James Fenimore Cooper
James Fenimore Cooper

Le magnifique bras de mer qui baigne les côtes d’Amérique entre le quarantième et le quarante et unième degré de latitude, est formé par les confluents de l’Hudson, le Hackensack, le Passaic, le Bariton et une multitude de petites rivières qui versent toutes, entre l’espace que nous avons nommé, le tribut de leurs eaux dans l’Océan. Les îles de Nassau et des États sont

heureusement placées pour éloigner des côtes les tempêtes de la pleine mer, et le bras profond et large qui pénètre jusque dans les terres offre toutes les facilités désirables pour le commerce étranger et intérieur. C’est à cette heureuse disposition de terrain, à un climat tempéré, une position centrale et un immense intérieur qui actuellement est pénétré dans tous les sens

par des courants d’eau naturels ou artificiels, que la ville de New-York doit son extraordinaire prospérité. Bien que cette baie soit belle, il y en a beaucoup d’autres qui la surpassent par le charme pittoresque ; mais il est douteux qu’il y ait au monde un autre site, qui réunisse autant d’avantages, pour l’accroissement et la commodité d’un commerce étendu. Comme si ses faveurs

étaient inépuisables, la nature a placé l’île de Manhattan au point précis où elle peut être le plus favorable à la position de la ville. Des millions d’habitants pourraient y vivre, et cependant un vaisseau aurait la facilité de recevoir sa cargaison à chaque porte, et quoique la surface du terrain ait toutes les inégalités requises pour la propreté, son sein est rempli des

matériaux les plus utiles à la construction. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          60

Harry Martinson
Harry Martinson

LES FILS DE LA MER

Nous sommes les hommes que les tempêtes ont soudés
pour une union de courte durée,
sur les routes maritimes de l'océan Indien
à l'entrée de Bab-el-Mandeb.
Nous sommes les hommes des grands espaces,
qui errent au gré des vents ;
nous partons et disparaissons, parfois à jamais,
dans la grisaille des brumes de

Terre-Neuve.

Nous avons oublié nos chants d'amour et de printemps
dans le bruissement des sapins de nos villages -
nous chantons le joyeux cantique des moussons
dans le clapot du ressac des Samoa.
Nous avons dérivé dans le golfe du Bengale,
sur des épaves fantomatiques ravagées par la peste -
attendant la tempête libératrice
et le fracas

des typhons des Mariannes.

Les yeux vides, nous cherchions en vain
une terre où trouver du pain.
Au bout d'un mois de disette,
nous effectuâmes un raid sur la côte de Tristan.
Nous fûmes pris par les glaces en mer des Barents -
et nos cadavres transis, hagards,
cherchaient désespérément une tombe
dans la baie de l'Avent abandonnée des

dieux.

Oui, nous sommes les hommes libres des vastes étendues
et nous aspirons à ces horizons -
hantés par les fantômes des noyés
où chaque voile est gonflée par les alizés -
où les phares prodiguent leur alerte
aux vagabonds des grands espaces,
qui se fraient un passage parmi les os des noyés,
parmi les fantômes des marins.


Vaisseaux fantômes 1929 + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          410

Félix Vallotton
Félix Vallotton

Je suis jaloux de deux toiles de Félix Vallotton.
Dans le désordre :
Kremlin le soir huile sur toile 85,5 x 56,5.
Je suis admiratif de son talent et je me dis que voilà quelqu'un qui a tout compris et que pour faire cela il faut avoir vu et avoir une sensibilité exacerbée d'artiste ; ce sont des choses qui ne sont pas dicibles, on ne peut qu'aller à Moscou pour voir ce

genre de chose.
Félix Vallotton se rendit en 1913 en Russie pour vendre ses oeuvres, il parcourra Pétesbourg, Odessa, Kiev, et bien évidemment Moscou. L'artiste noircira des carnets qui lui permettront de réaliser ses peintures dans le confort de son atelier. A son retour, il réalise cinq toiles, dont cette vue du Kremlin le soir.

