Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

Descends vers le néant , avec mon amour
comme sur la pente douce et verte
de cette rive vers la barque du soir;
en souriant distraite par des oiseaux de lumière ,
avec ta main amoureuse et déprise
parmi les petites fleurs
fraîches du soleil couchant

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

Platero es pequeño, peludo, suave ; tan blando por fuera, que se diria todo de algodon, que no lleva huesos. Solo los espejos de azabache de sus ojos son duros cual dos escarabajos de cristal negro.
Lo dejo suelto, y se va al prado, y acaricia tibiamente con su hocico, rozandolas apenas, las florecillas rosas, celestes y gualdas… Lo llamo dulcemente : « Platero ? » y viene a mi con un

trotecillo alegre que parece que se rie , en no sé qué cascabeleo ideal…
Come cuanto le doy. Le gustan las naranjas mandarinas, las uvas moscateles, todas de ambar ; los higos morados, con su cristalina gotita de miel…


Platero est tout petit, velu, doux si tendre qu’on le dirait fait de coton, sans squelette. Seuls les miroirs de jais de ses yeux sont durs comme

deux scarabées de cristal noir.
Je le laisse en liberté, et il va au pré et il caresse doucement de son mufle, les effleurant à peine, les petites fleurs roses, azurées et jaunes… Je l’appelle doucement « Platero ? » et il vient à moi en trottinant joyeusement , comme s’il se riait en je ne sais quel tintement idéal de grelot.
Il mange tout ce que je lui donne .

Il apprécie les oranges couleur tangerine ,le raisin muscat, ambré, les figues noires où perle la gouttelette de miel cristalline…
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Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

********* LA MEMOIRE *********


Quelle tristesse de voir passer
le débit de chaque jour
virant en haut et en bas
par le pont de la nuit
virant en bas et en haut
vers le soleil du lendemain !
Qui saurait
laisser sa cape , content
dans les mains du passé ,
ne plus chercher ce

qui fut ,
entrer de front et ravi ,
tout nu dans la libre
allégresse du présent !

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

Toujours plus vivant, oui
- plus profond et plus haut -
plus nouées les racines
et plus libres les ailes !

Liberté de l'enraciné !
Sûreté du vol infini !

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

EL PAJARITO VERDE

He venido,
Pero allí se queda mi llanto,
a la orilla del mar
llorando.

He venido,
Pero no os serviré de nada,
porque allí se quedó
mi alma.

He venido.
Pero no me llaméis hermano,
que mi alma está allí,
llorando.

Tentative de traduction :

Je suis

venu,
Mais ma peine est restée là-bas,
au bord de la mer
elle pleure.

Je suis venu,
Mais je ne vous servirai à rien,
parce que là-bas est restée
mon âme.

Je suis venu,
Mais ne m'appelez pas frère,
car mon âme est là-bas,
elle pleure.

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

Descends vers le néant avec mon amour
comme sur la pente douce et verte
de cette rive vers la barque du soir;
en souriant distraite par des oiseaux de lumière ,
avec ta main amoureuse et déprise
parmi les petites fleurs
fraîches du soleil couchant

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

Je voudrais que mon livre
fût ainsi que le ciel, la nuit
toute vérité présente, sans histoire,
Qu’à chaque instant se donne, comme lui,
toute chose, avec ses étoiles…

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

XIX - PAYSAGE ÉCARLATE


 LE SOMMET. L'heure du couchant, un couchant
empourpré, blessé par ses propres cristaux qui le
couvrent. Sous son éclat, le vert de la pinède se
fait plus âpre et prend un vague ton rougeâtre ;
tandis que l'herbe et les petites fleurs, flam-
boyantes et transparentes, embaument l'instant
serein d'une

essence mouillée, pénétrante et lumi-
neuse.
 Devant le crépuscule, je demeure en extase.
Platero, dont les yeux noirs se teignent d'écarlate
solaire, gagne d'un pas paisible une mare carmin,
rose, violette ; son mufle plonge voluptueusement
dans les miroirs, qui semblent se liquéfier à ce
contact ; et dans sa gorge énorme passe comme un


torrent profus d'eaux sanguines et ombreuses.
 L'endroit est familier, mais l'instant le méta-
morphose et le rend insolite, délabré, monumen-
tal. On s'attendrait à découvrir à chaque instant,
quelque palais abandonné... Le soir s'éternise, et
l'heure, gagnée par cette ambiance d'éternité, est
infinie, pacifique, insondable...

