Tove Jansson
Tove Jansson

- Mais c'est le printemps! dit Sophie. Ils ne meurent pas maintenant, ils sont tout nouveaux et viennent à peine de se marier, c'est toi-même qui l'as dit.
- Certes, dit la grand-mère, mais cela n'empêche pas qu'il vient de mourir.
- Comment est-il mort alors? hurla Sophie.
Elle était très en colère.
- D'amour inconsolable, expliqua sa grand-mère. Il a chanté et

"gaglé" toute la nuit pour sa cane, mais un autre est arrivé et la lui a volée, alors il a plongé la tête sous l'eau et s'est laissé emporter par le courant.
- Ce n'est pas vrai, cria Sophie, et elle se mit à pleurer. Les hareldes ne peuvent pas se noyer. Raconte comme il faut.
Alors la grand-mère raconta qu'il s'était tout simplement heurté la tête contre un rocher, il

chantait et "gaglait" si fort qu'il ne regardait pas où il allait et cela lui était arrivé juste au moment où il était le plus heureux.
- C'est mieux, dit Sophie. On devrait peut-être l'enterrer?
- C'est inutile, répondit la grand-mère. A la marée haute, il s'enterrera lui-même. Les oiseaux de mer doivent être enterrés comme les marins. + Lire la suiteCommenter

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Tove Jansson
Tove Jansson

(…) Plus loin, sur une pierre plate dans l’eau, gisait un harelde. Il était trempé et mort et ressemblait à un sac de plastique froissé. Sophie déclara que c’était une vieille corneille, mais sa grand-mère ne la crut pas.
– Mais c’est le printemps ! dit Sophie. Ils ne meurent pas maintenant, ils sont tout nouveaux et viennent à peine de se marier, c’est toi-même qui

l’as dit.
– Certes, dit la grand-mère, mais cela n’empêche pas qu’il vient de mourir.
– Comment est-il mort alors ? hurla Sophie.
Elle était très en colère.
– D’amour inconsolable, expliqua sa grand-mère. Il a chanté et « gaglé » toute la nuit pour sa cane, mais un autre est arrivé et la lui a volée, alors il a plongé la tête sous l’eau et

s’est laissé emporter par le courant.
– Ce n’est pas vrai, cria Sophie, et elle se mit à pleurer. Les hareldes ne peuvent pas se noyer. Raconte comme il faut.
Alors la grand-mère raconta qu’il s’était tout simplement heurté la tête contre un rocher, il chantait et « gaglait » si fort qu’il ne regardait pas où il allait, et cela lui était arrivé juste au moment

où il était le plus heureux.
– C’est mieux, dit Sophie. On devrait peut-être l’enterrer ?
– C’est inutile, répondit la grand-mère. À la marée haute, il s’enterrera lui-même. Les oiseaux de mer doivent être enterrés comme les marins. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          50

Ezra Pound
Ezra Pound

Canto XVI

Et avant la bouche de l'enfer; plaine sèche
et deux montagnes;
Sur une montagne, une forme de course,
et une autre
Au tournant de la colline; en acier dur
La route comme un fil de vis lent,
L'angle presque imperceptible, de
sorte que le circuit semblait à peine monter;
Et la forme qui court, nue, Blake,
Criant, faisant

tourbillonner ses bras, les membres rapides,
Hurlant contre le mal,
ses yeux roulant,
Tourbillonnant comme des roues de charrette enflammées,
et sa tête tournée en arrière pour regarder le mal
Alors qu'il s'enfuyait ,
pour être caché par la montagne d'acier,
Et quand il a montré à nouveau du côté nord;
ses yeux flamboyant vers la bouche de

l'enfer,
son cou en avant,
et comme lui Peire Cardinal.
Et dans la montagne ouest, Il Fiorentino,
voyant l'enfer dans son miroir,
et lo Sordels le
regardant dans son bouclier;
Et Augustin, regardant vers l'invisible.

