Frederic Bastiat
Frederic Bastiat

Lorsque la Spoliation est devenue le moyen d’existence d’une agglomération d’hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, une morale qui la glorifie.

Clément Bénech
Clément Bénech

Je ne veux pas d’hommes volant d’office, mais des hommes qui apprennent à voler en se confrontant à notre obligation de marcher.

Albert Caraco
Albert Caraco

Que d’hommes ne sont humains, que la nuit tombée! et l’on voudrait leur faire honte de cette défaillance! Quand le visage de la Nuit prévaudra sur celui du Jour, nous n’aurons plus besoin d’être sauvés, car nous ne serons pas perdus. Que je l’admire enfin, la spontanéité des peuples archaïques, ils nous démontrent que la Chair n’est pas exempte de sagesse!

Albert Caraco
Albert Caraco

L’instruction religieuse est un délire en un temps où les dieux sont morts et bien que la plupart des hommes, en Europe, n’osent se déclarer athées, il n’en subsiste pas un tiers, parmi ceux qui professent le Papisme, pour soutenir ses dogmes et pour s’avouer de la Conception Immaculée et de la Maternité Virginale, de la Virginité Perpétuelle et de la Royauté Céleste, pas même

de la Trinité, voire de l’Incarnation ni de la Transsubstantiation, enfin deux tiers des Catholiques se partagent entre un théisme qui n’engage à rien, un dualisme qui ne détermine rien, un fatalisme qui ne vise à rien, un conformisme qui n’avance à rien, et j’oubliai l’astrolâtrie, de plus en plus envahissante. Un pêcheur d’hommes n’aurait plus qu’à jeter ses filets,

comme avant deux mille ans, les mortels sont à prendre, il se prépare un changement de sensibilité, qui sera suivi d’une révolution spirituelle. Je me demande quels dieux nous encenseront demain? notre avenir est décidé par les aveugles que nous sommes, j’en ai, moi, le vertige.

Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort
Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort

Il y a peu d’hommes qui se permettent un usage rigoureux et intrépide de leur raison, et osent l’appliquer à tous les objets dans toute sa force. Le temps est venu où il faut l’appliquer ainsi à tous les objets de la morale, de la politique et de la société, aux rois, aux ministres, aux grands, aux philosophes, aux principes des sciences, des beaux-arts, etc. : sans quoi, on restera

dans la médiocrité.

Tidiane Dem
Tidiane Dem

Un marché sans marchandage n’est qu’une réunion de femmes et d’hommes tristes.

Emmanuel Le Roy Ladurie
Emmanuel Le Roy Ladurie

Au XVIe siècle, durant lequel tant de petits nobles s’inventèrent des ancêtres normands, cette généalogie fut retravaillée et les Paston se présentèrent comme un lignage chevaleresque et possédant des domaines seigneuriaux et des serfs depuis le XIIe siècle. La réalité est moins glorieuse : leur ascendance ne peut être établie avec certitude qu’à partir de 1300 et il semble

qu’en dépit de leur statut d’hommes libres, et de l’étendue du domaine qu’ils exploitaient [...], les premiers membres de la famille étaient des paysans.

Hector Berlioz
Hector Berlioz

Quelle folie ! diront bien des gens. Oui, mais quel bonheur ! Les gens raisonnables ne savent pas à quel degré d’intensité peut atteindre ainsi le sentiment de l’existence ; le cœur se dilate, l’imagination prend une envergure immense, on vit avec fureur ; le corps même, participant de cette surexcitation de l’esprit, semble devenir de fer. Je faisais alors mille imprudences qui

peut-être aujourd’hui me coûteraient la vie.

Je partis un jour de Tivoli, par une pluie battante, mon fusil à pistons me permettant de chasser malgré l’humidité. J’arrivai le soir à Subiaco, mouillé jusqu’aux os dès le matin, ayant fait mes dix lieues et tué quinze pièces de gibier.

Replongé maintenant dans la tourmente parisienne, avec quelle force et

quelle fidélité je me rappelle ce sauvage pays des Abruzzes où j’ai tant erré ; villages étranges, mal peuplés d’habitants mal vêtus, au regard soupçonneux, armés de vieux fusils délabrés qui portent loin et atteignent trop souvent leur but ! Sites bizarres, dont la mystérieuse solitude me frappa si vivement ! je retrouve en foule des impressions perdues et oubliées. Ce sont

Subiaco, Alatri, Civitella, Genesano, Isola di Sora, San-Germano, Arce, les pauvres vieux couvents déserts dont l’église est toute grande ouverte.... les moines sont absents.... le silence seul y habite.... plus tard, moines et bandits y reviendront de compagnie. Ce sont les somptueux monastères, peuplés d’hommes pieux et bienveillants, qui accueillent cordialement les voyageurs et les

