable et rare, de qui il a été si complètement compris, si profondément aimé ! ! !... aimé ! ! !... poëte !... libre !... riche !...

Il a été tout cela, lui !... Et le confessionnal retentissait d’un grincement de dents à faire frémir les damnés.

Un jour, en de telles dispositions, je me levai spontanément, comme pour prendre ma course, et, après quelques pas précipités, m’arrêtant tout à coup, au milieu de l’église, je demeurai silencieux et immobile. Un paysan entra et vint tranquillement baiser

l’orteil de saint Pierre.

— Heureux bipède ! murmurai-je avec amertume que te manque-t-il ? tu crois et espères ; ce bronze que tu adores et dont la main droite tient aujourd’hui, au lieu de foudres, les clefs du Paradis, était jadis un Jupiter tonnant ; tu l’ignores, point de désenchantement. En sortant, que vas-tu chercher ? de l’ombre et du sommeil ; les madones des

champs te sont ouvertes, tu y trouveras l’une et l’autre. Quelles richesses rêves-tu ?... la poignée de piastres nécessaire pour acheter un âne ou te marier, les économies de trois ans y suffiront. Qu’est une femme pour toi ?... un autre sexe... Que cherches-tu dans l’art ?... un moyen de matérialiser les objets de ton culte et de t’exciter au rire ou à la danse. À toi, la Vierge

enluminée de rouge et de vert, c’est la peinture ; à toi, les marionnettes et Polichinelle, c’est le drame ; à toi, la musette et le tambour de basque, c’est la musique ; à moi, le désespoir et la haine, car je manque de tout ce que je cherche, et n’espère plus l’obtenir.

Après avoir quelque temps écouté rugir ma tempête intérieure, je m’aperçus que le jour

baissait. Le paysan était parti ; j’étais seul dans Saint-Pierre... je sortis. Je rencontrai des peintres allemands qui m’entraînèrent dans une osteria, hors des portes de la ville, où nous bûmes je ne sais combien de bouteilles d’orvieto, en disant des absurdités, fumant, et mangeant crus de petits oiseaux que nous avions achetés d’un chasseur.

Ces messieurs trouvaient

ce mets sauvage très-bon, et je fus bientôt de leur avis, malgré le dégoût que j’en avais ressenti d’abord.

Nous rentrâmes à Rome, en chantant des chœurs de Weber qui nous rappelèrent des jouissances musicales auxquelles il ne + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00