Gaston Bachelard
Gaston Bachelard

L'esprit scientifique ne peut se constituer qu'en détruisant l'esprit non scientifique. Trop souvent le savant se confie à une pédagogie fractionnée alors que l'esprit scientifique devrait viser à une réforme subjective totale. Tout réel progrès dans la pensée scientifique nécessite une conversion.

Henri Bergson
Henri Bergson

Qu’il s’agisse de traiter la vie du corps ou celle de l’esprit, l’intelligence procède avec la rigueur, la raideur et la brutalité d’un instrument qui n’était pas destiné à un pareil usage. L’histoire de hygiène et de la pédagogie en dirait long à cet égard. Quand on songe à l’intérêt capital, pressant et constant, que nous avons à conserver nos corps et à élever nos

âmes, aux facilités spéciales qui sont données ici à chacun pour expérimenter sans cesse sur lui-même et sur autrui, au dommage palpable par lequel se manifeste et se paie la défectuosité médicale ou pédagogique, on demeure confondu de la grossièreté et surtout de la persistance des erreurs. Aisément on en découvrirait l’origine dans notre obstination à traiter le vivant comme

l’inerte et à penser toute réalité, si fluide soit-elle, sous forme de solide définitivement arrêté. Nous ne sommes à notre aise que dans le discontinu, dans l’immobile, dans le mort. L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie.
C’est sur la forme même de la vie, au contraire, qu’est moulé l’instinct. Tandis que l’intelligence traite

toutes choses mécaniquement, l’instinct procède, si l’on peut parler ainsi, organiquement. Si la conscience qui sommeille en lui se réveillait, s’il intériorisait en connaissance au lieu de s’extérioriser en action, si nous savions l’interroger et qu’il pouvait répondre, il nous livrerait les secrets les plus intimes de la vie.

(Chapitre II – Les directions

divergentes de l’évolution de la vie – torpeur, intelligence, instinct) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          60

Emile Durkheim
Emile Durkheim

Mais, si la pédagogie n'est pas une science, elle n'est pas non plus un art. L'art, en effet, est fait d'habitudes, de pratiques, d'habileté organisée. L'art de l'éducation, ce n'est pas la pédagogie, c'est le savoir-faire - de l'éducateur, l'expérience pratique du maître.

Xavier Mussat
Xavier Mussat

L'établi de mon frère dans le garage. Cet établi fut celui de mon père autrefois. Mon frère en fit son domaine quand notre père quitta la maison. Et leurs outils finirent par se mélanger sans qu'on puisse les distinguer. Je n'avais jamais tenté d'investir ce domaine de compétence de mon père. Je le laissais à mon frère, beaucoup plus disposé. Une légende que je consentis à croire

par facilité me décréta inapte aux activités manuelles. Et pour mieux asseoir cette légende, ma maladresse s'exprimait chaque fois que je tentais de la conjurer. J'ai pourtant toujours aimé les outils. La lourdeur du métal, la douce patine du bois, les odeurs de graisse, d'essence. J'ai toujours aimé ce qui en eux évoque l'art de fabriquer, de rationaliser, d'être utile. La maitrise de

la matière, la précision du geste mesuré, pensé, l'exactitude. Je ne savais pas à quel point ces qualités m'avaient été refusées ou si plus simplement, je n'entais pas des ces hommes-là. Mais l'inconfort de cette légende dénigrante finissait par me paraitre intolérable. Les bricoleurs et constructeurs en tous genres ne transmettent leur savoir que par le geste et la démonstration.

Ils fabriquent en silence, comprenne qui peut cette pédagogie muette. Ils se reconnaissent entre eux dans leur capacité à reproduire ces gestes observés. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          30

Jacques Rancière
Jacques Rancière

De la culture de la hiérarchie sociale, p. 70 :
Ainsi va la croyance en l'inégalité. Point d'esprit supérieur qui n'en trouve un plus supérieur pour le rabaisser ; point d'esprit inférieur qui n'en trouve un plus inférieur à mépriser. La toge professorale de Louvain est bien peu de choses à Paris. Et l'artisan de Paris sait combien lui sont inférieurs les artisans de province qui

savent, eux, combien les paysans sont arriérés. Le jour où ces derniers penseront qu'ils connaissent, eux, les choses, et que la toge de Paris abrite un songe-creux, la boucle sera bouclée. L'universelle supériorité des inférieurs s'unira à l'universelle infériorité des supérieurs où nulle intelligence ne pourra se reconnaître dans son égale. Or la raison se perd là où un homme

parle à un autre homme qui ne peut lui répliquer. « Il n'y a pas de plus beau spectacle, il n'y en a pas de plus instructif que le spectacle d'un homme qui parle. Mais l'auditeur doit se réserver le droit de penser à ce qu'il vient d'entendre et le parleur doit l'y engager (…) Il faut donc que l'auditeur vérifie si le parleur est actuellement dans sa raison, s'il en sort, s'il y rentre.

