L'autre aspect du processus d'individuation est la solitude grandissante. Les liens primaires offrent la sécurité et une unité fondamentale entre l'individu et le monde extérieur. Au fur et à mesure que l'enfant émerge de ce monde, il comprend qu'il est seul, qu'il est une entité séparée des autres. Cette séparation d'un monde incroyablement fort et puissant comparé à sa propre
existence individuelle, et aussi bien souvent menaçant et dangereux, crée un sentiment d'impuissance et d'anxiété. Aussi longtemps qu'il faisait partie intégrante de ce monde, méconnaissant les facultés et les responsabilités de l'action individuelle, l'enfant n'avait pas de raison d'être effrayé. Mais lorsqu'il devient un individu, il doit faire face, tout seul, aux aspects dangereux et
écrasants du monde.
L’un de ses collaborateurs dissimule un sourire dans sa paume. Du moins, il croit le faire, car Vaughn l’apostrophe :
– Cessez de vous gausser, Greenway. Votre sujet sur le National Front est également à revoir, pour éviter que ses skins nous accusent de diffamation.
– Je n’ai fait qu’évoquer ses lynchages dans les quartiers noirs et…
– … ses candidats aux
prochaines législatives. Le problème, c’est votre phrase sur « l’essor menaçant de l’extrême droite, cancer des valeurs britanniques ».
– Je vous rappelle qu’à Londres, il a tout de même eu plus de cent mille voix.
– Je n’ai pas oublié, comme je n’ai pas oublié que Thatcher a dit qu’elle comprenait la peur du peuple d’être « envahi par une culture
étrangère ».
et sur les minces accoudoirs... se serraient en tremblant les mains ridées et déformées d'une fragile petite vieille (ou plutôt une chose : comme un menu paquet, un impondérable fagot d'os, de brindilles prêts à se briser, maintenus ensemble par un réseau de ligaments, de tendons menaçant à tout instant de se rompre, un problématique assemblage de calcaire et de tissus parcheminés qui
semblait être comme une parodique version, un parodique avatar à l'échelle humaine, jaunâtre, desséché et plumé, des maigres poules errant sous le hangar – et une femme pourtant : un être humain, une enveloppe à l'intérieur de quoi circulait la sang bleu vert qui gonflait les veines ou plutôt les épaisses tubulures ramifiées que l'on pouvait voir bifurquer, serpenter et se tordre
sous la transparente membrane de peau, mais qu'irriguait ou, mieux, qu'animait encore ce flux secret, indécelable à l'oeil, cette permanente série d'actions et de réactions d'acides, de bases, de sels, ces relais, ces signaux, d'une fantastique complexité et d'une foudroyante rapidité qui font a raison, la tristesse, la joie, la mémoire, la parole) + Lire la suiteCommenter
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[...] ... Cela étant, existe-t-il des témoignages authentiques de l'inconduite d'Isabeau de Bavière ? Et, en particulier, de sa prétendue liaison avec Louis d'Orléans ? Il convient tout d'abord d'éliminer les sources tardives ou apocryphes. Sans s'arrêter aux élucubrations d'un Brantôme, il est tout à fait invraisemblable que Louis XI - si fier de la supériorité de sa race - ait
confié, comme on le lit parfois, que sa grand-mère était une "gran putana - une grande putain."
Aucun auteur contemporain n'accuse la reine d'adultère, à moins de s'arrêter à de très vagues allusions. La plus marquée est peut-être celle du Religieux de Saint-Denis, évoquant Isabeau et son beau-frère en ces termes : "Indifférents à la défense du royaume, ils mettaient
toute leur vanité dans leurs richesses, toute leur jouissance dans les délices du corps. Enfin, ils oubliaient tellement les règles et les devoirs de la royauté, qu'ils étaient devenus un objet de scandale pour la France et la fable des nations étrangères."
Dans le "Songe Véritable", l'allégorie de la Fortune adopte un ton menaçant : "Je lui ferai avoir telle honte, et tel
dommage et telle perte, qu'en la fin, en sera abandonnée." Plus loin, Raison tente, à son tour, d'intimider la princesse fautive : "Si devers moi bientôt ne viens, je t'enlèverai tous les tiens. Je te mènerai à tel malheur que tu n'auras membre ni chef qui ne te tremble de forte ire. Mais je ne te veux ores plus rien dire, parce que femmes ont peu de honte et font de mes dits peu de compte.
Mais en la fin t'en souviendras, quand Fortune sur toi viendra. [...] On dit en proverbe souvent que nul ne sait ce qu'à oeil lui pend."
Ces quelques citations suffisent-elles à conclure à la culpabilité d'Isabeau ? Certainement non. D'autant que son péché supposé aurait été d'une gravité extrême. En effet, les théologiens médiévaux assimilent les relations sexuelles
entre beau-frère et belle-soeur à un inceste, dont le "Ménagier de Paris" fait la "quinte branche de luxure" : "Quand homme ou femme a affaire charnellement à sa cousine, ou qu'elle soit de son lignage, soit loin ou près, ou à sa mère ou à celle qui est du lignage de sa femme, ou la femme a affaire à celui du lignage de son mari."
