Colette Gibelin
Colette Gibelin

Lancinant,
le cri des mouettes
nous traverse comme un reproche
Nous avons vécu des années de poussière
sans retenir la leçon des tempêtes
Le temps s’est évaporé,
la plage est vide
Si peu de mots pour construire la vie

Le cri des mouettes,
lancinant,
dénonce les renoncements,
la passivité des miroirs
Nous

avons laissé nos couteaux au vestiaire
Il fallait brasser sans relâche la boue,
extraire l’or,
et scintiller
Il fallait mettre le rêve en mouvement
Il fallait
Mais nous avons si peu rêvé

Déchirant,
Le cri des mouettes
Déchirant.

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Si pure
la lumière
éclabousse le monde
M'y fondre
serait vivre
enfin
dans la beauté du rien.

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Est-ce bien nous
ce tremblement fragile du ciel
ce rire évanoui ?

Nous sommes brèches, éclats ,
explosions éphémères
Les creux laissés par nos corps
sur la plage
se sont remplis de sable
plus d'une fois

Nos cris ont la fragilité de la craie,
la vitesse du goéland
Nos tendresses sont

torturées
Nos mots s'ėcaillent
Nos rêves n'ont pas toujours le temps
de nous parvenir

Et c'est dans cette incertitude
que nous nous plaisons à vivre.

( "Éclats et brèches")

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Hôtel des voyageurs


Hôtel des voyageurs
La fenêtre ouvre sur le ciel
Bleu soleil,
renversant
On y lit le vertige, et la fascination
des blancs bateaux glissant dans la lumière

Dedans est l’espace du cœur,
l’intime centre de la vie,
peut-être le bonheur
Nous habitons cette chambre furtive,
lieu

d’étreintes sans lendemains

Dehors est l’inconnu
L’amour est dérisoire, face à la mer,
souveraine et brutale
avec tous ses pillards
Elle entre en toi,
te déchiquette
La mer,
pourvoyeuse de désespoir

La chambre rétrécit
L’espace du recueillement s’étiole
Jusqu’au petit matin
nous serons sans

mémoire
L’amour est illusoire

Hôtel des voyageurs
De quel voyage sommes-nous ?

Quelle aventure ?
Mésaventure ?
Nos caresses n’empêchent pas l’obscur
qui gagne peu à peu

Je voudrais habiter l’univers,
abolir le dedans, le dehors,
rire aux étoiles
et trouver le point d’orgue

Je n’ai que

cette chambre
Hôtel des voyageurs

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Si bleu le jour , dans la mémoire
Si palpitante l'existence
Mais les lumières une à une s'éteignent
Une aube grise a recouvert les souvenirs,
brouillé les pistes

Que faire maintenant ?
N'attends pas le soleil, invente-le
N'attends pas que la vie s'epanouisse
étreins-la

Fais simplement ta part de colibri

avec ténacité
Accueille en toi les lumières du silence
Continue le chemin
même si raboteux
Une source neuve jaillit à chacun de tes pas

Si bleu, le jour dans ce présent
qui est ton île
comme une crête lumineuse
entre deux versants d'ombre

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Soleils d'octobre
illuminant le ciel entre deux averses
La vie est douce, et lente, et douloureuse
Le présent bat le rythme
Coeur d'espace et de transparence

La beauté souveraine
rayonne en sa fragilité
Nous n'avons rien à dire
sinon cette caresse de lumière

(" Souffles et songes")

Colette Gibelin
Colette Gibelin

 
 
Un goût de menthe
mêlé de cendre
Un goût de sable
et de songe
À force de marcher
dans la nuit aux mille chambres
secrètes
ou dans l'éclat fragile des genêts,
nous inventons peut-être le lumineux chemin
de vivre et de mourir

Colette Gibelin
Colette Gibelin


Automne admirable et trompeur
Fête folle des couleurs
Comme si la terre était pétrie de joie et d'or

Les oiseaux s'en vont ailleurs
Ils ont bien tort
Le monde est superbe et fragile

( revue "Multiples")

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Inspire
L'univers entre en toi avec ses printemps éphémères,
Ses fièvres éblouissantes
Tu respires l'odeur envahissante
du thym sauvage
des souvenirs ramassés sur la plage
Tu bois le lait de vie

(" Fluctuations")

Colette Gibelin
Colette Gibelin

 
 
Nuit de Sisyphe,
sans halte, sans recours
Il n’y a pas d’aurore éclatante et fragile
Juste cette fatigue
et l’habitude du naufrage

Mais l’étincelle, la sauvage, la brusque,
nous la portons en nous,
malgré nous,
plus tenace que les désastres

Envole-toi, Sisyphe,
Un feu déjà se

prépare
La nuit, la nuit éclatera
comme une graine prête à de nouveaux départs

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Ce leurre du labyrinthe
Ce goût d'amande amère
Ce rêve de vaisseaux
désemparés,
Ne pleure pas,
Ce n'est que vivre

Tant d'énergie,
de songes bleus bâtis en cathédrales
Tant d'envolées ,
( que l'espoir est tenace!)
de ferveur et d'insoumission,
pour simplement se maintenir,

extrême,
dans la fragilité de vivre

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Inédits
 
 
Ce leurre du labyrinthe
Ce goût d'amande amère
Ce rêve de vaisseaux,
désemparés
Ne pleure pas,
ce n'est que vivre

