Ernst Wiechert
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- De nous, c'est toi qui es le plus riche, frère, dit Erasme, en se levant. On est venu t'exposer bien des peines, ici, au coin du feu. Et, toujours, tu as fait que les pauvres sont repartis riches d'ici.
- Pas toujours, répliqua Amédée. Pas toujours.
- Et me feras-tu la joie de venir à mon mariage ? dit enfin Erasme.
- Certainement, frère. Je te le promets.
Mais

quand Erasme s'en alla, Amédée ne savait pas encore s'il était reparti plus riche (page 360).

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Les cochers étaient les rois secrets des paysans du domaine. C'étaient eux qui conduisaient les enfants au baptême, les fiancés à l'église, les cercueils au tombeau. Dans la pénombre de leur écurie, les jeunes fils de la maison apprenaient de leur bouche la sagesse première d'une longue vie de services rendus (page 35).

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Une sérénité qu'on ne peut guère tenir que de la familiarité avec Dieu (page 22).

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Adam est fils de gens riches, mais il a l'esprit lent. Ses yeux sont bien trop grands pour son petit visage, et sa mère doit se rendre chaque année dans les montagnes et habiter une maison tranquille où il y a beaucoup de gens très pâles et un homme, vêtu d'une blouse blanche, qui s'efforce patiemment de les faire sourire ou bavarder et de les occuper à quelque menu travail.
Michaël

le regarde, pensif. Il connaît la femme délicate et pâle qui a enfanté Adam et il a pour lui autant de soins que pour un jeune agneau né avant les gelées nocturnes.

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On pendait les condamnés à ces crocs, par le menton. C’était une mort affreuse, peut-être la plus affreuse de toutes. Et c’est là que nous devions le mener. (…) Quand nous l'eûmes mené sous la poutre qui portait les crocs, je dis au bourreau de se retourner, Il se retourna aussi vite que si un serpent l’avait mordu au talon. Il vit le canon de mon revolver. (…) Il tomba à genoux

et supplia qu’on lui fît grâce. (…) Le professeur intercéda pour lui, mais nous secouâmes la tête. Les autres voulaient le suspendre au crochet mais, avant qu’ils l’eussent saisi, je le tuai. J'aurais pu viser au cœur, mais je tirai en pleine figure. Peut-être pensais-je qu'il se remettrait d'un coup au cœur, car il n'avait rien à l'endroit où nous avons le cœur. Rien que le

vide. Sa vie, c'était seulement cette face que nous avions vue sourire. Souvent, bien souvent. Et je tirai dans ce qui avait été ce sourire. Il tomba en avant. Mais pour moi il ne cessa pas de sourire. Vous comprenez ? Il ne cessa pas de sourire. On eût dit que son sourire était immortel. C'était le Mal immortel, et mille coups de feu ne l'auraient pas tué. C'était comme si j'avais tiré

contre Sirius ou la voie lactée. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

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(...) et j'ai l'impression qu'aucun d'eux ne désire voir ici ta figure un instant de plus qu'il est nécessaire.

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Sa maison était isolée, juste au-dessus du lac. Le vieil érable était déjà en fleur et projetait son ombre sur la cour et le jardin. Une lueur rougeâtre, sortant de la fenêtre de la cuisine, tombait dans le soir.

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Il y avait dans le petit village de l'envie et de l'hostilité, des querelles et des réconciliations, mais pas de secrets. Les pignons et les fenêtres étaient trop rapprochés. Ils montraient à nu leur haine et leur amour, et le destin de l'individu était aussi le destin du village.

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On ne devient grand qu'en mesurant la petitesse de sa douleur.

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Le mot était devenu quelque chose d'immuable, et c'était à celui qui le lisait de lui donner son sens. On ne pouvait le reprendre; il était comme une flèche qui a quitté l'arc.la vivante pointe dirigée sur le cœur d'un autre.

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Il faut qu'il y ait des professeurs, mais il faut aussi qu'il y ait des bergers. En vérité, ce serait triste de vivre sur une terre qui n'aurait plus besoin de bergers...oui, je crois que ce serait bien triste. (p.32)

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《Elle me dit tout.
《 --J'ai survécu, fit elle, toute seule.Avec le chien.Nous ne leur avions rien fait.Ils assommèrent les hommes et les femmes, Et les femmes hurlèrent avant d'être assommées. Je les entendais, car je ne criais pas.Les jeunes filles s' empoisonnèrent avant.Le docteur leur avait donné du poison.Nous avions parmi nous un grand, un très grand médecin. Il

se défendit et ils l'abattirent d'un coup de feu.
《 --Et les enfants? Demandai - je.
《 --Les enfants , ils les ont noyés dans les fosses à purin.Ils durent d'abord briser la glace à coups de pioche, puis ils les noyèrent.
《Ah maître ces paroles sortaient de cette figure blanche, on eût dit une morte qui parlait.Et le chien ne cessait de hurler.

