Michel Crozier
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Les élites sont constamment attaquées en France. Cependant ces attaques échouent toujours parce qu'elles portent sur des hommes et sur leur droit à exercer le pouvoir. Elles sont d'ordre social - et non pas intellectuel - et invitent à un renversement impossible. (...) Le problème du changement est d'abord celui du raisonnement. La seule faiblesse évidente que chaque nouveau problème de

société révèle est la faiblesse du raisonnement. C'est donc par là qu'il faut lancer la réforme.

Michel Crozier
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Une vision monolithique est toujours inadéquate, tend à l'absurde et à la folie. Nous devons nous débrouiller comme notre corps humain avec deux voies, deux côtés que nous devons coordonner entre eux : nos mains, nos pieds, nos yeux, notre cerveau droit et notre cerveau gauche...
C'est cette leçon simple qu'il faut faire comprendre aux élites. Si nous leur demandons d'acquérir un

meilleur raisonnement, sociétal et humain, c'est parce que leur vocation première est d'être à notre service. L'Etat est au service de la société, les élites incrustées dans l'Etat n'ont de légitimité que si elles sont à ce même service et les élites managériales devraient elles-mêmes être beaucoup plus au service des gens qu'elles dirigent.

Michel Crozier
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Le problème, c'est le problème.

Michel Crozier
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Le pouvoir est une relation et non pas un attribut des acteurs.

Michel Crozier
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On retrouve le même jeu chez les consultants, qui ne sont souvent que des « courtiers en solutions ». Il existe en fait un marché en ce domaine : quantité de gens travaillent à développer des solutions qui n'ont pas de relation directe avec les problèmes que rencontrent les hommes sur le terrain. (...) Les décideurs français semblent bien vulnérables à ce défaut. Valorisant

l'intellectualité avant toute autre chose, le brillant et l'élégance apparaissent à leurs yeux un signe indubitable d'excellence intellectuelle Adopter une solution à la mode leur paraît par ailleurs moins risqué que de s'engager dans une recherche de problèmes toujours incertaine. On peut même soutenir qu'il y a là un exemple de démarche expérimentale, puisqu'on va pouvoir « tester

si ça marche ».

Michel Crozier
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...Nous avons pu constater dans plusieurs enquêtes menées dans des organisations publiques aussi bien que privées, que les employés les plus capables de participer, ceux qui étaient le mieux informés, les plus intéressés par la marche de l'entreprise, n'étaient pas du tout les bons employés, loyaux et fidèles au sens traditionnel, mais ceux qui paraissaient le moins liés à

l'entreprise. La politique traditionnelle des entreprises, qui consiste avant tout à s'attacher leur personnel, est donc un non-sens du point de vue de la participation. La stabilité que l'on obtient ainsi s'achète au prix d'un gaspillage de ressources humaines.
Cette constatation paradoxale peut choquer, mais elle est finalement conforme à l'analyse psychologique la plus simple. On ne

peut s'engager efficacement que si l'on est libre. L'homme de l'organisation traditionnelle, enfermé dans ses allégeances et ses fidélités, ne peut prendre le risque qu'implique toute participation. Si toute sa vie est engagée dans l'entreprise, il ne peut pas la compromettre en affirmant une opinion hétérodoxe. Il est donc amené à se limiter et à se protéger; ces limitations et

protections pèsent sur la vie de l'entreprise, qu'elles tendent en fait à paralyser.Mais la liberté, qui est nécessaire pour la participation, exige une très grande faculté d'adaptation des individus. Et l'on peut se demander si une difficulté essentielle du développement de la participation n'est pas cette tradition de fidélité passive, cette passion de la sécurité,qui jouent un tel

rôle par exemple chez les cadres français.
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Michel Crozier
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Toute analyse sérieuse de l'action collective doit donc mettre le pouvoir au centre de ses réflexions. Car l'action collective n'est finalement rien d'autre que de la politique quotidienne. Le pouvoir est sa "matière première".

Michel Crozier
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p. 24 : "Domineront alors ceux des acteurs qui seront capables d'affirmer et d'imposer leur maîtrise des incertitudes les plus cruciales."

Michel Crozier
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L'acteur n'existe pas au-dehors du système qui définit la liberté qui est sienne et la rationalité qu'il peut utiliser dans son action. Mais le système n'existe que par l'acteur qui seul peut le porter et lui donner vie, et qui seul peut le changer.

Michel Crozier
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S'il est un principe fondamental d'organisation qui gouverne toute la vie américaine, ce n'est pas, comme on pourrait le croire, l'organisation scientifique du travail ou le plus moderne management. C'est un principe juridique : l'absolu respect des règles de procédure. Impersonnelles et contraignantes, celles-ci passent avant tous les problèmes de fond, car elles seules sont garantes de la

liberté des hommes et de la possibilité pour eux de rechercher le bonheur. Jamais un Français, ni aucun Européen, ne pourra faire vraiment sienne l'extraordinaire idéologie juridique dont toute la société américaine est imprégnée, et qui tient tout entière en ces deux mots : due process.

Michel Crozier
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L'autorité absolue et arbitraire est maintenue dans son principe et comme dernier et rassurant recours, mais elle est rendue inoffensive par la centralisation qui l'éloigne et la stratification qui protège l'individu contre elle.

Michel Crozier
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Par là on touche un élément capital de la vie des groupes qu'on a trop fortement tendance à négliger : le substrat relationnel, les instruments proprement culturels permettant au groupe de se constituer, c'est-à-dire de résoudre le problème non seulement de l'agrégation, mais aussi de la mobilisation des aptitudes, connaissances et intérêts divergents, sinon contradictoires,

d'acteurs-membres relativement autonomes, ainsi que de gérer les conséquences affectives qui en découlent. (p. 216)

Michel Crozier
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Un très grand nombre des difficultés qui paralysent la vie collective en France leur sont associés :
- la très grande difficulté, que remarquait déjà Tocqueville, à lancer une action coopérative, un groupe ou une association qui soient vivants et constructifs - les rassemblements collectifs ne sont jamais que des organes de défense;
- l'incapacité de gérer les conflits de

façon évolutive et dynamique..; ou bien on étouffe les conflits ou bien on se laisse déborder...
-la répugnance générale aussi bien dans les entreprises que dans les administrations à admettre la réalité des faits en matière de rapports humains;
- la très grande difficulté que l'on rencontre dans tous les domaines à créer des organisations souples, capables de s'adapter

rapidement et d'innover...;

Michel Crozier
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Le style administratif est au coeur de la vie collective française. Il est au centre de tous les modèles d'action et d'organisation de la société française. Deux traits se dégagent principalement :
- d'une part, la peur des relations face à face qui risquent d'entraîner des conflits ou des situations de dépendance et sont de toute manière une menace pour l'autonomie de

l'individu;
- d'autre part, une conception absolutiste de l'autorité sans laquelle on ne peut imaginer la réussite de la moindre action collective.