Il [le sociologue] faut qu'en pénétrant dans le monde social, il ait conscience qu'il pénètre dans l'inconnu [...].
Une demi-seconde plus tard, j’ai entendu l’impact visqueux de la cartouche de gros calibre pénétrant un crâne. Le cycle était lancé : tir de silencieux, impact dans le crâne, puis son d’un corps s’écroulant sur le trottoir. A la manière d’un solo de batterie post-apocalyptique, cette séquence s’est répétée jusqu’à ce que plus aucun macchabée n’avance.
Même si elle n’obtenait aucune révélation sur une victime, elle apprenait toujours quelque chose sur la nature humaine en pénétrant chez tant d’inconnus. Chaque demeure, chaque appartement avait son secret.
La rhétorique introduit dans la signification à laquelle elle aboutit une certaine beauté, une certaine élévation, une certaine noblesse et une expressivité qui s'impose indépendamment de sa vérité ; plus encore que le vraisemblable, cette beauté – que nous appelons effet d'éloquence – séduit l'auditeur. Aristote insistait déjà sur cet embellissement et cet anoblissement par la
métaphore. Traits qui étaient précisément essentiels là où la persuasion importait par-dessus tout, où il s'agissait de convaincre des votants : au tribunal, sur la place publique, dans les concours, lieux auxquels précisément les sophistes préparaient leurs élèves payants. Mais ces lieux des discours n'étaient-ils pas dans la société antique séparée d'une vie qui se réservait
privée ?
Sans doute, de notre temps, les effets d'éloquence entrent-ils partout et commandent-ils toute notre vie. On n'a peut-être pas besoin de dérouler ici toute la sociologie de notre société industrielle. Les moyens d'information, sous toutes leurs formes – écrites, verbales et visuelles – pénétrant dans tous les foyers, tiennent les hommes à l'écoute d'un permanent
discours, les soumettent à la séduction d'une rhétorique qui n'est possible que comme éloquente et qui persuade en signifiant idées et choses, trop belles pour être vraies. Et déjà on dénonce le discours éloquent et déjà on soupçonne sous toutes cette littérature fleurie, politique et propagande et déjà "tout le reste est littérature". Tout le reste, c'est-à-dire les pensées les
plus hautes, religieuses, politiques et morales. On recourt au langage quotidien pour rabaisser et profaner les hauteurs où se tiennent l'éloquence et le sacré verbal qu'elle suscite. On trouve le langage quotidien insuffisamment quotidien, insuffisamment droit. Il faut démystifier la décence des mots, le noble ronronnement des périodes : la respectabilité des livres et des bibliothèques.
Il faut le mot ordurier, l'interjection, le graffiti – il faut faire crier les murs des villes.
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Et il me raconta qu'il pouvait sentir, respirer toute cette chair de femme, et percevoir la secrète pulsation du sang sous la peau transparente aux fines veines bleues, et encore l'éclatante lumière de midi pénétrant pas la fenêtre ouverte avec le vent qui faisait battre le rideau de fausse dentelle, comme si lumière et vent n'étaient qu'une seule et même chose...
Plus tranquille, je livrai ma tête au sabre si tranchant et si glacé de l'officier de la mort. Jamais un frisson plus pénétrant n'a couru entre les vertèbres de l'homme; il était saisissant comme le dernier baiser que la fièvre imprime au cou d'un moribond, aigu comme l'acier raffiné, dévorant comme le plomb fondu. Je ne fus tiré de cette angoisse que par une commotion terrible: ma tête
était tombée... elle avait roulé, rebondi sur le hideux parvis de l'échafaud, et, prête à descendre toute meurtrie entre les mains des enfants, des jolis enfants de Larisse, qui se jouent avec des têtes de morts, elle s'était rattachée à une planche saillante en la mordant avec ces dents de fer que la rage prête à l'agonie.
Croisée dans le cours ordinaire de la vie, j'aurais simplement vu en elle une femme banale et inintéressante. La voyant comme je l'ai vue pendant que nous étions seuls -en d'autres termes, en pénétrant sous la surface -, je n'ai jamais rencontré au cours de ma triste expérience personne plus mesquine, plus méchante et plus odieuse.