John Galsworthy
John Galsworthy

Il n'avait jamais été complètement réconcilié avec les automobiles ; il les acceptait en principe, en empiriste né qui adopte la forme du progrès à mesure qu'elle apparaît. Mais en réalité, il trouvait que c'étaient d'encombrantes machines, éreintantes et sentant mauvais. Il possédait , pour plaire à Annette, une Rollhard aux coussins gris perle, avec éclairage électrique,

cendrier, miroir, porte-bouquet, le tout parfumé de pétrole et de naphtaline. Ses rouages bien huilés symbolisaient à ses yeux la rapidité, l'ingéniosité, l'absence d'effort de la vie moderne. A mesure que cette vie moderne se faisait plus lâche, plus neuve, plus rapide, Soames vieillissait, se ralentissait, se resserrait, de plus en plus pareil, en pensées et en actions, à son

père James Forsyte. Il en avait conscience. Voiture et progrès lui dėplaisaient de plus en plus.

Grégoire Courtois
Grégoire Courtois

Fransen s’approche de Jane. Quand elle accède à mes données mémorielles, je ne me rends compte de rien. Je ne sais pas ce qu’elle cherche. Je découvre en même temps que les humains les enregistrements choisis, et la manière dont Jane les interprète. Tout est là, dans les plis sinueux de mon système mémoriel, le récit complet des faits incompréhensibles qui se sont produits. Tout

ce que je n’ai pas compris. Du début à la fin. Peut-être que, grâce à Jane, les choses seront plus claires. Peut-être que les mots braqueront su le mystère un éclairage salutaire. Les bons mots. Moi, je n’y peux plus rien. Mais Jane. Que Jane trouve les bons mots.

Alberto Moravia
Alberto Moravia

Marcello regarda longuement ces quatre ou cinq pétales de feu qui semblaient s'agiter et palpiter; puis ses yeux se fixèrent sur le talus du chemin de fer où se projetait , en même temps que son ombre et celle de Giulia, le faible éclairage du train et il éprouva brusquement une sensation aiguë d'égarement. Pourquoi était-il dans ce train? Qui était la femme debout à ses côtés? Où

allait-il? Quel homme était-il? D'où venait-il? Cette sorte d'égarement n'avait rien de pénible. Il y retrouvait un sentiment familier qui constituait peut-être le fond de son être intime. "Ainsi donc, "pensa-t-il froidement, "je suis comme ce feu, là-bas, dans la nuit...je flamberai et m'éteindrai sans raison, sans suite...un peu de combustion suspendue dans la nuit."

Josiane Balasko
Josiane Balasko

FÉLIX : Voilà Chouchou, je m'en vais, t'en fais pas, je vais partir, dans la nuit froide et glacée, c'est pas grave, la seule chose qui me ferait plaisir, vois-tu, ce serait que tu viennes à mon enterrement.
JOSETTE : Eh bien, vois-tu, je viendrai avec le petit, ça lui fera prendre l'air.
MORTEZ : Vous croyez que c'est malin d'emmener un enfant dans un cimetière ?
JOSETTE :

Y'a de la verdure.
FÉLIX : Avec la série d'emmerdements que j'ai eus depuis que je suis gosse, j'ai déjà du mérite d'en être arrivé à l'âge que j'ai...
KATIA : Je ne veux pas vous enfoncer davantage mais c'est plutôt les gens qui vous supportent qui ont du mérite.
FÉLIX (menaçant) : Ah, vous ! (Katia menace avec le revolver. Mortez les sépare.) Vous pouvez pas

comprendre, vous pouvez pas comprendre. (Une musique pathétique et un éclairage isolé vont accompagner son récit.) Orphelin à six ans, j'ai été spolié de tous mes biens par un notaire véreux, Maître Fourt. Après, j'ai été refusé comme pilote de ligne à cause de l'orthographe, expliquez-moi pourquoi il faut savoir mettre un seul L à allumettes pour piloter un avion.
JOSETTE :

Mais parce que allumettes ça prend deux L, c'est comme les avions, tête de con ! + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          50

John Fowles
John Fowles

Cette fois, il montra ouvertement un étonnement admiratif. "mais alors, vous ne devriez pas ...
-J'apprends plus ici.
Il hésita, bien entendu ça ne le regardait pas, et cependant ... Il réussit à suggérer que lorsqu'on a été acceptée par le Royal Collège, si rigoureusement sélectif, on n'abandonnait pas cet avantage à la légère.
"N'importe. Henry sait bien qu'il a

de la chance de m'avoir."
Elle souriait, mais elle avait parlé sans vanité, ni ironie, et David révisa une fois de plus son opinion à l'égard de la jeune femme ; elle venait de lui donner sur elle-même une indication précieuse qui la plaçait sous un autre éclairage et devait évidemment le conduire à modifier son premier jugement. La façon dont on l'avait accueilli n'était qu'un

jeu. Il vit immédiatement quelle aide précieuse elle devait être pour le vieux peintre et supposa que l'autre fille prenait le relais sur le plan sexuel.
"Sa nouvelle peinture est remarquable. Je ne sais pas comment il s'y prend pour continuer à produire ainsi toile après toile...
-Il ne pense jamais qu'à lui. Voilà le secret
-Et c'est ce que vous apprenez ici ?
-Ce

que j'observe.
-Il a dit qu'il vous devait beaucoup.
-En réalité, c'est un grand enfant. Il besoin de jouets. Afin de les mettre en pièces. L'un d'eux est l'affection.
- Mais la vôtre reste entière ?"
Elle haussa les épaules. "Nous devons entrer dans le jeu. Prétendre que nous sommes très impressionnées par sa mauvaise réputation. Le style harem."
Il sourit