La Baie de Locquirec huile sur carton, 1902

22,5 x 31
Il travaille les verts comme personne. Après avoir écumé les bords de mer bretons et normands, il réalisera 24 paysages (demie marine), dont certains sont au Musée Pouchkine de Moscou (je ne sais pas s'il les avait emportés avec lui en 1913, j'ai plutôt le sentiment que c'était le fait des marchands). Le trait, la courbe, le colorisme , cette impression d'en tirer le

meilleur, franchement il ne me paraît pas bon de passer après lui, il a tout écumé. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          43

William Wilkie Collins
William Wilkie Collins

Pendant que ces idées me traversaient l’esprit, je vis la femme au manteau se rapprocher de la tombe et la contempler, debout, pendant quelque temps. Ensuite elle jeta un regard autour d’elle, et, tirant de dessous son manteau un linge blanc, serviette ou mouchoir, elle s’achemina obliquement vers le ruisseau. Il pénétrait dans le cimetière par une petite baie en arceaux, pratiquée au

bas du mur, et en sortait après un cours sinueux de quelques douzaines de mètres, par une issue toute pareille. Elle trempa le linge dans l’eau, et revint du côté de la tombe. Je la vis baiser la croix blanche, puis s’agenouiller devant l’inscription et passer, à plusieurs remises, l’étoffe humide sur le marbre souillé.

Antoine Sénanque
Antoine Sénanque

24 octobre 1899
Baie du Cap Mauritius. Île Maurice
Lever du soleil.
L’inspecteur Saul Cumberbatch se pencha sur le corps gonflé et bleui. Une moitié de jambe avait été arrachée par les squales et des crabes s’agglutinaient sur le lambeau de chair à nu. Il relut le nom tatoué sur la poitrine immobile et nota le jour et l'heure dans le petit carnet noir en cuir vieilli

qui ne quittait jamais la poche intérieure de sa veste.
- Qu'est-ce qu'on fait, monsieur ? demanda le jeune pêcheur qui avait repêché le cadavre.
- Laissez-le pourrir ici. Il nourrira les nègres.
Le nom de Weakshield se détachait comme une algue noire sous la peau livide.
Fin du voyage, murmura l'adjoint Field, en pointant les lettres du bout de sa canne.

L'inspecteur le regarda avec lassitude, Depuis le début de l'enquête, l'adjoint Field n'avait jamais émis la moindre suggestion utile. Vingt-sept mois de course à travers le monde en sa compagnie, vingt-sept mois à ajouter à la dette de l’Irlandais.

Tariq Ali
Tariq Ali

Au moment même où le bateau, profitant d'une brise inattendue, approchait de la baie de Syracuse, la lumière de la pleine lune tomba sur les ténèbres de la mer et y forma une prairie dorée. Si souvent et dans de si nombreuses eaux qu'il ait contemplé ce spectacle, Idrisi en avait toujours le souffle coupé. Regardant mieux, il vit les barques éclairées à la bougie qui sortaient en mer

pour une nuit de pêche.

Michel Canési
Michel Canési

La tragédie de ma vie s'est jouée dans un décor somptueux.
Une ville si blanche qu'elle s'éblouit dans le soleil, si blanche qu'elle brûle les yeux de ses murs immaculés en procession immobile vers la mer, si blanche qu'elle boit, les jours de pluie, tout le ciel et sa lumière.
Des montagnes au loin encerclent la baie et ses collines, bleu sombre au printemps, enneigées

l'hiver, obscurcie par les incendies d'été, elles sont frontières ; au delà, le bled : terres arabes ou berbères, étendues hostiles et meurtrières. La mer, sans frontière, enchâssée dans une baie au cercle parfait, s'évanouit loin vers le nord. Tous les jours, je guette les bateaux qui nous lient à Marseille, à cette France étrangère et lointaine, à ce pays qui s'éloigne chaque

jour un peu plus, oubliant qu'autrefois, son coeur battait ici.

