Paul Doumer
Paul Doumer

Ce qui pourrait affaiblir le patriotisme français, - l'égoïsme né d'une vie trop facile pour les uns, les sophismes accrédités chez d'autres, - n'a fait encore que des ravages individuels. La masse de la nation n'est pas entamée.
La campagne nouvelle, entreprise au nom de l'humanité contre la Patrie, ne saurait avoir plus de succès.
C'est l'éternel sophisme des antipatriotes

qui revient sous une forme peu rajeunie.
Qu'entendent-ils par l'humanité ? Ce n'est pas sans doute cette sympathie pour les malheurs des hommes quels qu'ils soient, qui nous porte à les secourir. L'humanité ainsi entendue est un devoir individuel, enseigné par toutes les religions et toutes les morales; il s'accorde parfaitement avec le devoir envers la Patrie.
Le mot humanité

signifie, pour nos raisonneurs, l'ensemble des hommes vivant sur la terre, c'est-à-dire le genre humain.
Comment l'amour du genre humain peut-il être opposé à l'amour de la Patrie ?
Dites qu'il faut aimer tous les hommes, et personne n'y contredira.
Mais dire que l'attachement à son pays, le devoir qui nous incombe de le servir, de le défendre, de lui sacrifier notre vie,

n'ont plus leur raison d'être parce que nous sommes citoyens du monde, est tout autre chose, et prend une signification trop évidente. C'est couvrir d'un argument équivoque et captieux la désertion du premier des devoirs civiques.
Autant enseigner à l'enfant que parce qu'il doit aimer toutes les personnes de son village ou de sa ville, toutes celles qui existent sur la terre, il ne doit

pas chérir particulièrement sa mère, la soutenir et la défendre contre tout et contre tous s'il est besoin ; que les obligations vagues et faciles qu'il a envers ses semblables suffisent, et qu'il n'en a pas de plus étroites envers sa famille. Autant enseigner à l'homme qu'il n'a pas à aimer mieux sa femme que les autres femmes, ses enfants que les autres enfants, et qu'il ne doit pas plus

à ceux-là qu'à ceux-ci, c'est-à-dire, en fait, qu'il ne doit rien à personne.
Et c'est bien à cela que tend l'antipatriotisme, à la négation du devoir national, et par suite à la négation de tout devoir.
A quoi, en effet, peut obliger l'amour du genre humain ? Il nous demande une sentimentalité générale que nous avons tous. Mais comme l'humanité ne constitue pas une

être organisé, une personne envers qui on puisse avoir des devoirs précis à remplir, qui impose des sacrifices, le citoyen du monde ne doit rien ; son égoïsme peut s'épanouir à l'aise.
Il est le digne enfant de la lâcheté.
Qu'on le veuille ou non, et quels que soient les hommes qui la professent, la théorie de l'antipatriotisme est bien la théorie de la lâcheté humaine.

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Paul Doumer
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L'histoire enseignera aux Français, mieux que toute dissertation, un profond et ardent patriotisme. (...) Elle dira aussi quel devoir leur incombe, quelle lourde tâche est devant eux, s'ils ne veulent pas déchoir, s'ils entendent assurer à la Patrie un avenir digne de son passé glorieux.
Car la France a connu les jours sombres ; elle a subi, en 1870, la défaite, l'invasion, le

démembrement. Ce souvenir pèse encore sur elle, au moral comme au physique. Quand il était cuisant encore, nous avons fait un magnifique effort pour nous relever, pour reconstituer nos forces et reprendre notre rang.
L'effort n'a pas assez duré.
Est-ce oubli ? Est-ce découragement ? Peu importe. Ce qu'il faut, c'est que nous nous remettions à l'œuvre, résolument et vaillamment,

que nous travaillions de toute notre énergie à faire la France puissante et respectée parmi les nations.
"Un peuple, a dit Armand Carrel, peut rester grand et fort, soit que la fortune l'ait trahi ou que le nombre l'ait vaincu, s'il conserve le sentiment et la douleur de sa défaite ; s'il l'oublie ou s'en accommode, c'en est fait de lui pour jamais." + Lire la suiteCommenter

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Paul Doumer
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Le mensonge est une sorte de lâcheté. Pour être constamment véridique, il faut être très courageux.

Paul Doumer
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Sans courage, l'homme de raison et de volonté n'aboutit pas ; il demeure impuissant dans les affaires importantes, aux heures graves et décisives.
- Tout le monde ne naît pas courageux, dira-t-on ; c'est une affaire de tempérament.
Il y a du vrai dans cette remarque, et beaucoup d'hommes sont naturellement courageux. Mais tous indistinctement peuvent le devenir.
Le courage

s'acquiert, comme s'acquièrent la sagesse et la volonté.
Sur le champ de bataille, ceux qui doivent combattre le plus hardiment et vaincre sont souvent ceux-là mêmes qui, au début de l'action, étaient particulièrement émus, en proie à une lâcheté physique dont ils avaient honte.
Turenne déclare que son corps était tout secoué de peur, même après vingt ans de guerres,

quand une bataille allait s'engager. Et, avec un mélange de colère et d'ironie, le grand capitaine s'exhortait de la sorte :
"Tremble, carcasse, disait-il ; tu tremblerais plus encore si tu savais où je vais te conduire."
Le vrai courage résulte de la volonté de l'homme maître de soi, ayant le sentiment du devoir poussé jusqu'au sacrifice.
Comme pour l'exercice de la

volonté, l'habitude du courage en rend la pratique facile.
Faire un premier pas réellement courageux, là où le péril était grand, c'est rendre aisées, dans la suite, les manifestations du courage lorsque s'en présentera l'occasion. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          10

Paul Doumer
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Le culte de l'amitié est le seul peut-être qui ne connaisse pas las détracteurs; il est pratiqué par toutes les âmes sensibles et bonnes. La Fontaine s'est fait leur écho, l'écho de la voix universelle, en s'écriant, dans un vers qu'on épelle enfant pour le répéter jusqu'au seuil du tombeau :
Qu'un ami véritable est une douce chose !

Amitié, fidélité, dévouement,

ce sont mots qui fièrement résonnent aux oreilles de la Jeunesse.
Si elle cessait de les entendre, c'est que le ciel et la terre seraient déserts, c'est que la vie, devenue froide et mauvaise, aurait perdu sa raison d'être et son prix.