 — En avant, Platero...

p.85 + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

Bonheur ; quel arbre invisible, infini
donne-t-il ton fruit, que l'âme parfois
cueille, en sa plénitude ?

De ces idées lesquelles sont tes branches,
de ces sentiments lesquels sont tes fleurs,
de ces chants quels sont tes oiseaux,
de ces sourires quels sont tes arômes ?

Qu'est-ce qui nourrit tes racines ?
Comment, par où, pareil à

ce citron,
pénètres-tu par ma fenêtre,
en notre plus profonde chambre,
y effleurant, tout doucement, le cœur ?

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

   AVERTISSEMENT AUX HOMMES
QUI LIRONT CE LIVRE POUR ENFANTS


 Ce petit livre où la joie et la peine sont jumelles
comme les oreilles de Platero était écrit pour…
mais sais-je pour qui !... pour ceux pour lesquels
nous écrivons, nous, les poètes lyriques… Mainte-
nant qu'il adresse aux enfants, je ne lui ôte ni ne

lui ajoute une seule virgule. Dieu merci !
 « Là où il y a des enfants, dit Novalis, il existe
un âge d'or. » Eh bien, à travers cet âge d'or, qui
ressemble à une île spirituelle tombée du ciel,
s'avance dans le cœur du poète, et il s'y trouve si à son
goût que son plus grand désir serait de ne jamais
l'abandonner.
 Ile de

grâce, de fraîcheur et de bonheur, âge
d'or des enfants : sois toujours présente dans ma
vie, cet océan de deuil ; et que ta brise m'offre sa
lyre, haute et parfois insensée, comme le trille de
l'alouette dans le soleil blanc du petit matin !

                              LE POÈTE

                          Madrid, 1914

p.49
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Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

Le poète est l’homme qui a en lui un dieu immanent, et comme le médium de cette immanence.

Juan Ramón Jiménez
Juan Ramón Jiménez

“Les dieux n’ont pas eu d’autre substance que celle que j’ai moi-même”. J’ai, comme eux, la substance de tout ce qui a été vécu et de tout ce qui reste à vivre. Je ne suis pas seulement un présent, mais une fugue torrentielle, de bout en bout. Et ce que je vois, de part et d’autre, dans cette fugue (avec des roses, des ailes brisées, de l’ombre et de la lumière)

n’appartient qu’à moi, souvenir et désirs bien à moi, pressentiment, oubli. Qui sait mieux que moi, qui, quel homme ou quel dieu peut, a pu, ou pourra me dire à moi ce que sont ma vie et ma mort, ce qu’elles ne sont pas ? Si quelqu’un le sait, je le sais mieux que lui, et si quelqu’un l’ignore, mieux que lui je l’ignore. Une lutte entre cette ignorance et ce savoir, voilà ma

vie, sa vie, voilà la vie. Passent des vents comme des oiseaux, des oiseaux comme des fleurs, des fleurs soleils et lunes, des lunes soleils comme moi, comme des âmes comme des corps, des corps comme la mort et la résurrection ; comme des dieux. Et je suis un dieu sans épée, sans rien de ce que font les hommes avec leur science ; seulement avec ce qui est le fruit de la vie, ce qui change

tout ; oui, de feu ou de lumière, de lumière. Pourquoi mangeons-nous et buvons-nous autre chose que lumière ou feu ? Si je suis né dans le soleil, et si de lui je suis venu ici dans l’ombre, suis-je fait de soleil et comme lui ai-je le pouvoir d’éclairer ? Ma nostalgie, comme celle de la lune, est d’avoir été soleil d’un soleil un jour et de le refléter, sans plus, maintenant.

Passe l’iris en chantant comme moi. Adieu iris, iris, nous nous reverrons, car l’amour est un et seul et il revient chaque jour. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          10