Eugenio Corti
Eugenio Corti

En substance, Michele s'était rendu compte que marxisme et nazisme avaient un nombre extraordinairement élevé d'ancêtres communs, qu'ils étaient en somme de la même veine. En effet, tous les deux – en une antithèse désormais presque parfaite avec le christianisme qui est amour – s'expliquaient à travers des mécanismes de haine analogues : mais, tandis que pour le marxisme une classe

rédemptrice (le prolétariat) était appelée à renverser et à « réprimer » les autres classes, pour le nazisme il s'agissait au contraire d'une race élue, appelée à dominer et asservir les autres.

Eugenio Corti
Eugenio Corti

Adieu maintenant Filottrano; et adieu à toi aussi, cœur de notre jeunesse. Le temps passant, qui sait combien d'évènements ont dû se succéder là-bas, et, bien sûr, au long des années de débat politique, le jugement porté sur notre action aura plus d'une fois changé (les rengaines habituelles pour ou contre l'armée…) Par la suite, et c'est bien naturel, les gens nous auront

complètement oubliés. Seul le cœur de nos morts, là-bas, s'est arrêté à l'heure de leur jeunesse.

Eugenio Corti
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Bellini et moi regardâmes en silence Zorzi qui s'éloignait : nous ne devions plus le revoir…

Eugenio Corti
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En homme de réflexion qu'il était, don Carlo chercha à comprendre les raisons de ce phénomène — inattendu même pour lui, vu toutes les circonstances et les jugements superficiels qui ont toujours couru sur le compte des soldats (et qui courent d'autant plus aujourd'hui!) — jusqu'à s'en donner une explication convaincante : « La guerre est pour l'homme un moment de séparation par

rapport à Dieu en tant que loi morale, c'est un abandon temporaire des événements historiques à la logique implacable de l'erreur… Ceux qui souffrent à cause de la guerre sont les victimes qui paient pour tout le monde, qui réconcilient l'homme avec Dieu et reconquièrent la paix et l'ordre pour tous leurs frères. En tant que tel, le soldat est un rédempteur à la fois humain et modeste

— je dis rédempteur en pensant au Christ — car la loi en vertu de quoi il souffre et meurt est la même que celle pour laquelle le Christ porte la croix et monte sur elle : pour les hommes et pour leur salut.

Eugenio Corti
Eugenio Corti

Adieu donc à toi aussi premier amour, adieu pour toujours, ce que nous avions rêvé ne sera jamais… Adieu montagne, patrie, régiment, adieu mère et premier amour, chantaient les chasseurs alpins. Ils chantaient et pleuraient, les chasseurs valeureux, et leur chant patient contenait toute la douleur de notre humaine impuissance. Ils chantèrent encore quand le capitaine ne chantait plus et ne

les accompagnait que des yeux. Ils ne cessèrent de chanter que lorsqu'ils se rendirent compte que le capitaine Grandi était mort.

Eugenio Corti
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Ils moururent tous deux avant la tombée de la nuit. Mort, ce pauvre Jésus d'aumômier, avec sa mère qui l'attendait dans la campagne de Mantoue, scandant les heures interminables sur son chapelet. Il avait fini de se battre à sa manière têtue, la main dans la main du Seigneur, contre les autres et contre sa propre jeunesse. Plus jamais maintenant les femmes de Mantoue ne le tourmenteraient

au confessionnal, parce qu'il était beau et fort; il ne s'en plaindrait plus auprès de nous qui étions ses amis. Des choses dont un prêtre ne parle pas facilement, même au front.