Ladislas Stanislas Reymont
Ladislas Stanislas Reymont

Et toujours les cloches appelaient les égarés ; elles appelaient comme des mères en détresse, de la voix profonde de l’inquiétude ; tout le rivage résonnait d’un sanglot de bronze comme si la terre entière eût douloureusement supplié l’océan d’être pitoyable. (p. 7).

Ladislas Stanislas Reymont
Ladislas Stanislas Reymont

Borowiecki s'était réveillé. Il alluma une bougie et, au même moment, le réveil qui indiquait cinq heures sonna énergiquement.
— Mateusz, mon thé ! cria-t-il au valet qui entrait dans la pièce.
— C'est prêt.
[...]
— Que raconte-t-on en ville ? demanda-t-il hâtivement tandis qu'il s'habillait plus rapidement encore.
— Oh, rien, sinon qu'un ouvrier

s'est fait poignarder sur la place Gajerowski.
— Ce sera tout, va-t'en.
— Et aussi, l'usine de Goldberg, rue Cegielna, a brûlé. Nos pompiers y sont allés mais tout s'est bien passé, il ne restait que les murs. Le feu avait pris dans le séchoir.

[Władysław Stanisław REYMONT {*}, "La Terre promise" ("Ziemia Obiecana", 1899), traduit du polonais par

Olivier Gautreau, 740 pages, collection "Les Classiques du monde", Editions ZOE (Genève), 2011 - Tome I, Chapitre 1, page 14]

{*} (1867-1925), lauréat du prix Nobel de Littérature, 1924.

Ladislas Stanislas Reymont
Ladislas Stanislas Reymont

Łódź s'éveillait.
La première sirène stridente d'une usine déchira le silence du petit matin et, tout de suite après, dans un tumulte grandissant, d'autres commencèrent à retentir de toutes parts à travers la ville, braillant d'une voix éraillée et insupportable tel un choeur de coqs monstrueux chantant la reprise du travail de leurs gosiers métallique.
Les

longues carcasses noires et les cheminées au cou élancé des usines se découpaient dans la nuit, dans la brume et la pluie ; immenses, elles se réveillaient peu à peu et, crachant des flammes de leurs fournaises et exhalant des tourbillons de fumée, elles recommençaient à vivre et à s'animer dans l'obscurité qui enveloppait encore le paysage.

[Władysław

Stanisław REYMONT {*}, "La Terre promise" ("Ziemia Obiecana", 1899), traduit du polonais par Olivier Gautreau, 740 pages, collection "Les Classiques du monde", Editions ZOE (Genève), 2011 - Tome I, Chapitre 1, page 13]

{*} (1867-1925), lauréat du prix Nobel de Littérature, 1924. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          30

Ladislas Stanislas Reymont
Ladislas Stanislas Reymont

Le jour frémit d’inquiétude ; par le monde passait la frayeur, toutes les voix étaient mortes, toute créature retenait son souffle ; l’océan s’immobilisa ; ce fut le calme de l’attente, le calme de l’effroi ; seules les eaux murmuraient en reculant impuissantes dans les précipices de la crainte et du silence, seuls, les derniers sanglots des dernières lames parmi les rochers

armés de crocs noirs, et le clapotis douloureux des longues langues d’écume agrippées aux pierres.

Ladislas Stanislas Reymont
Ladislas Stanislas Reymont

Le soleil planait très bas au-dessus de l’océan comme un oiseau fatigué qui, péniblement, traîne ses ailes d’or ; et les rivages élevés, les hautes masses des arbres, les rochers agrestes vomis par les eaux, les gueules ouvertes des baies, les mâts courbés, les tours des églises et les solitaires menhirs semblaient se pencher vers lui et tendre leurs bras suppliants pour le retenir

— mais le soleil pâle, troublé, effaré, s’enfuyait, tombait toujours plus vite, car en haut, par le ciel sombre, couraient les corps monstrueux et gris des nuages ; ils venaient du nord, rampaient menaçants du midi, coulaient en foule innombrable de l’orient, se suivaient pas à pas, s’unissaient en une demi-sphère, en une meute furieuse, affamée.

Ladislas Stanislas Reymont
Ladislas Stanislas Reymont

Le soleil planait très bas au-dessus de l’océan comme un oiseau fatigué qui, péniblement, traîne ses ailes d’or ; et les rivages élevés, les hautes masses des arbres, les rochers agrestes vomis par les eaux, les gueules ouvertes des baies, les mâts courbés, les tours des églises et les solitaires menhirs semblaient se pencher vers lui et tendre leurs bras suppliants pour le retenir

— mais le soleil pâle, troublé, effaré, s’enfuyait, tombait toujours plus vite, car en haut, par le ciel sombre, couraient les corps monstrueux et gris des nuages ; ils venaient du nord, rampaient menaçants du midi, coulaient en foule innombrable de l’orient, se suivaient pas à pas, s’unissaient en une demi-sphère, en une meute furieuse, affamée.
Par moments, le jour

s’assombrissait, car certains nuages détachés en avant, entremêlés en un vol fou, se précipitaient aveuglément comme des bêtes écumantes dans les abîmes fuligineux du soleil.
Le jour frémit d’inquiétude ; par le monde passait la frayeur, toutes les voix étaient mortes, toute créature retenait son souffle ; l’océan s’immobilisa ; ce fut le calme de l’attente, le calme

de l’effroi ; seules les eaux murmuraient en reculant impuissantes dans les précipices de la crainte et du silence, seuls, les derniers sanglots des dernières lames parmi les rochers armés de crocs noirs, et le clapotis douloureux des longues langues d’écume agrippées aux pierres.
Soudain le jour s’effrita.
De tous côtés les nuages atteignirent le soleil et s’effondrant

sur lui le mirent en lambeaux flamboyants, le dévorèrent avidement de leurs mâchoires boueuses ; il s’éteignit dans le gouffre de ces gueules immondes.
Une ombre triste, cendrée, s’épandit sur le jour aveugle.
Au loin, très loin s’éleva, grave, un sourd grondement.
Puis un insondable et mortel silence + Lire la suiteCommenter  J’apprécie     

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Ladislas Stanislas Reymont
Ladislas Stanislas Reymont

Roman de Władysław Reymont, dans les années 1901-1908, publié sous forme de livre dans les années 1904-1909 [1]. L'écrivain a reçu le prix Nobel de travail en 1924. Le roman montre la vie des communautés vivant dans le village de Lipce pendant quatre saisons.