Maggie O’Farrell
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Les mariages se brisent non pas à cause de ce que l’on dit, mais de ce que l’on ne dit pas.
P504

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....Parce qu'elle se mit à pleurer, avec une urgence telle qu'elle fut incapable de parler. Jamais je n'ai vu ma mère pleurer ainsi. Ma mère n'était pas une émotive, une pleurnicheuse : un calme mystérieux l'habitait constamment. La voir secouée de sanglots, voir ces larmes se déverser sur son visage fut un choc horrible, viscéral. Je crois avoir dit, Pardon, je crois avoir dit, Maman,

je crois avoir dit je t'en supplie. Mais peut-être n'ai-je rien dit du tout.

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Sa spécialité. Se rendre absente au monde, se faire disparaitre. Mesdames et Messieurs, regardez bien. Surtout, il importe d’être immobile. Le simple fait de respirer peut leur rappeler votre présence, donc, des respirations très courtes, très superficielles. Juste de quoi rester en vie. Pas plus. Ensuite, il faut s’imaginer tout en longueur. C’est le plus difficile. Penses que tu es

mince, étirée, transparents, à force d’avoir été malaxée. Concentre-toi. Concentre-toi vraiment. Il faut atteindre un état où ton être, le quelque chose qui fait de toi ce que tu es et te rend bien visible, en trois dimensions dans une pièce, peut s’envoler de ton crâne, jusqu’au moment où, mesdames et messieurs, ce stade sera dépassé… P 94

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Cette démangeaison, ce désagrément, cette éruption, cette inflammation, ces rougeurs, tous ces symptômes infernaux, aliénants : tout cela n’est pas lui. Il y a lui et il y a sa maladie. Lui et sa maladie sont deux entités, forcées de cohabiter dans un même corps. P 72

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Avoir un bébé vous incite sans doute à revivre votre enfance, se dit-il. Les choses auxquelles on ne pense jamais refont soudain surface.

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Iris voit la femme tourner tout d'abord la tête, puis le cou et enfin le corps. On dirait qu'il lui faut très longtemps, et Iris pense à un chat roulé en boule qui se réveille et s'étire.

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Lorsqu'elle a appris que sa mère avait perdu plusieurs bébés, elle l'a imaginée en train de les laisser négligemment tomber d'un panier à provisions ou de la poche de son manteau, comme de la petite monnaie ou des épingles à cheveux.

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« Si je comprends bien, dit-elle lentement, tu as emmené ta petite amie se faire avorter, tu es rentré chez toi et tu as couché avec une autre ? »
Je grimace. Je n'avais jamais vu les choses comme ça.
« C'est-à-dire que...
- Directement, insiste-t-elle ? Le soir même ? »
Je réponds par un mouvement à mi-chemin entre le hochement de tête et celui d'épaules.

« Peut-être le soir d'après. Je ne me souviens pas bien.
- Et c'est donc comme ça que tu as réagi à l'avortement de ta petite amie ?
- Ecoute, j'étais... » je cherche mes mots.
« très jeune... bête et... »
- Vingt-quatre ans, ce n'est pas si jeune » marmonne-t-elle.
(p. 402)

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C'est une chose terrible que de désirer une chose qu'on ne peut pas avoir.

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Petit garçon, j'adorais ce jeu où l'on doit relier des points éparpillés sur une page. De trait en trait, suivant l'ordre des chiffres, une image émerge du néant, donnant un sens à cet apparent chaos. Par-dessus tout, j'adorais admirer, à mi-parcours, le dessin réalisé, et pouvoir commencer à deviner ce qu'il représentait. Une fusée ? Un tracteur ? Un palmier, un bateau à voile, un

dinosaure, une plage ? Tout était possible. Les meilleurs jeux étaient ceux qui vous envoyaient sur de fausses pistes. [...]
Tel est le sentiment, ce sentiment de décalage entre ce que l'on croit faire et ce que l'on fait réellement, qui m'étreint en ce moment, assis là, les coudes pressés contre la surface de mon bureau. Ma vie, depuis tout ce temps, me semblait être une chose, mais

je me rends compte à présent qu'il en est peut-être tout autrement.
(p. 54-55)

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Elle a envie de demander où se trouvent les malades, mais l'infirmière compose un code pour franchir une autre porte et, tout d'un coup, une nouvelle odeur l'assaille.
Fétide, oppressante. Celle de corps qui gardent trop longtemps les mêmes vêtements. De nourriture réchauffée. De pièces où les fenêtres ne sont jamais grandes ouvertes.