《 --Viens avec moi! Dis-je.Tu ne peux pas rester ici.Il y aura encore de la place pour toi dans le traîneau.
《 Je vis qu'elle secouait la tête.
《--Je ne puis venir avec vous, dit elle car j'attends un enfant.De ceux qui les ont tués. Tant d'enfants, je ne sais pas combien.Et il faut qu'il grandisse sous la croix.Il ne peut grandir autrement, sinon il sera

Maudit.
《 --Quelle croix? Demandai - je.
《 --Es - Tu aveugle? Demanda-t-elle. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

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La voix de la mourante est basse , mais si âpre, que la flamme de la chandelle posée près du lit et dont le suif coule, oscille sans arrêt. Le souffle, avec effort déjà, pousse cette voix, mais il ne s' éteindra pas avant qu'elle ait tout dit.Les mains se posent l'une à côté de l ' autre sur le couvre -lit aux dessins bleus.Elles ont déjà la couleur de l'autre monde.Elles ne changent

pas de place, seuls les doigts, un à un , s' élèvent encore et s' abaissent avec un crissement léger sur la couverture bleue, de ce mouvement qu'on fait quand on additionne des dettes.

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Non, "dur ", c'était autre chose. L 'image d 'une terre ravagée, déchirée impuissante, sur laquelle tombait la pluie oblique qui dissolvait les morts. Pas une terre grave, féconde comme il l'a connaissait, solennellement ouverte pour recevoir des morts solennellement vêtus; mais au contraire la saleté , la désolation., l 'absence de lois dans laquelle les morts également sales, désolés,

et sans loi gisaient épars. La destruction de toutes les images fermés et saintes qu 'il avait emportées de sa forêt, la dissolution de tout l'acquis qui le reliait au père et au grand père. .........

......Ce n 'est que lorsque les ambulanciers arrivèrent, au crépuscule, et qu 'ils glisserent avec précaution la civière sous le lieutenant que celui-ci ouvrit les yeux; il fit

signe à Schneider et à Jons qui se pencha plus près de lui.Il pouvait à peine parler." Eh bien, Jeromine, de quoi à t-elle l'air , la vérité, hein?" Un sourire lointain, irréel, erra sur ses lèvres et avec ce sourire il disparut dans la nuit tombante. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

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Cela ne peut pas durer ainsi, dit l ' ecclésiastique en posant sa main sur les bras du pasteur; puis- je vous aider, Agricola?
Le pasteur secoua la tête.
Qui pourrait aider?"
Alors le pasteur pour la première fois, parla :
"Dieu pourrait aider, répliqua -t- il, s' il existait. Mais il n'existe pas.
--Et le savez -vous , cher frère?
--Je ne le sais pas

en thèse générale, mais je le sais en ce qui me concerne.Pour moi il n 'existe pas, donc il ne peut m'aider.C'est uniquement pour les croyants qu'il est une source au désert; pour les autres c'est une Fata Morgana. Pas de l 'eau, mais de l'air et du sable brûlant.
--Et vous ne croyez plus?
--Non, je ne crois pas."
L'autre avait depuis longtemps déposé son cigare sur le

rebord de l 'âtre et joint les mains. "Dieu peut revenir , Dit-il à voix basse.
--Je ne veux pas qu 'il revienne pour tuer des enfants, dit le pasteur; j'ai assez de soixante et onze cercueils.
--Voilà donc ce que c'est dit l'autre, en hochant la tête. J 'ai donc vu ce coeur !
--Et si après Dieu ressuscite les morts, continua t-il, pour une vie plus belle, qu'est donc le

cercueil, qu' une brève étape?
--La même étape où l 'on a déposé les parents, dit le pasteur. Ils peuvent attendre, là-bas, jusqu'à ce qu 'il réveille les cercueils. Mais ils trouveront le temps long, très long; attendre est le grand mot de l'illusion et des enfants. "Quand Dieu ressuscitera les morts !" Mais personne encore ne l'a vu faire.Et celui qui est tout -puissant et à

besoin d 'anges n 'est sans doute pas obligé pour cela de tuer les enfants qu'il s' est choisis à cet usage ! ? + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

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Un héron passa, d'un vol bas et lourd, en suivant le courant, et son cri rauque rebondit, multiplié, contre les parois de la nuit. Le brouillard monta et s'insinua lentement entre le monde et eux.

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Son frère n'avait pas voulu se souvenir, il avait voulu oublier. Il n'avait pas su qu'on ne peut oublier qu'après voir vidé jusqu'à la lie la coupe des souvenirs. Il l'avait remplie avant d'avoir bu la lie. Il avait cru que le vin nouveau en effacerait le goût.

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(Écrivez)
On est délivré de ce qu'on écrit. On le tire de son sang et on le met sur le pas de la porte. Le soleil et le vent le dessèchent et ce n'est plus la même chose. C'est une créature qui nous a quittés. Et après les douleurs de l'enfantement, on trouve le calme. Écrivez.

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-Ce n'est pas pour la patrie, dit-il, que ce noble jeune homme est tombé, ce n'est pas pour l'empereur, ni pour un trône ou un autel de ce monde: il est tombé pour l'agneau du pauvre dont il est parlé dans la Bible. Mais dans l'agneau du pauvre se trouvent comprises toutes les patries et toutes les couronnes de cette terre; car la plus grande chose qui puisse arriver à un pâtre, en ce monde,

c'est de mourir pour la bête la plus chétive de son troupeau. (p. 70)

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Postface de René Wintzen

"J'ai commencé avec la forêt et la Bible, écrit-il dans un ouvrage autobiographique, -Des Forêts et de hommes-, et sans doute terminerai-je avec elles. (p. 74)