Et après eux, le criminel
couché dans les lacs bleus d'acide,
La route entre les deux collines, vers le haut

lentement,
Les flammes à motifs de laque, crimen est actio,
Les limbes de glace hachée et de sciure de bois,
Et je me suis baigné d'acide pour me libérer
des tiques de l'enfer, des
écailles, des œufs de pou tombés.
Palux Laerna,
le lac des corps, aqua morta,
des membres fluides et mêlés, comme des poissons entassés dans un bac,
et ici

un bras vers le haut, serrant un fragment de marbre,
Et les embryons, en flux,
nouvel afflux, submergeant,
Ici un bras vers le haut, truite, submergé par les anguilles;
et de la rive, l'herbe raide,
le sentier sec et sinueux, a vu beaucoup de connus, et inconnus,
pendant un instant;
submergeant,
Le visage parti, génération.

Puis la

lumière, l'air, sous les gaules,
le lac aux bandes bleues sous l'æther,
une oasis, les pierres, le champ calme,
l'herbe tranquille,
et passant l'arbre de la branche
Les poteaux de pierre grise,
et l'escalier de pierre grise,
le passage propre-carré dans le granit:
descendant,
et moi à travers ceci, et dans la terre,
patet terra,

entraient dans l'air calme
le ciel nouveau,
la lumière comme après un coucher de soleil,
et par leurs fontaines, les héros,
Sigismundo et Malatesta Novello,
et fondateurs, regardant les monts de leurs villes.

La plaine, l'éloignement et dans les fontaines
les nymphes de cette eau
montaient, étalaient leurs guirlandes,
tissant leurs

roseaux d'eau avec les branches,
Dans le calme,
et maintenant un homme se leva de sa fontaine
et partit dans la plaine.

Couché dans cette herbe, dans le sommeil;
et j'entendis des voix:…
mur. . . Strasbourg
Galliffet a mené cette triple charge. . . Prussiens
et il a dit [la narration de Plarr]
que c'était pour l'honneur de

l'armée.
Et ils l'ont appelé un swashbuckler.
Je ne savais pas ce que c'était,
mais j'ai pensé: c'est vraiment très bien.
Et ma vieille infirmière, c'était un homme infirmier, et
Il a tué un Prussien et il est resté
trois jours dans la rue devant notre maison.
Et il a pué. . . . . . .
Frère Percy,
et notre frère Percy…
vieil

amiral
Il était médiocre à l'époque,
et ils sont venus à Raguse
. . . . . . lieu où ces hommes sont allés pour la guerre de la soie. . . . .
Et ils ont vu une procession descendre à travers
Une coupure dans les collines, portant quelque chose
Les six gars devant portant une longue chose
sur leurs épaules,
Et ils pensaient que c'était un

enterrement,
mais la chose était enveloppée d'écarlate,
Et il a remis le couteau,
c'était un middy en ces jours-là,
Pour voir ce que faisaient les indigènes,
Et ils se sont approchés des six camarades en livrée,
Et ils l'ont regardé, et j'entends encore le vieil amiral:
"Est-ce que c'était? C'était
Lord Byron
Dead ivre, avec le

visage d'un A y n
....... Il l'a sorti longtemps, comme ça:
le visage d'un ayn...... gel. "

Et parce que ce fils de ****,
Franz Josef d'Autriche. . . . . .
Et parce que ce fils de **** Napoléon Barbiche…
Ils ont mis Aldington sur la cote 70, dans une tranchée
creusée dans les cadavres
Avec beaucoup d'enfants de seize ans,
hurlant et

pleurant pour leurs mamans,
Et il a renvoyé un mot à son commandant :
Je peux tenir dix minutes
Avec mon sergent et une mitrailleuse.
Et ils lui ont reproché sa légèreté.
Et Henri Gaudier y est allé,
et ils l'ont tué,
Et ont tué beaucoup de sculptures,
Et ole TEH il y est allé,
Avec beaucoup de livres de la bibliothèque, de la

bibliothèque de
Londres, et un obus les a enterrés dans un creusé. dehors,
Et la Bibliothèque a exprimé son mécontentement.
Et une balle l'a frappé au coude
… Est passé par le type devant lui,
Et il a lu Kant à l'hôpital, à Wimbledon,
dans l'original,
Et le personnel de l'hôpital n'a pas aimé.

