George Gordon Byron
George Gordon Byron

Depuis quelques instants, un terrible orage s'était abattu sur Missolonghi. La nuit tombait; éclairs et coups de tonnerre se succédaient dans l'obscurité. La brève lueur des éclairs dessinait au loin, sur la lagune, la silhouette sombre des îles. La pluie, balayée par le vent, battait les vitres des maisons. Les soldats et les bergers qui s'y étaient réfugiés ignoraient encore la

funèbre nouvelle, mais il croyaient, comme leurs ancêtres, que des prodiges accompagnaient la mort d'un héros et, remarquant la violence inouïe du tonnerre, se disaient entre eux « Byron est mort.»

Aloysius Bertrand
Aloysius Bertrand

Il était nuit. Ce furent d'abord, – ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, – une abbaye aux murailles lézardées par la lune, une forêt percée de sentiers tortueux, – et le morimont grouillant de capes et de chapeaux.

Ce furent ensuite, – ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, – le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, – des cris

plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque feuille le long d'une ramée, – et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnaient un criminel au supplice. Ce furent enfin, – ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, – un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, – une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, – et moi que

le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue. Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente; et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.

Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs

s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, – et je poursuivais d'autres songes vers le réveil. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          150

Apollonios de Rhodes
Apollonios de Rhodes

Le vent […] porte bientôt le vaisseau à la vue d'une île couverte de fleurs, et d'un aspect riant. Elle était habitée par les Sirènes, si funestes à ceux qui se laissent séduire par la douceur de leurs chants. Filles d'Achéloos et de la Muse Terpsichore, elles accompagnaient autrefois Perséphone et l'amusaient par leurs concerts […]. Depuis, transformées en des monstres moitié

femmes et moitié oiseaux, elles étaient retirées sur un lieu élevé, près duquel on pouvait facilement aborder. De là, portant de tous côtés leurs regards, elles tâchaient d'arrêter les étrangers qu'elles faisaient périr en les laissant consumer par un amour insensé. Les Argonautes, entendant leurs voix, étaient près de s'approcher du rivage, mais Orphée, prenant en main sa lyre,

charma tout à coup leurs oreilles par un chant vif et rapide qui effaçait celui des Sirènes.

Apollonios de Rhodes
Apollonios de Rhodes

Le lendemain, aussitôt que l'aurore eut frappé de ses rayons le sommet des cieux, on se rembarque à la faveur du zéphyr, on lève avec joie les ancres, et on déploie les voiles. Le vent qui les enfle porte bientôt le vaisseau à la vue d'une île couverte de fleurs, et d'un aspect riant. Elle était habitée par les Sirènes, si funestes à ceux qui se laissent séduire par la douceur de

leurs chants. Filles d'Achéloüs et de la Muse Terpsichore, elles accompagnaient autrefois Proserpine et l'amusaient par leurs concerts, avant qu'elle eût subi le joug de l'hymen. Depuis, transformées en des monstres moitié femmes et moitié oiseaux, elles étaient retirées sur un lieu élevé, près duquel on pouvait facilement aborder. De là, portant de tous côtés leurs regards, elles

tâchaient d'arrêter les étrangers, qu'elles faisaient périr en les laissant consumer par un amour insensé. Les Argonautes, entendant leurs voix, étaient près de s'approcher du rivage ; mais Orphée, prenant en main sa lyre, charma tout à coup leurs oreilles par un chant vif et rapide qui effaçait celui des Sirènes, et la vitesse de leur course les mit tout à fait hors de danger.

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Blaise Cendrars
Blaise Cendrars

La Nouvelle-Helvétie prenait tournure. Les maisons d’habitation, la ferme, les principaux bâtiments, les réserves de grains, les dépôts étaient maintenant entourés d’un mur de cinq pieds d’épaisseur et de douze pieds de haut. A chaque angle s’élevait un bastion rectangulaire muni de trois canons. Six autres pièces défendaient l’entrée principale. La garnison permanente était

de 100 hommes. En outre, des patrouilles et des rondes parcouraient toute l’année l’immense domaine. Les hommes de troupe, racolés dans les bars d’Honolulu, étaient mariés à des femmes californiennes qui les accompagnaient dans tous leurs déplacements, portant le bagage, pilant le maïs et fabriquant les balles et les cartouches. En cas de danger tout ce monde se rabattait sur le

fortin et venait renforcer la garnison. Deux petits bateaux armés de canons étaient à l’ancre devant le fort, prêts à remonter soit le Rio de los Americanos, soit le Sacramento.

Les directeurs des moulins, des scieries où se débitaient les arbres géants du pays, des innombrables ateliers, étaient pour la plupart des charpentiers de bord, des timoniers ou des maîtres

d’équipage que l’on faisait déserter des voiliers en escale sur la côte en leur promettant une solde de cinq piastres par jour.

Il n’était pas rare de voir des Blancs venir se présenter à la ferme, attirés par la renommée et la prospérité de l’établissement. C’étaient de pauvres colons qui n’avaient pas su réussir seuls, principalement des Russes, des

Irlandais, des Allemands. Suter leur distribuait des terres ou les employait selon leurs capacités.

