Dans le monde, une fillette est excisée toutes les dix secondes.
j'ai remarqué, quand on parle d'une personne en situation de handicap, c'est pour insister sur ce que la personne ne peut pas faire. On se demande ce qui cloche. Certaine fois, on vous le demande. Ce qui est, quand on y pense, assez indiscret. On ne vous demande jamais quelle est sa couleur préférée, ce qu'elle aime chanter...
Société de consommation...
Je me rappelle avoir reçu, longtemps après le décès de mon fils, des publicités pour une marque de couches.
Régulièrement
"Votre bébé va voir six mois..."
"Votre bébé va avoir neuf mois..."
A chaque fois je téléphonais, expliquant la situation. Quand on m'a proposé les couches "spécial quatre
pattes", j'ai craqué et après deux lettres recommandées avec accusé de réception, j'ai dû passer à la vitesse supérieure et menacer...
Réponse : j'avais signé à la maternité un papier qui les autorisait à m'envoyer leurs promotions...
Je vous laisse deviner ce que j'ai ressenti quand, quelques temps plus tard on m'a envoyé un courrier présentant les couches
pour les chers petits anges qui commencent à marcher...
Mais j'avais signé...
C'est à ce moment-là que j'ai vraiment compris ce que signifie l'expression "société de consommation", une société marchande et réglementée où le chagrin de parents ne pèse pas très lourd. Peu importe que les prospectus nous déchirent le coeur et l'âme.
Nous avions
signé... + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         30
Être là, simplement
[...]
... Ainsi, si à la question "ça va ?" on vous répond un "oui" un peu fragile. Ne renchérissez pas avec un "t'es sûr ?". Parce que ce "oui", on est allé le chercher très loin, au plus profond de nous-mêmes. Prenez-le tel quel.
Une infirmière
Je me rappelle d'une infirmière qui faisait partie de l'équipe du SAMU ce jour-là. En me voyant, elle n'avait pas pu s'empêcher de verser quelques larmes. Imaginez, c'était son premier décès d'enfant...
Je me rappelle que plus tard, alors que je faisais une intervention auprès des jeunes urgentistes, on m'a dit qu'elle s'était fait réprimander pour
cette "réaction". Elle n'avait pas été "professionnelle", s'était laissée déborder par ses émotions.
Je pense souvent à cette jeune femme et je la remercie. A cet instant, mon fils n'était plus un numéro d'intervention mais un bébé.
Mon bébé.
Enfin ce coup de téléphone, le plus horrible que j'aie jamais eu à passer... Prévenir ton papa de sa fin du monde, avec ce standardiste qui ne comprenait rien, et qui me faisait répéter, comme dans un mauvais sketch.
Faire son deuil...
[...]
... Je n'avais pas besoin d'un psy. J'avais besoin de mains qui se tendent et de bras qui m'entourent. J'avais besoin de trouver ma solution, une issue.
[...]
... Un jour donc, j'ai compris que le bonheur d'avoir eu cet enfant était plus important, malgré tout, que la souffrance de l"avoir perdu.
"Revendique tes droits. Dis non quand cela ne te convient pas."
Ken Bugul (romancière sénégalaise)
Tandis qu’elle s’apprêtait à se diriger vers la maison, Aiata l’interpella :
-- Attrape !
Une clé de cadenas.
--C’est le cabanon jaune, tout au bout de la pointe. Vous ne pouvez pas vous tromper. Il sera disponible dans les trois jours à venir. N’hésitez pas. Si tu veux un conseil…
Mais Cloé n’avait pas besoin de conseils. Elle laisse là Aiata,
étendue dans toute sa splendeur, offerte au soleil et au léger clapotis du lagon pour regagner sa chambre. Elle devait préparer son sac : Harold et elle embarquaient le lendemain pour un petit séjour en amoureux aux îles Marquises.
En fait, se parents les gens n’avaient pas vraiment compris quand elle leur avait annoncé qu’elle quittait la maison familiale pour emménager là et pour tout dire, ils avaient été un peu vexés aussi. Que diraient les gens ? Mais Cloé était restée inflexible et elle ne craignait pas le qu’en-dira-t-on. Elle se sentait parfaitement bien dans cet espace confiné certes, mais douillet.
Plus tard, elle aménagerait Le Local, sa future librairie et se réserverait un espace à l’étage. Vivre au milieu de livres : un rêve de toujours. A ce propos, Marie lui rétorquait qu’elle aurait préféré voir sa fille fonder une famille, plutôt que vivre avec des personnages de papier. Ce n’était pas la vie, ça.
Oui, nous sommes tous concernés. Vous et moi qui avons tendance à refuser de parler de ce qui nous dérange. On cache la mort avec tout ce qui nous angoisse, on délaisse nos anciens, on planque nos handicapés ; pour être , pauvres de nous, les champions des anxiolytiques et autres antidépresseurs.
Fait comme si... Oui c'est ça, surtout faire comme si, comme si "tout cela" n'existait
pas.