Or, aux yeux de l'Eglise, l'inceste - comme la
sodomie ou la zoophilie - est passible de la corde ou du bûcher. Encore faudrait-il ajouter dans ce cas le crime de "rapt d'honneur" commis par un vassal sur l'épouse de son suzerain, et celui de lèse-majesté que constituerait le commerce illicite avec une princesse ointe et sacrée. Replacée dans le contexte du temps, une liaison charnelle entre Isabeau de Bavière et le frère de Charles VI
apparaît donc des plus improbables. Sans compter qu'elle aurait été matériellement bien malaisée. Une reine de France, sans cesse entourée de ses dames et de ses servantes, ne reste jamais seule, même la nuit. Ainsi, en 1416, les comptes d'Isabeau mentionnent l'achat de "deux quartiers de serge vermeille [et] dix livres de plumes appelées fleurin [...] pour servir à coucher dessus les
femmes qui veillent de nuit devers icelle dame." ... [...] + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         70
" Mais pour sortir vainqueur des combats les plus nombreux et les plus dangereux, il faut soi-même avoir l'air menaçant !"
Mais pour avoir honneur et gloire,
il faut bien sûr sortir vainqueur
des combats les plus nombreux
et les plus dangereux.
En voilà une bonne idée,
se dit l'écureuil.
Mais pour sortir vainqueur des combats
les plus nombreux et les plus dangereux,
il faut soi-même
avoir l'air menaçant !
– Je vais me garer là, sur le bas-côté, avait dit le chauffeur du bus, le chemin est juste à une centaine de mètres, mais si je m’y engage, on risque de s’embourber.
– OK, avait répondu Fred en mettant son sac sur son dos.
Puis se retournant avait lancé :
– Les enfants, on est arrivés ! Je veux que vous mettiez dans les poubelles tous vos déchets et que vous
fassiez bien attention à ne rien oublier. C’est un autre bus qui viendra nous chercher, alors vérifiez bien.
Le bus s’était immobilisé et les clameurs des enfants avaient envahi l’habitacle en une infernale cacophonie qui s’était directement invitée sous le crâne de Sandra Rémy, yeux écarquillés, terrifiée à l’idée que le séjour n’était même pas commencé et
qu’elle éprouvait déjà le furieux désir de hurler et de frapper au hasard l’un de ces petits démons enragés.
Quelques minutes plus tard, le bus s’était éloigné dans un nuage écoeurant de fumée noire, et la petite troupe, sac à dos en place, s’était mise en route sur un chemin de terre qui s’enfonçait dans la forêt.
– Regardez bien autour de vous, les enfants,
avait crié Fred, et dites-nous quand vous reconnaissez une plante ou un animal que nous avons étudié en classe, d’accord ?
La consigne avait eu le pouvoir de faire se dissoudre les rangs à peu près ordonnés de la fragile procession et les enfants avaient commencé à s’égailler en grappes inégales d’un côté ou de l’autre du chemin. La marche s’en était trouvée fortement
ralentie : on s’accroupissait, on s’agenouillait, certains s’allongeaient sur le sol pour observer mousses, lichens, bois mort, scarabées, limaces, dans un bouquet sonore d’exclamations, d’invectives et de questions imprécises posées à un instituteur dont personne n’écoutait jamais les réponses.
– Ça fait quoi quand on écrase un escargot ? avait demandé Enzo à
Lilou.
Elle l’avait regardé avec de grands yeux effrayés avant que son regard ne se pose sur son pied levé, menaçant de s’abattre sur la coquille jeune vif d’un petit escargot. Enzo affichait son traditionnel sourire dont il était difficile de dire s’il était celui d’un enfant dérangé ou exagérément heureux. Toute personne qui avait croisé Enzo l’avait de toute
manière considéré comme un petit garçon inquiétant, même si cela se résumait à un pressentiment désagréable. La violence qui émanait naturellement de chacun de ses gestes et de chacune de ses paroles faisait de lui un danger à éviter. On retrouvait en sa présence des réflexes de survie animaux. Inconsciemment, on cherchait à le fuir et quand par malheur on se retrouvait bloqué en
sa compagnie on craignait qu’à tout moment la situation ne dégénère. La petite Lilou avait éprouvé cet exact sentiment quand Enzo avait lentement abaissé son pied sur l’escargot, en silence, afin que le craquement sinistre de la coquille en train d’éclater se fasse bien entendre. Un sanglot irrépressible était monté dans sa gorge.
– Un escargot écrasé, ça fait une
limace ! avait crié Enzo en riant comme un forcené.
Et il était parti en courant, zigzaguant entre les troncs sur le tapis de feuilles en décomposition. Lilou avait avalé sa salive, repris ses esprits comme tout juste sortie d’un rêve et regardé autour d’elle. À quelques mètres de là, Sandra, la maman de Jade, était pétrifiée. Elle avait visiblement assisté à la scène
sans oser ou pouvoir intervenir. Lilou avait froncé les sourcils, le regard noir, légèrement voilé de larmes, et avait couru à son tour en direction d’un groupe d’amis. Le rire d’Enzo retentissait dans le sous-bois. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         00
Tandis que les voix envahissent mon crâne douloureux, je sentis la gorge se serrer. Cette fois, ce n’était pas la boule de colère, mais des larmes, un flot de larmes que je sentais remonter de mon ventre. Bientôt, elles envahirent ma poitrine, menaçant de faire céder le barrage que j’avais installé depuis si longtemps entre ma tête et mon cœur. Je n’avais plus d’arbre auquel
attacher mon esprit qui, affolé, sautait d’une pensée à une autre comme un animal devenu fou.