Madeleine Ley
Madeleine Ley

J'ai vu fleurir le pêcher rose,
Le vieux pêcher noir et chenu.
Il rit sous le ciel ingénu,
Il rit de sa métamorphose.
Le mois d'avril est revenu :
J'ai vu fleurir le pêcher rose,
Le vieux pêcher noir et chenu.
Devant le toit de tuiles roses,
Un oiseau gris parfois se pose
Sur le bout d'un rameau ténu...
Le mois d'avril est

revenu...

Repris dans Mes belles poésies, page 27

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Dans la chambre du grand-père

Dans la chambre du grand-père
il y avait un coquillage
qui soupirait et chantait
comme le vent de la mer.

Dans la chambre du grand-père
il y avait un petit coffre
en bois luisant jaune clair,
qu'il rapporta de ses voyages
et que lui seul savait ouvrir.

Il y avait deux Japonais
en

ivoire, sous un globe;
et tout au fond d'un tiroir,
dans son écrin de velours vert,
- bijou poli par les vagues -
la pipe en écume de mer !

Madeleine Ley
Madeleine Ley


Araignée grise
Araignée d'argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

(" Petites voix")

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Araignée grise,
Araignée d'argent,
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

Toile d'araignée
— Émerveillement —
Lourde de rosée
Dans le matin blanc !

Ouvrage subtil
Qui frissonne et ploie,
Ô maison de fil,
Escalier de soie !

Araignée grise,
Araignée d'argent,
Ton échelle exquise

Tremble dans le vent.

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Septembre, c'est la saison où les oiseaux ont cessé de chanter. Il y a partout dans l'air un silence mélancolique, une attente. Sur les pentes rousses de la montagne, je connaissais maintenant chaque sentier, et là-haut, près du ciel, toutes ces neiges rondes et lisses que le soleil peint chaque soir en rose avant de plonger derrière le bord du monde.

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Si les anges n’existent pas…


Si les anges n’existent pas
qui donc fait ce doux bruit
par terre dans nos chambres
et là-haut sur le toit ?

J’entends leurs voix , j’entends leurs pas
à l’heure où la nuit va descendre...
Je me demande si Papa
les écoute aussi parfois ?

Si les anges n’existent pas,

qui nous expliquera
d’où viennent les cheveux de soie
qui flottent le soir dans les bois ?

Madeleine Ley
Madeleine Ley

            Ce soir…


   Ce soir je suis nue dans mon petit fauteuil à capitons. C’est comme l’intérieur d’un coffret à bijoux, ou bien comme une corbeille qui me présente au feu. Je griffe le satin avec le bout de mes ongles. Je ferme les yeux, je les ouvre. Je me vois dans le

miroir penché. C’est beau ! Je vois briller mes yeux et mes dents. Mes seins sont comme des fleurs. Je pense au jeune homme du Lion d’Or. Toutes elles se regardent nues dans les miroirs ! Mais elles n’osent pas le dire. A qui oserais-je le dire, moi ? À personne. Et pourtant... dans le monde de Chonchon, chacun parle librement... On devrait pouvoir tout dire, n’avoir rien de caché.

   La chaleur est bonne. Mes genoux sont luisants. S’il pouvait entrer et me voir ainsi un instant, toute rose et vermeille comme une créature de l’enfer ! Mais je ne le supporterais pas, je bondirais, je m’enroulerais dans la courtepointe en appelant au secours.
   Où est-il maintenant ? Faites qu’il rêve de moi pendant la nuit et qu’il

s’éveille par la force de son rêve et qu’il me voie dans la lumière du feu, telle que je suis, exactement telle que je suis ! + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          50

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Je voudrais une girafe
Aussi haute que la maison
Avec deux petites cornes
et des sabots bien cirés
Je voudrais une girafe
pour entrer sans escalier
par la lucarne du grenier

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Seuls les enfants savent aimer en silence et se trouvent comblés. (p.22)

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Je m'étais habituée à la montagne. Chaque matin de ma vie, j'ouvrais les yeux sur sa rayonnante splendeur. La pureté du ciel, l'éclat des neiges, les grandes ombres qui revêtaient encore les versants boisés, l'ardeur du soleil dans la fraîcheur de l'air, le son argentin des clochettes et celui plus grave des clarines, tout cela me pénétrait le cœur pour y laisser un souvenir

impérissable. Durant des heures, je vivais dans l'éblouissement , les yeux fixés sur les neiges lointaines, sans pouvoir les détacher de ce blanc et bleu de rêve, de cette glaçure scintillante, de ces hauteurs de pureté. Maintenant encore, lorsque je rencontre ces deux mots;: neiges éternelles, ils ont gardé leur pouvoir. (p.29)

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Odelette


Araignée grise,
Araignée d'argent,
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

Toile d'araignée
— Émerveillement —
Lourde de rosée
Dans le matin blanc !

Ouvrage subtil
Qui frissonne et ploie,
Ô maison de fil,
Escalier de soie !

Araignée grise,
Araignée

d'argent,
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

Madeleine Ley
Madeleine Ley

C’est une peinture ancienne…


C’est une peinture ancienne
dans une église de mon pays
C’est un petit garçon qui veut vider la mer
avec une cuiller
Un saint passe dans la plaine
traînant sa robe de laine.
Je crois qu’il lui dit :
« On ne peut pas vider la mer,
ni compter les brins du gazon vert,
ni cueillir à

travers les feuilles
les cheveux brillants du soleil.
Mon petit, il n’y a rien à faire,
n’essaie plus de vider la mer. »

Madeleine Ley
Madeleine Ley

Chanson de juillet


J’ai tant regardé la rivière
et le soleil
et le doux ciel,
que j’ai lâché mon roseau vert.
Il est allé dans l’eau si claire,
il est allé jusqu’à la mer !

J’ai voulu cueillir aussitôt
un autre roseau si beau,
mais je me suis coupée aux herbes,
mes cheveux ont traîné dans

l’eau...
(Ah ! rendez-moi donc mon roseau
et ma prairie et ma rivière !)

J’ai vu passer le fils du roi ;
il m’a dit : « Ma belle, pourquoi,
le long de la jolie rivière,
pourquoi pleures-tu là ? »
Ha ! Ha !
C’était le fils du roi.

Il m’a dit : « Viens avec moi,
et si tu veux tu seras reine.
Tu auras pour

filer la laine
un rouet d’or, et un fuseau
aussi léger qu’un os d’oiseau !»

Las! je suis reine et prisonnière
dans un royaume merveilleux.
Mon cœur, mon cœur a tant de peine,
pleurez, pleurez, mes yeux.
Où sont mes sœurs et ma rivière ?
J’ai perdu mon roseau vert.