et baissa les yeux.
"Je dois avouer que je me demandais ce qu'il en était en réalité.
-Il a raconté à notre dernier visiteur - dans les dix minutes qui ont suivi son arrivée - que toutes les deux nous avions été violées trois fois la nuit précédente. Il faut avoir l'air de le croire sur parole.
Dans ce domaine du moins"
David rit : "Entendu.
- il sait

fort bien d'ailleurs que personne ne le croit. Cela n'a pas d'importance.
-Compris"
Elle but son vermouth.
"Et afin que les choses soient tout à fait claires : Anne et moi, nous ne lui refusons pas le peu d'activité sexuelle dont il est encore capable."
+ Lire la suiteCommenter  J’apprécie          10

Dominique Demers
Dominique Demers

— Le phénomène d'imprégnation a été étudié par le biologiste Carl Lorenz. Il a décrit comment des oisillons sont fortement affectés, à la naissance, par le premier être vivant qu'ils rencontrent. Dans le cas d'une espèce comme le huard, par exemple, le mâle et la femelle participant à la couvaison, l'oisillon est marqué — ou, si l'on veut, imprégné — par ses deux parents. Il

les suit tout naturellement partout. Il sent qu'il leur appartient.

— Lorenz a démontré la puissance de cette forme particulière d'attachement en étudiant le cas d'oisillons abandonnés à la naissance par leurs parents biologiques, poursuivit Joffe. Ainsi privés de la vue de leur géniteur, les oisillons s'attachent au premier être vivant qu'ils rencontrent, quelle que soit

l'espèce. Lorenz a établi que les vingt-neuf premières heures de vie sont cruciales. Un oisillon imprégné par un humain durant cette période le suivra partout comme s'il était de la même espèce, comme si c'était lui son géniteur.

Joffe tendit une photo à l'élève le plus près de lui en le priant de faire circuler l'image. La scène était pour le moins étonnante : un

vieillard qui semblait se prendre pour une cane, suivi d'une traînée d'oisillons.

— Le découverte de Lorenz est fondamentale et pas seulement pour la biologie. En psychologie et en philosophie aussi. Elle alimente le vieux débat entre l'inné et l'acquis, entre l'héritage génétique dont nous sommes porteurs à la naissance et notre capacité d'apprendre des comportements, de

changer, d'évoluer. Le phénomène d'imprégnation ne nous aide pas seulement à comprendre la vie des canards et des oies. Il jette un précieux éclairage sur les comportements humains, l'attachement d'un bébé à sa mère, par exemple. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Laszlo Krasznahorkai
Laszlo Krasznahorkai

Ce qui signifiait que le divin éclairage de la désillusion totale lui avait dessillé les yeux, et qu'il "avait vu l'avenir qui nous attendait", un avenir qui l'avait, pour condenser sa pensée en un seul mot, dit-il en élevant la voix, horrifié.

Laszlo Krasznahorkai
Laszlo Krasznahorkai

Un tournant historique ! lança Korim alors que les quatre mots dans sa tête, telles des corneilles tournoyant dans le ciel assombri, se laissaient lentement absorber par l'horizon qui se dérobait au loin.

Un tournant historique à l'échelle mondiale, dit-il, et simultanémént à cette grave sentence, et comme pour l'étayer, s'opéra un changement au niveau de son articulation, un

changement somme toute normal et tout à fait prévisible, dû aux attaques et aux effets incontrôlables de l'alcool sur lui, une rupture se produisit quelque part entre son cerveau, sa gorge et sa langue, qui provoqua une impitoyable distorsion lexicale. Car si jusqu'ici les mots se brisaient sous forme de blocs de syllabes indépendants, un mouvement contraire de sable homogène s'enclencha,

provoquant un embouteillage de syllabes, et la force qui jusqu'ici assurait un semblant d'ordre et de discipline s'évanouit soudain et ne resta qu'une amère nécessité, celle d'exprimer jusqu'au bout, après trois jours d'infortune passés à chercher à contacter les autorités célestes, ce qu'il avait à dire, ce que devait absolument savoir l'émissaire, enfin localisé, de ce pouvoir

céleste, le lui dire comme il pouvait, c'est-à-dire en empilant les syllabes les unes sur les autres, comme lors d'un accident ferroviaire lorsque la locomotive percute les wagons à l'arrêt, avec l'espoir que son auditeur et secrétaire - céleste et terrestre -, chargé de transcrire ses propos, pourrait deviner que "trnstorque" signifiait "tournant historique", et reconnaître derrière

"échlmndial" "échelle mondiale".

Jaiv...Ivnir kin ouza tndt, déclara Korim dans son tout nouveau style oratoire.

Ce qui signifiiait que le divin éclairage de la désillusion totale lui avait désillé les yeux, et qu'il "avait vu l'avenir qui nous attendait", un avenir qui l'avait, pour condenser sa pensée en un seul mot, dit-il en élevant la voix, horrifié.

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Marie-Louise von Franz
Marie-Louise von Franz

Les premières découvertes indiquent que les rêves révèlent une relation profondes entre nos états intérieurs et extérieurs et fournissent un éclairage sur les profondeurs de l'esprit humain jusqu'alors inaccessible à l'intellect conscient. S'ils sont correctement déchiffrés, les rêves contiennent des informations importantes sur la santé physique et mentale des individus.

(Préface de Fraser Boa)