Sans cette vérification autorisée, nécessitée même par l'égalité des intelligences, je ne vois, dans une conversation, qu'un discours entre un aveugle et son chien. » (Jacotot, Journal de l'émancipation intellectuelle, t. III, 1835-1836, p. 334)
Réponse à la fable de l'aveugle et du paralytique, l'aveugle parlant à son chien est l'apologue du monde des intelligences inégales. On

voit qu'il s'agit de philosophie et d'humanité, non de recettes de pédagogie enfantine. L'enseignement universel est d'abord l'universelle vérification du semblable que peuvent faire tous les émancipés, tous ceux qui ont décidé de se penser comme des hommes semblables à tout autre. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Frithjof Schuon
Frithjof Schuon

Il faut réagir contre le préjugé évolutionniste qui veut que la pensée des Grecs soit « parvenue » à tel niveau ou à tel résultat, c’est-à-dire que le ternaire Socrate-Platon-Aristote serait le sommet d’une pensée toute « naturelle », som­met atteint après de longues périodes d’efforts et de tâtonnements ; c’est l’inverse qui est vrai, en ce sens que le dit ternaire ne

fait que cristalliser assez imparfaitement une sagesse primordiale et en soi intemporelle, d’origine aryenne d’ailleurs et typologiquement voisine des ésotérismes celti­que, germanique, mazdéen et brahmanique. Il y a, dans la rationalité aristotélicienne et même dans la dialectique so­cratique, une sorte d’« humanisme » plus ou moins apparenté au naturalisme artistique et à la

curiosité scientifique, donc à l’empirisme ; mais cette dialectique déjà trop contingente - n’oublions cependant pas que les dialogues socratiques relèvent de la « pédagogie » spirituelle et ont quelque chose de provisoire - cette dialectique, disons-nous, ne doit pas nous amener à attribuer un caractère « naturel » à des intellections qui sont « surnaturelles » par définition

même, ou « naturellement surnaturelles ». En somme, Platon a expri­mé en un langage déjà profane des vérités sacrées - langage profane parce que plus rationnel et discursif qu’intuitif et symboliste, ou parce que suivant dans une trop large mesure les contingences et humeurs du miroir mental -, tandis qu’Aristote a placé la vérité même, et non seulement l’ex­ pression, sur un

plan profane et « humaniste » ; l’originalité de l’aristotélisme est sans doute de donner à la vérité un maximum de bases rationnelles, ce qui ne va pas sans l’amoindrir et ce qui n’a de sens qu’en présence d’une régression de l’intuition intellectuelle ; c’est une « épée à double tranchant », précisément parce que la vérité semble être désormais à la merci des

syllogismes. La question de savoir si c’est là une trahison ou une réadaptation providen­tielle nous importe peu, et on pourrait sans doute y répondre dans un sens comme dans l’autre(1) ; ce qui est certain, c’est que l’aristotélisme, par ses contenus essentiels, est encore beaucoup trop vrai pour être compris et apprécié par les protagonistes de la pensée « dynamique » et

relativiste, ou « existentialiste », de notre époque. Cette pensée mi-plébéienne, mi-démoniaque se trouve dès ses prémisses en contradiction avec elle-même, puisque, dire que tout est relatif ou « dynamique », donc « en mouvement », c’est dire qu’il n’existe aucun point de vue qui permette de le consta­ter ; Aristote avait du reste parfaitement prévu ce contre­sens.

(1) Pythagore, c’est encore l’Orient aryen ; Socrate-Platon n’est plus tout à fait cet Orient - en réalité ni « oriental » ni « occidental », cette distinction n’ayant pas de sens pour l’Europe archaïque -, mais il n’est pas encore tout à fait l’Occident, tandis qu’avec Aristote l’Europe com­mence à devenir spécifiquement « occidentale » au sens courant et

culturel du terme. L’Orient - ou un certain Orient - fait irruption avec le Christianisme, mais l’Occident aristotélicien et césaréen finit par l’em­porter, pour échapper en fin de compte et à Aristote et à César, mais par le bas. Faisons remarquer à cette occasion que toutes les tentatives théologiques modernes de « dépasser » l’aristotélisme ne peuvent que tendre vers le

bas, étant donné la fausseté de leurs motifs implicites ou explicites ; ce qu’on recherche au fond, c’est une capitulation élégante devant le scientisme évolutionniste, devant la machine, le socialisme activiste et démagogique, le psychologisme destructeur, l’art abstrait et le surréalisme, bref le modernisme sous toutes ses formes - ce moder­nisme qui est de moins en moins un «

humanisme » puisqu’il se déshumanise, ou cet individualisme qui est de plus en plus infra-individuel. Les modernes, qui ne sont ni des pythagoriciens ni des védantins, sont assurément les derniers à pouvoir se plaindre d’Aristote. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

Cédric Bannel
Cédric Bannel

- Rien ne va plus décidemment, dans cette ville, répondit Malalai. De mon côté, j’ai eu plusieurs accouchements difficiles et il m’a encore fallu faire de la pédagogie auprès de maris obtus qui refusaient la péridurale pour leur femme. C’est une véritable épidémie, en ce moment. Les talibans font croire que les produits injectables contiennent du porc, voire du whisky. J’ai

l’impression de devenir folle, la moindre piqûre exige des discussions à n’en plus finir avec des hommes bourrés de certitudes alors qu’ils ne savent même pas lire. Tu savais que quatre-vingt-dix pour cents des cas de poliomyélite dans le monde sont désormais enregistrés chez nous et au Pakistan ? Tout ça à cause du refus des vaccinations ?

Camille de Toledo
Camille de Toledo

Voyez. L'identité réarmée.
Partout, l'obsession du soi et du non-soi.
Pédagogie ancienne reconduisant
le meurtre.

Sándor Ferenczi
Sándor Ferenczi

La pédagogie est pour la psychologie ce que la discipline du jardinage est pour la botanique.

Romain Sardou
Romain Sardou

Le Falou fit de son mieux pour l'instruire : il lui apprit les rudiments de la lecture grâce aux majuscules des enseignes à l'entrée des manufactures, à former des lettres grâce à des éclats de charbon, à compter grâce aux clous des caisses de bois, enfin à rêver grâce à son inestimable imagination et à son goût du récit. Ce dernier point de pédagogie était celui auquel il

attachait le plus de prix : "savoir rêver" était selon lui le seul moyen tangible de fuir l'enfer noir de CokeCuttle en 1851.