Michel Canési
Michel Canési

la tragédie de ma vie s'est jouée dans un décor somptueux. Une ville si blanche qu'elle éblouit dans le soleil,si blanche qu'elle brûle les yeux de mes murs immaculés en procession immobile vers la mer, si blanche qu'elle boit, les jours de pluie, tout le ciel et sa lumière.
des montagnes au loin encerclent la baie et ses collines, bleu sombre au printemps, enneigées l'hivers,

obscurcies par les incendies d'été, elles sont frontières; au-delà, le bled: terres arabes ou berbères, étendue hostiles et meurtrières.
la mer, autre frontière, enchâssée dans une baie en cercle parfait, s'évanouit loin vers le nord. tout les jours je guette les bateaux qui nous lient à Marseille, à cette France étrangère et lointaine à ce pays qui s’éloigne chaque jour

un peu plus, oubliant qu'autrefois son cœur battait ici .

John Banville
John Banville

En fendant la foule pour suivre Chloé jusqu’au Strand Café, je tâtais mes lèvres du bout des doigts, ces lèvres qui l’avaient embrassée, m’attendant à moitié à les trouver inchangées d’une façon infiniment subtile mais radicale. Je m’attendais à ce que tout ait changé, à l’image de la journée, sombre, humide et tendue de nuages pansus à notre entrée au cinéma en plein

après-midi et vibrante de lumières fauves et d’ombres distendues, maintenant que le soir était venu, que les prêles ruisselaient de gemmes et qu’un voilier rouge dans la baie tournait sa proue vers l’horizon d’un bleu déjà crépusculaire au loin.
Le café. Dans le café. Dans le café, nous.

Andreï Makine
Andreï Makine

La forêt s'effeuillait, protégeant mal ma fuite. Ce qui me sauvait, c'était la vitesse de mon déplacement et ma connaissance, presque tactile, des endroits que je traversais. Et, les premiers jours, l'oubli de la faim. Le manque de nourriture se fit sentir subitement : en traversant un affluent de l'Amgoun, je remarquai que la rivière, peu profonde, se gondolait sous mes pas, se colorant,

puis virant au noir. Pris de vertige, je trébuchai, m'accrochant au vide, la tête remplie de cris, de carillon et, brusquement, de longs échos mats...
L'eau glacée m'éveilla. Je me vis étendu sur la berge - le sable était marqué par la trace de la reptation qui m'avait traîné hors du flux... Je me relevai dans un équilibre incertain et trouvait la force de pousser plusieurs

pierres pour dévier une partie du courant. Dans la petite baie qui se forma, je jetai des coquillages écrasés, en guise d'appât, et me mis à getter la proie, armé d'une branche cassée en pointe... Au bout de quelques minutes, un jeune taïmen s'y montra. Trop faible, je ne pris pas le risque de frapper le poisson avec ma pique. Je me laissai tomber sur lui, l'étreignant sous ma poitrine,

dans une grande gerbe d'éclaboussure et de vase remuée. Il se débattit vigoureusement et commença à m'échapper, grâce à sa peau glaireuse. Je comprenais que je n'aurais pas la chance d'en attraper un autre. Et donc de manger. Et de survivre. Plongeant la tête dans l'eau, je mordis son corps, entre la nageoire dorsale et l'os du crâne.
Je sortis sur la berge, mes mains retenant les

soubresauts de ce fuseau argenté, mes dents enfoncées dans les écailles qui vibraient...
A la chute du jour, en dévorant la chair grillée sur les braises, je pris conscience de n'avoir jamais pensé, avec un tel chagrin et une telle reconnaissance, à une parcelle de vivant qui m'épargnait la mort. En vérité, jamais je ne m'étais senti aussi uni à cette vie dite sauvage et à

laquelle à présent j'appartenais...

A partir de ce jour-là, un éloignement, plus mental que physique, allait faire évanouir le monde où les hommes se haïssent tant, le monde de Louskass, de Ratinsky, le monde de l'abri numéro dix_neuf. Un matin, en reprenant ma marche, je me rappelai les coups que j'avais reçus au visage et, très clairement, je compris qu'il n'y avait plus,

en moi, aucune envie de vengeance, aucune haine et même pas la tentation orgueilleuse de pardonner. Il y avait juste le silence ensoleillé de la rive que je longeais, la transparence lumineuse du ciel et le très léger tintement des feuilles qui, saisies par le gel, quittaient les branches et se posaient sur le givre du sol avec cette brève sonorité de cristal. Oui, juste la décantation

suprême du silence et de la lumière.

(P234)
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