Michaël Foessel
Michaël Foessel

On perd une dimension de sa vie lorsqu'on est contraint en permanence de chercher les moyens de la gagner.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Quand j’essaie de faire de la philosophie, quand j’écris de la philosophie ou que je donne un cours de philosophie, c’est pour maîtriser ce que dans mon existence je ne maîtrise pas, pour me sentir libre, parce que la vie est faite de contraintes, de déterminismes, de nécessités sociales. Si la philosophie ne constitue pas non seulement une libération mais une expérience de la

liberté de penser, alors elle ne vaudrait pas une heure de peine.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Je n’ai pas exploré 1938 en pensant à 1940, mais à 2018 et aux années qui la précèdent. Tout le pari de ce livre réside dans une neutralisation de l’anachronisme par son redoublement. La France de 1938 devient éclairante à partir du moment où on met entre parenthèses le régime de Vichy pour garder à l’esprit des préoccupations qui touchent le présent immédiat.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

L’arrogance de certains noctambules n’est pas seulement pénible, elle est surtout contradictoire avec la dimension égalitaire de la nuit.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Quand le vrai et le faux se confondent et que les faits les mieux établis semblent suspects, l’impossible devient crédible.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

L'art est censé nous permettre de ne pas seulement subir nos fêlures mais d'en faire quelque chose.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

L'obscurité égalise les hommes en les rendant pauvres en perceptions claires et distinctes. Ce faisant, elle dépouille les yeux du pouvoir de juger en même temps qu'elle ôte des coeurs le désir de se faire paraître à son avantage exclusif (p. 140).

Michaël Foessel
Michaël Foessel

En me réveillant, je ne sais plus très bien de quoi cette nuit était faite. Aux souvenirs se mêlent peut-être les rêves. Ai-je dansé aussi longtemps que les courbatures de mon corps le suggèrent ? Ont-ils seulement existé ces inconnus avec lesquels j’ai refait le monde ? Suis-je certain d’avoir bien vu dans l’obscur ?
J’y étais pourtant. C’était une nuit dans un bar

berlinois. Il faut dire que rien n’était fait pour que je me souvienne précisément. Ni les lumières minimalistes, ni le prix (modique) des bières, ni la fumée de cigarettes. La musique était entraînante, cela au moins est sûr. La nuit, les oreilles ont plus de mémoire que les yeux. Pour le reste, je ne reconnaîtrais sans doute aucun de ceux que j’ai croisés. Sauf mes amis, bien

sûr, puisqu’ils font aussi partie de mes jours. Mais les inconnus rencontrés dans ces conditions précaires appartiennent seulement à cette nuit.
C’est mieux ainsi. On va à la nuit pour être moins regardé et, de ce fait, moins regardant. L’expérience nocturne est un défi au désir social de reconnaissance. Il ne devait d’ailleurs pas être brillant ce bar. Il y a eu des nuits

pour abolir les privilèges, d’autres pour ourdir des complots. La mienne n’a rien de si exceptionnel. Sinon que, dans la pénombre, je n’ai pas vu le temps passer. Je me souviens seulement du moment où j’ai regardé ma montre. A cet instant, les impératifs du jour se sont rappelés à moi : il a fallu rentrer. La nuit était finie.
C’était une fête, mais j’aurais aussi bien

pu errer des heures sous les étoiles. Toujours, la nuit altère le temps et suspend les comptes. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          90

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Il en va du "jour" et de la "nuit" comme de l' "homme" et de la "femme" : on ne peut évoquer le premier de ces termes sans à la fois inclure et exclure le second (p. 162).