Et Wyndham Lewis y est allé,

avec un peu d'artillerie lourde,
et les aviateurs sont venus avec une mitrailleuse,
et ont nettoyé la majeure partie de sa compagnie,
et un obus allumé sur sa hutte en étain,
alors qu'il était dans le privé,
et il était tout ce qu'il restait de cette tenue. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Dan Smith
Dan Smith

Le nez collé à la vitre embuée par ma respiration, je regardai le jour se lever et méditai sur l'étrangeté du monde. Le pays était en train de se retourner contre lui-même, envahi par la rage et la confusion. Les hommes s'entre-tuaient, brutalisaient femmes et enfants, cherchaient toujours plus de façons de mutiler et de détruire. Il y avait des champs où gisaient des centaines de corps

gelés; et pourtant l'indifférence régnait. Le soleil continuait à se lever, le givre à se former, les rivières à couler et les bois sombres à faire le guet. Lorsque nous serions tous morts, enterrés ou brûlés, les arbres poursuivraient leur existence sans nous, regarderaient la nouvelle génération grandir là où la précédente était tombée. La rivière donnerait la vie à d'autres

gens, les champs les nourriraient et le soleil les réchaufferait en été. Peu importait ce que nous faisions. Nous n'étions ici-bas que pour quelques instants, et la seule chose qui comptait était de rendre ces instants supportables; d'être là où nous avions envie d'être. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Carlos Fuentes
Carlos Fuentes

María. La voilà, ta Venise. Une Venise en toc, inventée par un dingue d'Américain pour faire croire à d'autres dingues Américains qu'ils vivaient une seconde Renaissance. Regarde les colonnades écaillées, les canaux enterrés sous les ordures, regarde les gondoles à côté du manège et des montagnes russes, regarde-la ta foutue Venise, berce-toi d'illusions, Dolores...

Juan Rulfo
Juan Rulfo

cesse donc d'avoir peur personne ne peut plus te faire peur essaie de penser à des choses agréables car nous resterons enterrés longtemps

Robert Jordan
Robert Jordan

D'abord, Perrin ne regarda pas vers le bas de la pente où il devait se diriger, où il aurait dû aller avec Rand ce matin. Il resta immobile sur sa selle, à la limite du cercle des chariots, et balaya le paysage du regard, bien que ce qu'il vit lui donnât envie de vomir. C'était comme recevoir un coup de marteau dans le ventre.
Un coup de marteau. À l'est, dix-neuf tombes fraîches en

haut d'une colline trapue ; dix-neuf hommes des Deux Rivières qui ne reverraient pas leur foyer. Un forgeron voyait rarement les gens mourir à cause de ses décisions. Au moins, ces hommes des Deux Rivières avaient obéi à ses ordres. Sinon, il y aurait eu encore plus de tombes. Coup de marteau. Des rectangles de terre fraîchement retournée couvraient la pente voisine, près d'une centaine

de Mayeners et encore plus de Cairhienins, venus aux Sources de Dumai pour mourir. Peu importaient les causes et les raisons ; ils avaient suivi Perrin Aybara. Coup de marteau. Sur la pente ouest, les tombes se touchaient, peut-être un millier ou plus. Un millier d'Aiels, enterrés debout pour faire face à chaque lever de soleil. Un millier. Dont des Vierges. Les hommes lui nouaient l'estomac ;

les femmes lui donnaient envie de s'asseoir et de pleurer. Il tenta de se dire qu'ils avaient tous choisi d'être là, qu'ils devaient être là. Les deux s'avéraient, mais il avait donné les ordres, et cela le rendait responsable de ces tombes. Pas Rand ; pas les Aes Sedai ; lui. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          140