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Qu'est-on censé faire de tout l'amour qu'on éprouve pour quelqu'un s'il n'est plus là Qu'advient-il de tout cet amour ? Doit-on le refouler ? L'ignorer ? Ou le donner à quelqu'un d'autre ?

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-Voilà précisément la raison pour laquelle vous êtes si parfaite, répond-il. Je ne prends jamais d’acteurs dans mes films, de gens entrainés comme des animaux de cirque à jouer de telle ou telle manière devant la caméra. Il n’y a plus aucun naturel, leur jeu est complétement formaté. Je veux des personnes qui n’ont jamais mis les pieds sur un plateau de tournage. Le film gagnera

en fraicheur, surprendra d’avantage. Je veux bouleverser les règles de l’Art, et ce choix est un moyen parmi d’autres d’y parvenir. Aucun acteur professionnel. Seulement de vraies personnes.
Vous le regardez. Il vous regarde. Vous avez l’impression de jouer à qui cligne le premier.
« Je ne suis pas en train de vous draguer », dit-il. Et impossible de vous en empêcher :

vous clignez.
P74

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Quand on vous frappe ou que l’on vous fait du mal, enfant, l’impuissance, la vulnérabilité que vous ressentez, la rapidité avec laquelle une situation peut déraper, aussi vite qu’un battement de cils, qu’une respiration, sont des choses que vous n’oubliez jamais.

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Daniel cherche les mots pour décrire son émotion en les voyant, après une si longue absence, pour les décrire, apparaissant à la porte du café, traversant la salle pour aller à sa rencontre. Le plus touchant n’était pas tant de se retrouver en eux, que d’accomplir un acte juste, de voir l’ordre des choses restitué, remis à sa place. Il sait maintenant ce que doit ressentir le

serrurier qui, enfin, parvient à fabriquer la clé qui ouvrira un vieux verrous rouillé, ou bien le compositeur qui soudain trouve la note qui lui manquait.
P141

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[...] leur mariage, survenu si vite après leur sortie de l'université, si tôt dans leurs vingt ans, a déclenché chez leurs pairs des vagues de peur et de paranoïa.
Alors ça y est, on en est là ? se demandent les plus jeunes invités au premier rang, tout en posant, sourire aux lèvres, tout en levant leurs coupes de champagne devant l'objectif. Tout le monde va commencer à se

marier ? Nous avons donc atteint l’âge ? Allons-nous devoir nous farcir des mariages tous les week-ends ? Est-ce le début de tout cela ? Les successions de cérémonies étranges, les dîners de répétition, les sketchs, les fêtes qui n’en finissent pas et nos amies méconnaissables avec leurs robes raides et leurs coiffures figées. Et l’interminable liste de mariage. Qu’est-ce

qu’une fourchette à poisson, un couteau à beurre et un vase pour les grandes occasions ? Pourquoi se retrouver obligés d’acheter tout cela ?
(p. 205-206)

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Sur la vitre verdâtre en face de lui, des traces de buées éphémères apparaissent et disparaissent, apparaissent et disparaissent ; l’invisible qui se dévoile, se fait connaître au monde. P 230

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Une chose inhabituelle est arrivée à Innes. Il n'en mesure pas encore bien la portée. Mais il sait quand a commencé la légère folie qui s'est emparée de lui. Il y a un peu plus de quinze jours, il a jeté un coup d'œil par-dessus une haie et aperçu une jeune femme assise sur une souche. [...] L'espace d'un instant, il a conscience de l'immensité de la ville, de son énorme respiration,

il a l'impression qu'il est assis avec cette fille, ou plutôt cette jeune femme, en plein milieu, dans l'œil du cyclone, et il se dit qu'ils sont peut-être les seuls à partager cette expérience, que jamais personne avant eux ne l'a connue. [...] Sans savoir pourquoi, il se doute que cette fille n'est pas comme les autres, qu'elle lui est déjà nécessaire. C'est une pensée qui ne s'explique

pas.

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Cet homme nous a -t-il vu réuni mon fils et moi ? Je l'espère. Lorsqu'il m'a pris la main, il m'a appris quelque chose sur la valeur du contact physique, sur la puissance communicatrice de la main humaine. Allongé sur la table d'opération, jamais je ne me serais douté que je repenserai à lui aussi souvent dans les années qui suivront.

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"Je me lève, la contemple, elle, ma femme, l'amour de ma vie..
J'ouvre les bras, m'avance vers elle...Voilà mon cœur, ma bien - aimée ..
"Ne t'avise même pas de m'embrasser", lâche t-elle en enfonçant son poing dans ma poitrine."