Michaël Foessel
Michaël Foessel

A partir de Rousseau, en effet, s'impose une nouvelle prémisse anthropologique : la liberté n'est plus un attribut humain parmi d'autres (comme la raison, l'entendement ou la sensibilité), mais bien ce qui définit l'humanité comme telle.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

L’avantage de 1938 est de condenser en quelques mois des évolutions à l’oeuvre depuis plus d’une décennie dans le présent : radicalisation conservatrice du discours camouflée par une idéologie postpartisane, triomphe des solutions libérales en pleine crise du libéralisme économique,
perception des procédures démocratiques comme un obstacle à la mise en oeuvre d’une

politique efficace, renforcement inexorable du pouvoir exécutif, multiplication des lois sécuritaires, restrictions dans la politique d’accueil des réfugiés, stigmatisation d’une minorité religieuse à la faveur d’une “guerre” officiellement déclarée contre ses membres les plus fanatiques. Le tout sur le fond d’une montée apparemment irrésistible des “nationaux”

rebaptisés ”populistes” sans que cette nouvelle appellation nous éclaire beaucoup dans l’intelligibilité du phénomène.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

La privation de sommeil est une forme ancienne de torture, mais elle s'est perfectionnée grâce à des techniques (lumières artificielles, amplification du son) qui ont en commun de maintenir la victime dans une temporalité où l'alternance entre le jour et la nuit a complètement disparu. [...]
Dans les sociétés contemporaines, la permanence des lumières artificielles est devenue une

seconde nature, plus puissante que la première. C'est pourquoi la privation de sommeil et le régime de la veille forcée ne font plus scandale. Nous sommes désormais habitués à vivre dans un environnement où les machines fonctionnent de manière incessante, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. De l'ordinateur à la station-service ouverte non stop, les choses qui nous

entourent indiquent une disponibilité sans limite. Si l'on appelle "liberté" le droit d'être livré sans attendre, la mise au rebut de la nuit comme espace favorable à l'inertie des corps et au relâchement social apparaîtra comme un signe d'émancipation (p. 112 - 113). + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          40

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Les initiatives locales dispersées ne suffisent pas. La politique ne commence que lorsqu’on prend en charge la question de l’universel.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

La nuit offre l’opportunité physique d’être un peu moins observé par les autres, mais celle-ci se prolonge rarement au-delà du petit matin. Pour que l’on ne demande pas de comptes à l’insomniaque ou au noctambule, il faudrait que ses expériences nocturnes ne laissent aucune trace. Or l’homme est ainsi fait que son passé nocture se devine à la lumière : ses nuits ne passent pas

longtemps inaperçues. Quantité de signes trahissent une nuit agitée : pâleur du visage, cernes, lenteur des gestes, incohérences du raisonnement.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Ce livre a voulu montrer qu'il y a malgré tout plus à craindre de l'abolition de ces alternances que de leur conflit. En un mot : il y a un sens à entrer dans la nuit, même au risque de devoir en sortir.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Le peuple de la nuit n'attend pas d'une seule lumière, ou d'une unique science, la clé de son émancipation. Il expérimente sa liberté ici et maintenant, sans attendre les consignes, et à la faveur de ce que l'obscurité autorise.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Si la philosophie doit commencer par les ténèbres, si celles-ci ne symbolisent plus un mal sans retour, c'est parce qu'il existe un jour pire que la nuit : celui des préjugés.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Il ne suffit pas de dire que l'on y voit moins bien la nuit, il faut comprendre pourquoi l'obscurité invite à regarder (et à sentir) autrement. En même temps qu'elle représente un risque, l'absence de témoin confère une plus grande liberté au regard.

Michaël Foessel
Michaël Foessel

Dès l'instant où un noctambule est vu dans un triste état, il ne lui est plus possible d'échapper au jugement des autres qui deviennent des témoins a posteriori de ses errances. En ce sens, la question un peu angoissante dont nous étions partis ("Qui suis-je, moi qui veille ?") n'est qu'une variante d'une mise en demeure plus inquisitoriale : "Qui es-tu, toi que tes nuits agitées rendent si

imprévisible ?"

Michaël Foessel
Michaël Foessel

La consolation vient toujours trop tard. C'est après la perte, une fois que le mal est fait, que le réconfort est dispensé.