Carolin Philipps
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(...)si tu grattes un peu, si tu regardes entre les semelles, par exemple, ou entre les différentes épaisseurs du cuir, tu verras des paupières qui se ferment, la peur d'être puni, et toute la colère rentrée de ceux qui les ont fabriquées. Porter ces chaussures, c'est fouler notre misère aux pieds.

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- C'est pour amortir les chocs ! explique Hoa.
Les sportifs européens et américains y gagnent en confort. Ca leur permet de courir plus vite.
Quelle importance ? De toute façon, Lan n'aura jamais de quoi se payer les chaussures qu'elle fabrique. Si elle voulait s'en acheter une paire, il faudrait qu'elle économise la totalité de son salaire pendant six mois.
Et les autres

sont dans le même cas. Si bien que la question de savoir pourquoi les étrangers ont besoin de semelles triple épaisseur pour courir plus vite n'intéresse personne. L'essentiel, c'est que le travail soit terminé dans les délais et que les baskets soient acheminées au port de Ho-Chi-Minh-Ville à temps pour être embarquées sur les cargos à destination de l'Europe et des Etats-Unis.


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D'un bond, Chi Dung s'interpose entre Lan et la jeune Allemande. Ses yeux lancent des éclairs.
Cependant, alertés par le cri de la jeune fille, les autres membres de la délégation viennent voir ce qui se passe. M. Lehmann prend la semelle dans sa main et la renifle en fronçant les sourcils.
- C'est abominable ! commente-t-il. Vous êtes sûr que ce n'est pas toxique ?
-

Absolument, certifie Ong Lê d'une voix onctueuse. C'est garanti sans risque. Jamais je n'exposerais mes ouvriers à des produits mauvais pour la santé. S'ils tombaient malades, qui fabriquerait les chaussures ?
Les étrangers rient de sa plaisanterie.

Carolin Philipps
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Une grosse commande vient d'arriver d'Europe : 20 000 chaussures de sport à destination d'une grande enseigne allemande. Les Allemands sont de bons clients, les industriels vietnamiens s'arrachent leurs contrats.
...
Un mégaphone à la main, Ong Lê annonce d'une voix forte :
- Nous avons 30 jours pour fabriquer et conditionner 20 000 paires de baskets !

Carolin Philipps
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Les traditions sont à l'homme ce que les racines sont à l'arbre.  (p.100)

Carolin Philipps
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L'usine est aussi bien gardée qu'une prison et, d'ailleurs, ceux qui y travaillent ont l'impression d'être enfermés. Pourtant, ils sont volontaires. Personne ne les force à rester. Il n'y a pas de contrat de travail, pas un mot sur les droits et les devoirs des uns et des autres. Ceux qui veulent partir peuvent le faire, à tout moment. Mais rares sont ceux qui s'en vont de leur plein gré.

Tous ont trop besoin de leur salaire, même s'ils gagnent à peine de quoi survivre.

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Il ne peut imaginer vivre dans un village comme celui où sont nés ses parents : sans électricité, sans eau courante à la salle de bains,et même sans salle de bains. Se laver à la fontaine au centre du village, ou à la rivière. Sans parler de la télévision ou du magnétoscope.
Sur ces photographies, les enfants ont la même peau noire que lui. Mais c'est tout ce qu'ils ont en

commun. Il ne peut s’imaginer vivre avec eux.

Pourtant, il rêve parfois qu'il est avec ses amis à l'école là-bas et que la porte s'ouvre tout à coup. Le maître accompagné d'un petit garçon blanc aux cheveux roux ....

Carolin Philipps
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Comme dit Confucius :
L'arbre des bonnes intentions
Porte beaucoup de fleurs
Mais peu de fruits.

Carolin Philipps
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Les traditions sont à l'homme ce que les racines sont à l'arbre. Seul celui qui plonge ses racines profondément dans le sol résiste à la tempête. Hélas, aux yeux de mon fils, tout ce qui compte, c'est l'argent. De l'argent, de l'argent...