Joseph Andras
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Il ne sait presque rien d’elle mais ce qu’il en sait suffit bien amplement.
Inutile de lester un cœur battant.

Joseph Andras
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La mort, c'est une chose, mais l'humiliation ça rentre en dedans, sous la peau, ça pose ses petites graines de colère et vous bousille des générations entières (p.61)

Joseph Andras
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Fernand a été torturé toute la journée ; il en a donné trois. De quelles matières sont donc faits les héros, se demande-t-il, attaché au banc, la tête en arrière ? De quelles peaux, de quels os, carcasses, tendons, nerfs, étoffes, de quelles viandes, de quelles âmes sont-ils fichus, ceux-là ? Pardonnez, les camarades...

Joseph Andras
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Elle aima la chaux claire des maisons et la mer toujours comme évidence; elle aima les pâtisseries que le quartier lui offrait pendant le ramadan; elle aima les ruelles malaisées et bancroches de la Casbah et ses poivrons, ses poissons, ses agrumes et ses têtes de moutons tranchées; elle aima les arcades du centre d'Alger et l'allure blanche de la Grande Poste; elle aima son port pointu de

mats et ses quais, goulées grises de Méditerranée; elle aima le palmier renversé, dans leur quartier, sur lequel les passants s'arrêtaient pour discuter ou se délasser; elle aima ce gamin dont elle ne sut jamais le prénom et qui lui demanda un midi sa main tandis qu'elle se rendait chez le cordonnier; elle aima entendre cette langue inconnue, arabe lancé des fenêtres, des marchés et des

cafés, roulant d'amples tissus en bouches sombres; elle aima les interférences et les carambolages d'une ville entre deux mondes, immeubles haussmanniens et mosquées mauresques, étrange tête-à-tête de couleurs et de cultures. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          100

Joseph Andras
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Par ici, Iveton, ta grâce a été refusée. Lève-toi tout de suite. Fernand obtempère. Sonné. Sidéré. Le cerveau encore lourd de sommeil. Il porte un slip et demande à revêtir son pantalon : l’un des gardiens refuse sèchement. On le pousse. Arrivé sur le pas de la porte, il se retourne et regarde Achouar et Abdelaziz. Le premier semble perdu, hagard, peut-être plus encore que Fernand

ne l’est lui-même ; le second est grave, fixe, statue antique.

Joseph Andras
Joseph Andras

On ne mène pas une guerre avec des principes et des prêches de boy-scout.

Joseph Andras
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On dit « nous ». Si tu vas creuser un puits, même seul, c’est « nous », car il servira à tous.

Joseph Andras
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Et puis ces yeux d'un bleu d'ailleurs, voyage et méridiens pour le gosse d'Afrique du Nord qu'il était, deux petites dragées froides, pointues, un bleu chien-loup qui vous farfouille le cœur sans demander la moindre permission ni s'essuyer les pieds sur le paillasson qu'il ne manquera pas de faire de vous, si ce bleu-là venait à vous en vouloir ou vous aimer.

Joseph Andras
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Le sang, ça sèche plus vite que la honte.

Joseph Andras
Joseph Andras

Il n'y a pas à choisir, il l'aime rieuse et grave, deux couleurs d'un même avenir.

Joseph Andras
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Le journaliste examine, l'historien élucide, le militant élabore, le poète empoigne ; reste à l'écrivain de cheminer entre ces quatre frères : il n'a pas la réserve du premier, le recul du second, la force de persuasion du troisième ni l'élan du dernier. Il a seulement les coudées franches et parle à même la peau, allant et venant, quitte à boiter, entre les certitudes et les cancans,

les cris du ventre et les verdicts, les larmes aux yeux et l'ombre des arbres.

Joseph Andras
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Personne n'ose encore la nommer mais elle est bien là, la guerre, celle que l'on dissimule à l'opinion sous le doux nom d'événements.

Joseph Andras
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«Je vais mourir, mais l'Algérie sera indépendante» ( Fernand Iveton, p 148),»

Joseph Andras
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Le système colonial se poursuit jusqu'ici : les Européens bénéficient de deux couvertures et les indigènes d'une seule.

Joseph Andras
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La Commune de Paris ?
Ils ignorent d'elle jusqu'à son nom et me demandent les raisons de ce trou noir – ces soixante-douze jours, précisé-je aux trois Kanaks assis autour d'une table qu'un toit de tôles ombrage, n'ont, en « métropole » tout autant, que peu de voix aux chapitres du « roman national ». Il faut dire que nos gendelettres firent couler l'encre avec autant d'aise

que l'armée le sang : Flaubert dauba l'instruction publique et démocratique, responsable à ses yeux du soulèvement, et pesta contre les « piètres monstres » rouges qu'il eût tant voir expédiés aux galères ; Anatole France tança les « fripouillards » et cette insurrection « du crime et de la démence » ; Edmond de Goncourt se félicita de la « saignée à blanc »

pratiquée par le régime ; George Sand semonça le « fanatisme » et la « méchanceté naturelle » des révolutionnaires ; Leconte de Lisle, désireux de faire fusiller Courbet, n'en finit pas de maudire les « singes », les « incapables » et les « bas-fonds » - sinistre camarilla. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          30

Joseph Andras
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On sait qui tu es, Iveton, on a nos petits papiers nous aussi, un enculé de communiste que t'es, on le sait, mais tu vas moins faire le fier là avec ta petite gueule, Iveton, ta petite moustache de bicot, là, tu vas bien l'ouvrir ta bouche au commissariat, tu peux nous croire, on est des doués, nous, on arrive toujours à nos fins donc crois-moi que ta sale bouche de communiste on va en faire

ce qu'on veut, on ferait même causer un muet qu'il nous pondrait un opéra juste en claquant des doigts. Fernand ne répond rien. Ses mains sont entravées dans son dos ; il fixe le plancher du véhicule. Un gris usé, tacheté. Regarde-nous quand on te parle, Iveton, t'es un grand garçon tu sais, il va falloir assumer tes petites activités maintenant, t'entends, Iveton ? L'un des agents lui

gifle le dessus de la tête (pas une gifle violente, de celles qui claquent, non point, une gifle feutrée, faite pour humilier plus que pour faire mal).

Joseph Andras
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Il n'a rien dit depuis son réveil : il se méfie des mots, à présent, il sait qu'on peut les arracher par la force et les retourner comme un gant.

Joseph Andras
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On voulait pas toucher aux civils, c'était hors de question. tuer, c'est possible dans une guerre, mais on tue des militaires ou des terroristes, pas des innocents.

Joseph Andras
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L’alcool, reprend Hélène, le préoccupait au plus haut point. Le colonialisme l’a apporté dans ses bagages et il pourrait pas à pas, soupire-t-elle, avoir la peau du peuple kanak. Je songe une fois encore au jeune Hô Chi Minh, pestant dans de bien puissantes pages, d’un Paris qu’il habita plusieurs années au sortir de la Grande Guerre, contre “l’empoisonnement des indigènes”

rendu possible par l’augmentation des débits d’alcool et d’opium, “la baïonnette de la Civilisation capitaliste” et “la croix de la Chrétienté prostituée”.

Joseph Andras
Joseph Andras

Tu vois, c'est moi le condamné et c'est moi qui te donne confiance dans l'avenir.