Yannis Ritsos
Yannis Ritsos

Makronissos
(37° 41′ N ; 24° 07′ E)

ce n’est qu’un îlot
aride et rocheux
tout en longueur
makronissos signifie d’ailleurs
longue île

un lieu idéal pour dresser
des tentes

Makronissos eut le privilège
d’ouvrir en quarante-six le premier camp
de concentration européen presque deux ans

après la libération de Dachau
et de recevoir les dollars du plan marshall

d’août à septembre quarante-neuf
des poèmes furent écrits et
enterrés dans des bouteilles vides
dans le sol de Makronissos

ils furent déterrés en juillet cinquante
le temps était pierreux

ce fut la deuxième étape de son périple

Théodore Agrippa d` Aubigné
Théodore Agrippa d` Aubigné

Je veux peindre la France une mère affligée
Qui est entre ses bras de deux enfants chargée,
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups
D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage
Dont nature donnait à son besson l'usage;
Ce voleur acharné, cet Esau malheureux
Fait dégât du doux lait

qui doit nourrir les deux,
Si que, pour arracher à son frère la vie,
Il méprise la sienne et n'en a plus d'envie.
Mais son Jacob, pressé d'avoir jeûné meshui,
Ayant dompté longtemps en son coeur son ennui,
À la fin se défend, et sa juste colère
Rend à l'autre un combat dont le champ est la mère.,
Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris,

Ni les pleurs réchauffés ne calment leurs esprits
Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,
Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble
Leur conflit se rallume et fait si furieux
Que d'un gauche malheur ils se crèvent les yeux.
Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte,
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte;
Elle

voit les mutins tout déchirés, sanglants,
Qui, ainsi que du coeur, des mains se vont cherchant.
Quand, pressant à son sein d'une amour maternelle
Celui qui a le droit et la juste querelle,
Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las
Viole en poursuivant l'asile de ses bras.
Adonc se perd le lait, le suc de sa poitrine;
Puis, aux derniers abois de sa

proche ruine,
Elle dit : « Vous avez, félons, ensanglanté
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté;
Or vivez de venin, sanglante géniture,
Je n'ai plus que du sang pour votre nourriture. »
(Misères, v. 97 et suiv.)

Si quelqu’un me reprend que mes vers échauffés

Ne sont rien que de meurtre et de sang étoffés,

Qu’on n’y lit que fureur, que massacre, que rage,

Qu’horreur, malheur, poison, trahison et carnage,

Je lui réponds : ami, ces mots que tu reprends

Sont les vocables d’art de ce que j’entreprends »
(Princes, v. 59 et suiv.).


Ne chante que de Dieu, n’oubliant que lui-même
T’a retiré : voilà ton corps sanglant et

blême
Recueilli à Talcy, sur une table, seul,

A qui on a donné pour suaire un linceul. [...]
Ta main m’a délivré, je te sacre la mienne
(Fers, v. 1425 et suiv.)

Mais quoi ! c'est trop chanté, il faut tourner les yeux 
Éblouis de rayons dans le chemin des cieux. 
C'est fait, Dieu vient régner, de toute prophétie 
Se voit

la période à ce point accomplie. 
La terre ouvre son sein, du ventre des tombeaux 
Naissent des enterrés les visages nouveaux : 
Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places 
Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces. 
Ici les fondements des châteaux rehaussés 
Par les ressuscitants promptement sont percés ; 
Ici un arbre sent

des bras de sa racine 
Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine ; 
Là l'eau trouble bouillonne, et puis s'éparpillant 
Sent en soi des cheveux et un chef s'éveillant. 
Comme un nageur venant du profond de son plonge, 
Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe. 
Les corps par les tyrans autrefois déchirés 
Se sont en un moment en

leurs corps asserrés, 
Bien qu'un bras ait vogué par la mer écumeuse 
De l'Afrique brûlée en Tylé froiduleuse. 
Les cendres des brûlés volent de toutes parts ; 
Les brins plus tôt unis qu'ils ne furent épars 
Viennent à leur poteau, en cette heureuse place 
Riants au ciel riant d'une agréable audace.
(Jugement, v. 661 et suiv.)

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Claude Courchay
Claude Courchay

Reprenons. Je ne voulais pas d'attaches. Ni futur ni carrière, pas de cette vie en forme de pantoufle où vous tapotez les oreilles de la tondeuse à gazon en écoutant ronronner votre fidèle épagneul. Ou le contraire. Pendant ce temps, le clafoutis mijote à feu doux. Bobonne arrose le pistou et voici l'heure du tiercé. Viens-t'en, papa, allons boire un kir. Le dernier avant la frontière.

Seulement ta frontière se trouve encore à des années-lumière d'ennui. On appelle ça la retraite, chacun sait où ça mène. Pavane pour enterrés vivants.