étonnent par leur spirituelle et savante conversation ; le palais bénédictin du Monte-Cassino, avec son luxe éblouissant de mosaïques, de boiseries sculptées, de reliquaires, etc. ; l’autre couvent de San-Benedetto, à Subiaco, où se trouve la grotte qui reçut saint Benoît, où les rosiers qu’il planta fleurissent encore. Plus haut, dans la même montagne, au bord d’un précipice au

fond duquel murmure le vieil Anio, ce ruisseau chéri d’Horace et de Virgile, la cellule del Beato Lorenzo, adossée à un mur de rochers que dore le soleil, et où j’ai vu s’abriter des hirondelles au mois de janvier. Grands bois de châtaigniers au noir feuillage, où surgissent des ruines surmontées par intervalles, au soir, de formes humaines qui se montrent un instant et disparaissent

sans bruit... pâtres ou brigands... En face, sur l’autre rive de l’Anio, grande montagne à dos de baleine, où l’on voit encore à cette heure une petite pyramide de pierres que j’eus la constance de bâtir, un jour de spleen, et que les peintres français, amants fidèles de ces solitudes, ont eu la courtoisie de baptiser de mon nom. Au-dessous, une caverne où l’on entre en rampant

et dont on ne peut atteindre l’entrée qu’en se laissant tomber du rocher supérieur, au risque d’arriver brisé à cinq cents pieds plus bas.

À droite, un champ où je fus arrêté par des moissonneurs étonnés de ma présence en pareil lieu, qui m’accablèrent de questions, et ne me laissèrent continuer mon ascension que sur l’assurance plusieurs fois donnée qu’elle

avait pour but l’accomplissement d’un vœu fait à la madone. Loin de là, dans une étroite plaine, la maison isolée de la Piagia, bâtie sur le bord de l’inévitable Anio, où j’allais demander l’hospitalité et faire sécher mes habits, après les longues chasses, aux jours pluvieux d’automne. La maîtresse du logis, excellente femme, avait une fille admirablement belle, qui depuis

a épousé le peintre lyonnais, notre ami Flacheron. Je vois encore ce jeune drôle, demi-bandit, demi-conscrit, Crispino, qui nous apportait de la poudre et des cigares. Lignes de madones couronnant les hautes collines, et que suivent, le soir, en chantant des litanies, les moissonneurs attardés qui reviennent des plaines, au tintement mélancolique de la campanella d’un couvent caché ;

forêts de sapins que les pifferari font retentir de leurs refrains agrestes ; grandes filles aux noirs cheveux, à la peau brune, au rire éclatant, qui, tant de fois, pour danser, ont abusé de la patience et des doigts endoloris di questo signore qui suona la chitarra francese ; et le classique tambour de basque accompagnant mes saltarelli improvisés ; les carabiniers, voulant à toute force

s’introduire dans nos bals d’Osteria ; l’indignation des danseurs français et abruzzais ; les prodigieux coups de poing de Flacheron ; l’expulsion honteuse de ces soldats du pape ; menaces d’embuscades, de grands couteaux !... Flacheron, sans nous rien dire, à minuit, au rendez-vous, armé d’un simple bâton ; absence des carabiniers ; Crispino enthousiasmé !

. . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Enfin, Albano, Castelgandolpho, Tusculum, le petit théâtre de Cicéron, les fresques de sa villa ruinée ; le lac de Gabia, le marais où j’ai dormi à midi, sans songer à la fièvre ; vestiges des jardins qu’habita Zénobie, la noble et belle reine détrônée de

Palmyre. Longues lignes d’aqueducs antiques fuyant au loin à perte de vue.

Cruelle mémoire des jours de liberté qui ne sont plus ! Liberté de cœur, d’esprit, d’âme, de tout ; liberté de ne pas agir, de ne pas penser même ; liberté d’oublier le temps, de mépriser l’ambition, de rire de la gloire, de ne plus croire à l’amour ; liberté d’aller au nord, au sud, à

l’est ou à l’ouest, de coucher en plein champ, de vivre de peu, de vaguer sans but, de rêver, de rester gisant, assoupi, des journées entières, au souffle murmurant du tiède siroco ! Liberté vraie, absolue, immense ! Ô grande et forte Italie ! Italie sauvage ! insoucieuse de ta sœur, l’Italie artiste,

«La belle Juliette au cercueil étendue.» + Lire la

suiteCommenter  J’apprécie          00

Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville

Je pense donc que l’espèce d’oppression, dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l’a précédée dans le monde ; nos contemporains ne sauraient en trouver l’image dans leurs souvenirs. Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l’idée que je m’en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne

conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer.
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun

d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut

dire du moins qu’il n’a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au

contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur

industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?
C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même.

L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.
Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles

compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise

point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.
J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu’on ne l’imagine avec quelques-unes des

formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple.
Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les

satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est

pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne.
Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent.
Il y a, de nos jours, beaucoup de gens qui s’accommodent très aisément de cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple, et qui pensent avoir

assez garanti la liberté des individus, quand c’est au pouvoir national qu’ils la livrent. Cela ne me suffit point. La nature du maître m’importe bien moins que l’obéissance.

Chapitre VI : Quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          503

Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville

Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis

particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.

Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et

tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent,

pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble

de penser et la peine de vivre ?

C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même

à les regarder comme un bienfait.

Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus

vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n’être

plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu’on ne l’imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre

même de la souveraineté du peuple.

Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais

élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne.

Dans

ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          184