Une fois je suis tombé dans le piège d'un homme qui prétendait avoir un cancer généralisé et qui me suppliait, moi qui suis également un vieil homme, de lui dire ce que je pensais de la mort et si je pouvais le soulager. Bouleversé par son appel suppliant, je lui ai écrit plusieurs fois. Peu de temps après, l'un de mes amis qui travaille dans l'industrie du livre, s'aperçut que mes
lettres étaient mises à prix dans le catalogue d'un marchand new-yorkais. Le collectionneur oublia à l'évidence de rayer mon nom de sa liste de dupes ; un an plus tard il fit appel à nouveau à moi en prétendant cette fois que son petit garçon allait mourir… Ces gens-là sont imperméables à toute superstition.
Tu es très belle, Léda ; je peux l’oublier de temps en temps, mais le moment arrive toujours où je m’aperçois que je suis amoureux de toi à en mourir…
Un tapage de citations résonne dans ma tête, à la recherche d’une sagesse consolatrice : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort… On peut ajourner son suicide jusqu’à sa mort… Vivre c’est apprendre à mourir… » C’est en de tels moments que la philosophie révèle sa volubile et décorative inefficacité !
Désirer me rend heureuse : désirer tout mon content ceux que j’aime ; les désirer avant qu’ils me prennent, après qu’ils m’ont prise ; les désirer en les attendant ; les désirer à en mourir…
Y’a un an d’ça, quand les hommes s’en sont r’venus du bois…y ont trouvé un grand gars de Montréal, qu’avait enjôlé tout l’monde…pis qui avait ouvert un restaurant de français chez nous…. Dans mon magasin général. Y’avaient pas aimé ça ben ben, c’qui était arrivé dans leur dos… pis moi… moi j’avais haï ça pour vrai… La rivière a pas mal roulé depuis
l’temps, pis elle a ben poli les roches… […] … Les roches de gars… […] … Pis les roches de filles…
[…]
Mautadire, ça m’fait d’quoi de pas être là, avec vous autres à goûter l’temps des retrouvailles polies avec ma belle Marie toute en famille… Le monde icitte s’est amieuté certain !... Aujourd’hui, j’le vois… C’est ben d’valeur
que j’sois parti avant l’temps… avant l’temps d’avoir eu le temps de m’amieuter avec vous autres… ben d’valeur… Mais c’est ça qui est ça !...
[…]
C’qui m’fait un p’tit v’lours, c’est qu’tout ça, c’est grâce à moi… ben oui… si j’étais pas mort, tu s’serais pas tombée en amour avec le grand… premièrement, tu l’aurais pas
ramassé sur l’bord du chemin… à cause que t’aurais pas chauffé l’char pour aller faire du stock à Saint-Siméon… En tout cas, y’a une chose de sure… Sous mon règne, y aurait jamais fait son restaurant d’français, icitte !... puis toi, ma belle, tu t’serais pas emmieuttée… jusqu’à t’baigner nue-fesses… pis surtout… tu s’rais pas en famille…
[…]
J’étais dû pour mourir… C’était pas dur tant qu’ça pourtant…Un grand respire de liberté… c’est ça qu’ça prenait… Faut croire qu’avait un moton à quelque part qui empêchait… Pourtant j’étais pas un mauvais gars…[…] J’étais pas l’meilleur des bonhommes… Mais j’étais pas si pire… En tout cas, j’étais pas une pomme pourrite dans
l’panier ! J’étais juste Félix Ducharme, un gars bien ordinaire… À c’te heure… j’suis mort… mais vous autres, c’est vot’ vie… […] vot’ vie à vous autres…celle-là qu’vous voulez… avec c’que vous aviez eu le front d’faire, pis qu’vous avez quand même fait… pis tout c’que vous avez donc encore le goût d’faire… Ouains… c’est vot’ vie, ça…
pis… vous avez l’air ben…
[…]
Bon, ben on dirait qu’c’est l’temps que je m’en aille…[…] Pis avec toi le grand, j’peux partir en paix… J’sais qu’tu vas prendre soin de not’ belle Marie, pis des ti-culs…
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