Jean Cocteau
Jean Cocteau

LA CRUCIFIXION



2

UNE CLAIE. Une haie debout
d'épines. La boue
du sommeil. Le soleil
à travers une épave de barque.
Les huîtres les moules et autres
coquilles mortes sur l'arbre
foudroyé des naufrages.
Qui je vous le demande colle
aux vitres
Qui ? Cette croûte blanche
de givre en forme

d'écorché
vif.

p.171-172

Sophie Calle
Sophie Calle

La souffrance a duré cinq heures et quinze minutes. C'est tout. J'avais vingt-trois ans. J'étais enceinte de mon premier enfant. La scène s'est déroulée à la clinique Saint-Roch, à Montpellier. Le 6 août 1966. Entre douze heures et dix-sept heures quinze. La sage-femme a posé son stéthoscope sur mon ventre et m'a dit qu'elle n'entendait pas les battements de son cœur. Elle était

formelle : "Il est mort-né, nous allons provoquer les contractions." Cinq heures et quinze minutes à me tordre de douleur, à ne penser qu'à ce bébé qui allait sortir tout raide. Je me disais : "S'il ne vit pas, je me tue." La chambre était jaune. Il faisait très beau, très chaud. Je portais une chemise de nuit de ma grand-mère. Je ne pensais qu'à nos deux morts. L'accoucheuse était

une grosse femme avec des cheveux blancs, un visage rouge, des pommettes hautes, un petit nez en trompette, la cinquantaine. A dix-sept heures quinze, heure de la délivrance, il a poussé un cri. J'ai foudroyé d'un regard assassin le stéthoscope. J'ai pleuré de joie. Elle a dit : "Calmez-vous." + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          150

Davide Cali
Davide Cali

Mais alors, Mike,
comment Jojo est-il mort ?
Tout est possible !
Il a glissé et s’est cogné la tête ?
Il a mangé du fromage empoisonné ?
Il a été foudroyé pendant l’orage ?

Neal Shusterman
Neal Shusterman

A se taper la tête contre les murs

En CE1, dans ma classe, il y avait un gamin qui se tapait la tête contre un mur ou une table - ce qu'il trouvait de plus près pour se cogner.
Ca nous amusait, alors on essayait de le rendre fou à la moindre occasion, juste pour le voir faire.
Moi aussi, j'étais coupable. Il faut dire que l'instit le changeait tout le temps de place en

espérant trouver un endroit où il se sentirait bien.
Il a fini par atterrir à côté de moi.
Je me souviens d'avoir attrapé son crayon pendant qu'il faisait des maths et d'avoir appuyé sur la mine, juste assez pour casser le bout.
Ca l'a énervé, mais pas tant que ça.
Il m'a jeté un regard noir et il est allé tailler son crayon.
Quand il est revenu, j'ai

attendu une minute, puis j'ai tiré sur sa feuille, lui faisant tracer un grand trait de crayon sur sa page.
Ca l'a énervé, mais pas assez.
Alors j'ai attendu encore une minute et j'ai mis un coup de pied dans son bureau, assez fort pour faire tomber son livre de maths par terre.
Cette troisième tentative a été la bonne. Il m'a foudroyé du regard avec des yeux de fou et

je me rappelle avoir pensé que j'étais vraiment allé trop loin. Qu'il allait se déchaîner sur moi et que je l'aurais bien cherché.
Mais il s'est mis à se taper la tête contre sa table.
Tout le monde a éclaté de rire et le professeur a dû le contenir de force pour qu'il arrête.

En fait, on ne le considérait pas comme une personne, juste comme un moyen de

détendre l'atmosphère.
Un jour, je l'ai vu dans la cour. Il jouait tout seul. Il avait l'air plutôt content.
C'est là que j'ai compris que son comportement bizarre l'avait privé d'amis. Et que tout ce qu'il connaissait, c'était la solitude.
J'ai eu envie de le rejoindre pour jouer avec lui, mais j'ai eu peur. Je ne sais pas de quoi au juste. Que le fait de se taper la tête

soit contagieux. Ou d'être seul.
J'aimerais savoir où il se trouve aujourd'hui pour lui dire que je comprends ce qu'il a vécu. Et que je sais qu'il est très facile de se retrouver brusquement isolé dans la cour de récréation. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          140

Kore Yamazaki
Kore Yamazaki

Le Gancanagh eut l'impression d'être foudroyé sur place, paralysé, son corps ne lui répondant plus. Elle était si dure envers elle-même, impitoyable. Il eut la même impression que lorsqu'il l'avait entendue pour la première fois. Elle faisait souffler un vent glacial. Un courant d'air triste, solitaire, et terriblement creux.
De toute évidence, elle souffrait d'être aussi seule. La

chaleur d'autrui lui manquait terriblement, mais c'était comme si cette solitude qu'elle s'imposait faisait partie du châtiment. C'était la sentence qu'elle avait prononcée pour ce qu'elle avait fait subir à...

Dominique Noguez
Dominique Noguez

 Si philosopher était un tant soit peu dan-
gereux — si l'on risquait de s'étouffer en s'in-
trospectant, d'être irradié par une idée pla-
tonicienne, de se noyer dans le cogito, d'être
renversé par un lemme de L'Étique, de sauter
sur une monade, d'être foudroyé par l'impé-
ratif catégorique ou intoxiqué par la Raison
pure, d'être

embétonné dans une infrastructure
marxiste ou expulsé dans les galaxies par l'élan
vital bergsonien : la philosophie aurait tout de
suite une autre allure !

p.57-58