Tant d'énergie,
de songes bleus bâtis en cathédrales
Tant d'envolées,
(que l'espoir est tenace !)
de ferveur et d'insoumission,
pour simplement se maintenir,

extrême,
dans la fragilité de vivre

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Mémoires sans visages


Extrait 7

Vois-tu, je n’ai pas de souvenirs
Je n’ai que cette dure lumière blanche qui découpe sur la mort
des ombres sèches
Cette longue mémoire d’eau morte où s’agitent les algues bleues
de la nuit
Je te parle, je ne sais qui tu es
Tu as pris déjà tant de voix
Tu as pris tant de fois ta

voix de printemps noir
Je t’adresse ces lieux sans visages, ces branches abolies,
ces déserts de paroles

Colette Gibelin
Colette Gibelin

 
 
Écoute
J'atteins de nouveau l'instant nul où l'avant et l'après s'anéantissent,
Foudroyés
Des grains de mimosas m'éclaboussent dans l'ombre
Je n'ai rien à t'apprendre
Je ne dure pas
Je ne perpétue que le défi de chaque seconde
Ne dis rien
Le présent est ce plaisir absolu de n'avoir pas de lendemain

Précédé de rien
Suivi de rien
Total

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Extrait 2


     Nous cherchons ce lieu de vertige où les rumeurs de la vie s’irisent de lumière, ce lieu de nulle part, oiseau fulgurant et avide, étrange et mauve, aux ailes déployées vers l’absence et le rêve.

     Chasseurs entêtés de l’ailleurs, nous flottons, îles de solitude au-dessus des

grands fonds où grouillent tant de présences que le regard évite.

     Ici, le monde est plein. Le monde craque, éclate, pourrit. Le monde étincelle et jaillit. Ici.

     Le silence nous lance le cri des fontaines. Ici. Nous ne l’entendons pas,
insensés que nous sommes, obstinés à ne pas comprendre

qu’il n’y a d’autre ailleurs que ce présent déjà perdu, ce météore éblouissant.

Colette Gibelin
Colette Gibelin

 
 
Balbutiement du vivre
sur ces terres abruptes
Parole d’ombre ou de raisins trop mûrs
La mer se fait silence
Le silence soleil

Terres rousses
espérant un grand feu de joie
La vie surgit sur ces boues
et ces traces
De l’océan ne reste que l’écume

Terres brunes
entêtées d’absolu

refusant la douceur des pluies
et le miroitement des fleurs
Toute facilité détourne

Terres promises
dans la blancheur de l’aube
et le lent songe végétal
De ces matins qui chantent
faudra-t-il s’éveiller ?

Terres frémissantes et floues
Tous les chemins s’effacent
L’horizon s’est perdu
Le rêve seul

tient lieu d’espoir

Colette Gibelin
Colette Gibelin

 
 
Je tâtonne, dans la boule bleue du destin
Où est l’issue ?


Mémoires sans visages /Extrait 6

Colette Gibelin
Colette Gibelin

 
 
Transparent
désarmé,
ce matin d’extrême tension,
et toute la beauté du monde,
désormais inutile

La mer est cruauté, avec ses coquillages,
ses splendeurs oubliées
On ne s’habitue pas
Il faut partir pour ce voyage
au-delà du soleil
au-delà des larmes et des rires

Le ciel est

pureté,
dénuement
On n’en reviendra pas

Colette Gibelin
Colette Gibelin

 
 
Inspire
L’univers entre en toi avec ses printemps éphémères,
ses fièvres éblouissantes
Tu respires l’odeur envahissante
du thym sauvage
des souvenirs ramassés sur la plage
Tu bois le lait de vie

Ouvre la fenêtre
Il n’y a plus de dedans, de dehors
Seul, ce présent d’éclair et de surgissement,

Cette hâte d’aimer et de connaître
Tant de messages, de caresses,
d’écorchures
Tant de promesses nous traversent

Le monde extérieur maintenant te pénètre
Les sons ruissellent
Les odeurs pétillent
Respire le réel,
Il t’appartient et tu lui appartiens…

Colette Gibelin
Colette Gibelin

Désormais je consens, que la lumière soit le souffle pur

qui transfigure toute ruine et rédime le monde,

et que la nuit revienne, pourtant.

D’un dernier mouvement j’apaise ma révolte.

J’accepte l’instant nu.

Geste essentiel, éclatement solaire,

et que mes mots soient des fissures, où la vie se fragmente.

Ombres et lumières.

Un visage soudain traversé d’émotion, une envolée peut-être?

Puis la chute, brutale, dans le vide obscur, et nos regards dépossédés que le réel

submerge.

J’accepte la fracture, puisqu’il le faut, et la beauté criblée du monde. En un long

chant du cygne je berce mes refus, prunes sauvages,

soubresauts renoncés de la trompeuse

éternité.

Je consens le partage, et l’équivoque,

et les parfums qui s’éparpillent.

Je tairai désormais la fureur, et la soif jamais étanchée, de l’absolu.

J’accepte enfin de vivre.

Mais c’est vieillir, je sais.