Des chevaux, des peaux, du talc, du froment, de la farine, du maïs, de la viande séchée, du fromage, du beurre, des planches, du saumon fumé étaient journellement embarqués. Suter expédiait ses produits à Van Couver, à Sitka, aux îles Sandwich, et dans tous les ports mexicains

et sud-américains ; mais il approvisionnait surtout les nombreux navires qui venaient maintenant jeter l’ancre dans la baie.

C’est dans cet état de prospérité et d’activité que le capitaine Frémont trouva la Nouvelle-Helvétie quand il descendit des montagnes après sa mémorable traversée de la Sierra Nevada. Suter s’était porté à sa rencontre avec une escorte de 25

hommes splendidement équipés. Les bêtes étaient des étalons. L’uniforme des cavaliers, d’un drap vert sombre relevé d’un passepoil jaune + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

Louis-Antoine de Bougainville
Louis-Antoine de Bougainville

La plupart de ces nymphes étaient nues, car les hommes et les vieilles qui les accompagnaient leur avaient ôté le pagne dont ordinairement elles s’enveloppent. Elles nous firent d’abord, de leurs pirogues, des agaceries où, malgré leur naïveté, on découvrit quelque embarras ; soit que la nature ait partout embelli le sexe d’une timidité ingénue, soit que, même dans les pays où

règne encore la franchise de l’âge d’or, les femmes paraissent ne pas vouloir ce qu’elles désirent le plus.

Vicente Blasco Ibáñez
Vicente Blasco Ibáñez

Catalina répondait aux questions de son compagnon avec la timidité d’une demoiselle chrétienne, pieusement élevée, qui devine le but caché sous la galanterie banale du langage. Cet homme venait pour elle, et son père était le premier à souscrire à ses désirs. Affaire conclue ! Le prétendant était un Febrer ; elle allait lui répondre : oui ! Elle se rappelait ses années de

pensionnat, où elle était entourée de fillettes moins riches qu’elle, qui profitaient de toutes les occasions pour la taquiner, poussées par la jalousie et par la haine que leur avaient inculquées leurs parents. Elle était la chueta ! Elle n’avait d’amies que parmi les petites filles de sa race, et encore celles-ci, désireuses de se mettre bien avec l’ennemi, se trahissaient

mutuellement, sans énergie ni esprit de solidarité pour la défense commune. À l’heure de la sortie, les chuetas partaient les premières, sur l’invitation des religieuses, pour éviter les insultes et les attaques des autres élèves, dans la rue. Même les bonnes qui accompagnaient les fillettes se battaient, adoptant les haines et les préjugés de leurs maîtres. Il en était de même

dans les écoles de garçons : les chuetas sortaient d’abord pour éviter les coups de pierre ou de courroies des « vieux chrétiens ». + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          80

Karen Viggers
Karen Viggers

L'amour est plus fort que le désir. Adam n'avait pas traversé les orages de la vie avec elle comme Jack. Il ne l'avait pas soutenue lorsqu'elle était éreintée par la maternité. Il n'avait pas supporté à son côté les petits ennuis du quotidien, les problèmes financiers, les affres qui accompagnaient les grandes décisions, la préparation de l'avenir des enfants. C'était tout cela, un

mariage. La ténacité. La capacité à faire face aux choses de la vie. L'accumulation des souvenirs communs.

Karen Viggers
Karen Viggers

L'amour est plus fort que le désir. Adam n'avait pas traversé les orages de la vie avec elle comme Jack. Il ne l'avait pas soutenue lorsqu'elle était éreintée par la maternité. Il n'avait pas supporté à son côté les petits ennuis du quotidien, les problèmes financiers, les affres qui accompagnaient les grandes décisions, la préparation de l'avenir des enfants. C'était tout cela un

mariage. La ténacité. La capacité à faire face aux choses de la vie. L'accumulation de souvenirs communs. p.319

Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre
Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre

Si Virginie m'avait paru charmante en toile bleue du Bengale, avec un mouchoir rouge autour de sa tête, ce fut encore tout autre chose quand je la vis parée à la manière des dames de ce pays. Elle était vêtue de mousseline blanche doublée de taffetas rose. Sa taille légère et élevée se dessinait parfaitement sous son corset, et ses cheveux blonds, tressés à double tresse,

accompagnaient admirablement sa tête virginale. Ses beaux yeux bleus étaient remplis de mélancolie; et son cœur agité par une passion combattue donnait à son teint une couleur animée, et à sa voix des sons pleins d'émotion. Le contraste même de sa parure élégante qu'elle semblait porter malgré elle, rendait sa langueur encore plus touchante. Personne ne pouvait la voir ni l'entendre

sans se sentir ému. La tristesse de Paul en augmenta. Marguerite, affligée de la situation de son fils, lui dit en particulier : (...) "Mademoiselle de La Tour appartient, par sa mère, à une parente riche et de grande condition : pour toi, tu n'es que le fils d'une pauvre paysanne, et, qui pis est, tu es bâtard. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          80